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27/03/2018 | FRANCE | N°17NC01775

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 27 mars 2018, 17NC01775


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2016 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1606780 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée

le 20 juillet 2017, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2016 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1606780 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2017, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 avril 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2016 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) ou, à défaut, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- le tribunal a commis une erreur de droit en inversant la charge de la preuve de la satisfaction par M. B...des conditions à remplir pour bénéficier d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le préfet devait lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; le médecin de l'agence régionale de santé a rendu, le 4 août 2016, un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité entachant les décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;

- eu égard à son état de santé qui ne pourra être traité en Algérie, la décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- eu égard à son état de santé, il ne peut voyager sans risque vers son pays d'origine.

Par un mémoire enregistré le 22 février 2018, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Par une décision du 26 juin 2017, le président de la section administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Tréand a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., de nationalité algérienne, est entré irrégulièrement en France en 2013 et a sollicité, le 24 novembre 2014, un titre de séjour pour raison de santé ; que par un arrêté du 25 octobre 2016, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné ; que, par un jugement du 4 avril 2017, dont M. B...relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que dans l'hypothèse où les premiers juges auraient commis, comme le soutient M.B..., une erreur de droit en inversant la charge de la preuve de la satisfaction par le requérant des conditions à remplir pour bénéficier d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susceptible de remettre en cause, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les motifs retenus pour rejeter les conclusions à fin d'annulation de M.B..., cette erreur qui se rapporte au bien-fondé du jugement attaqué reste sans incidence sur la régularité du jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, susvisé : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dernières dispositions : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement (...) " ;

4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que le médecin de l'agence régionale de santé d'Alsace Champagne-Ardenne Lorraine a, par un avis du 4 août 2016, estimé que l'état de santé de M. B...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine ; que le certificat établi par un médecin généraliste, le 29 juin 2016, indique que l'intéressé souffre d'un état de stress post-traumatique sévère dû à un passé douloureux vécu en Algérie, qu'il est victime de " tension nerveuse, cauchemars, hallucinations auditives et idées suicidaires " et qu'il a présenté trois épisodes de pertes de connaissance faisant suspecter l'existence de crises d'épilepsie nécessitant des investigations complémentaires par un neurologue ; que, toutefois, le préfet du Bas-Rhin produit un courriel daté du 15 décembre 2015 émanant du médecin conseil de l'ambassade de France en Algérie qui établit qu'il existe dans ce pays une offre de soins adaptée en matière de troubles psychiatriques ; que si M. B...s'est vu prescrire, par des certificats médicaux datés du 3 juillet 2014 et du 27 novembre 2014, du Doliprane, du Lexomil, du Stilnox, de la Mirtazapine et du Valium, la liste des médicaments remboursés par la sécurité sociale en Algérie, publiée au journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire le 1er juin 2008, dont le caractère ancien ne peut à lui-seul remettre en cause la validité, démontre que les médicaments correspondant aux classes thérapeutiques de ceux prescrits à M. B...sont remboursés en Algérie ; que si certains d'entre eux ne sont pas mentionnés dans cette liste, il n'est pas établi que les molécules des médicaments qui sont prescrits au requérant n'existeraient pas sous une autre forme, ou sous un autre nom commercial ; qu'enfin, il ressort du bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 16-17 du 3 juin 2014 de l'institut de veille sanitaire de l'OMS qu'il n'existe une contre-indication à un voyage aérien que pour les personnes souffrant de troubles psychotiques qui ne seraient pas totalement maîtrisés, catégorie dont ne relève pas M. B...qui ne déclare à son médecin traitant souffrir que d'hallucinations auditives et qui ne démontre pas avoir consulté un neurologue comme l'y invitait ledit médecin afin de déterminer s'il souffre d'épilepsie ; que, dans ces conditions, le préfet du Bas-Rhin n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco algérien précité en refusant de délivrer à M. B...le certificat de résidence qu'il sollicitait ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour serait entachée d'illégalité ; que, par suite, son moyen invoqué à l'encontre de la mesure d'éloignement et tiré, par voie d'exception, d'une prétendue illégalité de la décision de refus de séjour ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que le requérant n'est pas fondé à soutenir que les décisions lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français seraient entachées d'illégalité ; que, par suite, son moyen invoqué à l'encontre de la décision fixant la pays de destination et tiré, par voie d'exception, d'une prétendue illégalité des décisions de refus de séjour et d'éloignement ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que M. B...n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 6 qu'eu égard à son état de santé, il serait personnellement exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine, l'Algérie ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été pris en méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que M. B...ne pourrait voyager sans risque vers son pays d'origine doit, en tout état de cause, être écarter pour les motifs retenus au point 6 ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 17NC01775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01775
Date de la décision : 27/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : GANGLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-03-27;17nc01775 ?
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