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27/03/2018 | FRANCE | N°16NC01290

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 27 mars 2018, 16NC01290


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Fontis a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 5 août 2013 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale pour l'emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière à hauteur de 16 800 euros, ensemble le rejet de son recours gracieux du 27 septembre 2013 et, d'autre part, de réduire le montant de la sanction infligée par l'OFII, à titre principal, à 1 74

5 euros ou, à titre subsidiaire, à 6 980 euros.

Par un jugement n° 1304957 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Fontis a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 5 août 2013 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale pour l'emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière à hauteur de 16 800 euros, ensemble le rejet de son recours gracieux du 27 septembre 2013 et, d'autre part, de réduire le montant de la sanction infligée par l'OFII, à titre principal, à 1 745 euros ou, à titre subsidiaire, à 6 980 euros.

Par un jugement n° 1304957 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juin 2016, la SARL Fontis, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 avril 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 5 août 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale pour l'emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière à hauteur de 16 800 euros, ensemble le rejet de son recours gracieux du 27 septembre 2013 ;

3°) de réduire la contribution sollicitée par l'OFII, à titre principal, à la somme de 1 745 euros ou, à titre subsidiaire, à la somme de 6 980 euros.

Elle soutient que :

- les décisions litigieuses ne précisaient pas le tribunal administratif territorialement compétent devant lequel pouvait être formé un recours ;

- elle pouvait bénéficier des dispositions du 1° du II de l'article R. 8253-2 du code du travail qui limitent le montant de la contribution spéciale à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail ;

- la sanction est exorbitante, disproportionnée au regard de l'infraction commise ; elle doit être déchargée de la contribution spéciale mise à sa charge par l'OFII ou, à tout le moins, le montant de la contribution doit être réduit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de la SARL Fontis la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Fontis ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

Sur les conclusions principales :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-4 du même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-2 du même code : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / IV.- Le montant de la contribution spéciale est porté à 15 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu'une méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 8251-1 a donné lieu à l'application de la contribution spéciale à l'encontre de l'employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l'infraction. " ;

2. Considérant qu'à l'occasion d'un contrôle d'identité effectué le 30 octobre 2011 en fin de matinée à Terville en Moselle, un agent de police judiciaire a interpellé M. C...D..., ressortissant haïtien en situation irrégulière ; qu'il est constant que l'intéressé était employé par la SARL Fontis et travaillait avec un compatriote sur un chantier de rénovation de certains sanitaires de l'hôtel Mercure situé à Thionville ; qu'après avoir engagé une procédure contradictoire au cours de laquelle le gérant de la SARL Fontis a reconnu les faits constitutifs de l'infraction mentionnée à l'article L. 8251-1 du code du travail, le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, par une décision du 5 août 2013 prise en application des dispositions de l'article R. 8253-4 du même code, mis à la charge de la SARL Fontis la contribution spéciale pour l'emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière à hauteur de 16 800 euros ; que la SARL Fontis a formé un recours gracieux le 16 septembre 2013, qui a été rejeté par décision expresse de l'OFII du 27 septembre 2013 ; que la SARL Fontis a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler ces deux décisions mais aussi de réduire le montant de la sanction infligée par l'OFII, à titre principal, à 1 745 euros ou, à titre subsidiaire, à 6 980 euros ; que, par un jugement du 21 avril 2016, le tribunal a rejeté l'ensemble de ses conclusions ;

3. Considérant, en premier lieu, que si la SARL Fontis soutient que les décisions litigieuses ne précisaient pas le tribunal administratif territorialement compétent devant lequel pouvait être formé un recours, cette circonstance est sans influence sur leur légalité ;

4. Considérant, en deuxième lieu qu'il est constant que, fin octobre 2011, la SARL Fontis employait M.C..., ressortissant haïtien, qui n'était pas muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France en méconnaissance des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail ; qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du même code, l'Office français de l'immigration et de l'intégration était fondé à mettre à sa charge la contribution spéciale dont le montant est égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail, soit une somme de 16 800 euros, en vertu du I de l'article R. 8253-2 du même code ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal établi le 23 janvier 2012 par le service de la police aux frontières de Thionville et transmis au procureur de la République du tribunal de grande instance de Thionville que l'emploi de M. C...était également constitutif d'un travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, infraction pénale prévue par l'article L.8221-5 du code du travail et réprimée par l'article L. 8224-1 du même code ; que, par suite, la SARL Fontis, qui s'est rendue coupable de plusieurs infractions, n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait bénéficier des dispositions du 1° du II de l'article R. 8253-2 du code du travail et voir sa contribution spéciale réduite à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti ;

6. Considérant, enfin, qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions ; qu'il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au montant minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur ; que si la SARL Fontis invoque diverses circonstances en vue d'excuser ou de relativiser les fautes qu'elle a commises en employant M.C..., ces circonstances sont sans influence sur la légalité des décisions litigieuses qui se sont bornées, ainsi qu'il a été dit au point 4, à lui appliquer le seul montant prévu par les dispositions précitées de l'article R. 8253-2 du code du travail compte-tenu des manquements reprochés ; qu'il suit de là que la société appelante n'est notamment pas fondée à demander que la contribution spéciale mise à sa charge soit limitée à 500 fois le taux horaire du minimum garanti ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Fontis n'est fondée ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande, ni à demander à la cour de réformer les décisions litigieuses ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

9. Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SARL Fontis la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Fontis est rejetée.

Article 2 : La SARL Fontis versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Fontis et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

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N° 16NC01290


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01290
Date de la décision : 27/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : LEBON

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-03-27;16nc01290 ?
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