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06/03/2018 | FRANCE | N°17NC02226

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 06 mars 2018, 17NC02226


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement, ainsi que la décision du 30 janvier 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700400 du 16 mai 2

017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement, ainsi que la décision du 30 janvier 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700400 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2017, MmeA... B..., représentée par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 16 mai 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 décembre 2016 et la décision du 30 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet du Doubs s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée au regard de l'avis rendu par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

- le contrat de travail en qualité d'assistante de direction auprès de l'université de Franche-Comté est en adéquation avec sa formation et son expérience ;

- le préfet lui a opposé la situation de l'emploi, en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- un titre de séjour aurait dû lui être délivré sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les premiers juges ne pouvaient écarter les moyens soulevés à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 octobre 2017, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 août 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante malgache née le 10 septembre 1984, est entrée régulièrement en France le 2 octobre 2010 afin d'y suivre des études et a obtenu, en cette qualité, un titre de séjour " étudiant " du 2 décembre 2010 au 2 décembre 2016 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante a demandé, le 4 décembre 2015 et le 10 novembre 2016, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ; que, suite à l'avis rendu le 15 septembre 2016 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), le préfet du Doubs a, par un arrêté du 19 décembre 2016, refusé la délivrance du titre de séjour demandé et fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ; que l'intéressée a présenté un recours gracieux contre cet arrêté, lequel a été rejeté par une décision du 30 janvier 2017 ; que Mme B...fait appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2016 et de la décision du 30 janvier 2017 ;

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que si la décision contestée a pour objet de rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme B... sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Doubs a refusé de lui accorder le droit au séjour après avoir de lui-même examiné qu'un tel refus ne méconnaîtrait par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 2 décembre 2010, à l'âge de 26 ans, afin de suivre des études supérieures qui ont été sanctionnées par l'obtention d'un doctorat en sciences humaines ; que la requérante soutient sans être sérieusement contredite ne plus avoir pour attache familiale que sa soeur et les enfants de celle-ci, tous de nationalité française, et sa mère, également présente sur le territoire français ; que si le préfet du Doubs fait valoir que la mère de Mme B... se trouve en situation irrégulière, l'arrêté préfectoral du 19 décembre 2016 lui refusant le droit au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français a été annulé par l'arrêt de la présente cour n° 17NC01708 du 6 février 2018 ; que tant les enseignants ayant encadré les travaux universitaires réalisés par Mme B... que les membres des associations culturelles aux activités desquelles elle participe soulignent ses qualités personnelles et sa parfaite intégration dans la société française ; qu'au regard de ces circonstances, et compte tenu de la durée du séjour de Mme B... en France et de son parcours depuis son arrivée dans ce pays, la requérante est fondée à soutenir que le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts en vue desquels a été prise la décision de refus de séjour contestée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, elle est fondée à demander l'annulation de la décision de refus de séjour et, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, ainsi que l'annulation de la décision du 30 janvier 2017 rejetant son recours gracieux ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'eu égard au motif retenu pour annuler l'arrêté contesté et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme B... un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de cette même notification ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocate de Mme B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dravigny de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon n° 1700400 du 16 mai 2017 et l'arrêté du 19 décembre 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite et la décision du 30 janvier 2017 rejetant le recours gracieux de la requérante sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de cette même notification.

Article 3 : L'Etat versera à Me Dravigny, avocate de Mme B..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dravigny renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 17NC02226


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02226
Date de la décision : 06/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SELARL DEVEVEY KABBOURI DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-03-06;17nc02226 ?
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