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22/02/2018 | FRANCE | N°17NC01810

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 22 février 2018, 17NC01810


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2016 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1606645 du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés re

spectivement les 21 juillet et 25 septembre 2017, M. A... B..., représenté par Me Martin, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2016 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1606645 du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 21 juillet et 25 septembre 2017, M. A... B..., représenté par Me Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2016 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté du 12 octobre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à tout le moins, de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en n'ayant pas sollicité auprès de lui les éléments complémentaires qu'il n'a pu obtenir de son médecin traitant ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'il n'est pas en capacité de voyager ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2017, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lambing, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien né en 1969, est entré irrégulièrement en France le 20 février 2015 selon ses déclarations ; que le 10 mai 2016, il a sollicité la délivrance d'une carte de résident en qualité d'étranger malade ; que par décision du 16 juin 2016, le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande ; qu'à la suite d'un recours gracieux, le préfet du Haut-Rhin a pris à son encontre un arrêté du 12 octobre 2016 lui refusant le séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ; que M. B...relève appel du jugement du 22 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du

12 octobre 2016 ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du

27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7°) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux ressortissants algériens pour la mise en oeuvre de ces stipulations : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé (...). "

3. Considérant en premier lieu que M. B...reproche au préfet d'avoir instruit sa demande de carte de résident sans lui avoir demandé la communication des éléments complémentaires nécessaires au médecin de l'agence régionale de santé ; qu'il ressort des pièces du dossier que par avis du 18 mai 2016, le médecin de l'agence régionale a pu émettre un avis sur l'état de santé du requérant dans le cadre de la demande initiale de carte de résident déposée le 10 mai 2016 ; que le médecin de l'agence régionale de santé a demandé des compléments d'informations dans le cadre de l'instruction de son recours gracieux à l'encontre de la décision du 16 juin 2016 rejetant sa demande ; que la circonstance que le médecin de l'agence régionale n'aurait pu obtenir des compléments d'informations pour réexaminer sa situation ne démontre pas que le préfet n'a pas été informé, avant de prendre sa décision de réexamen, de l'ensemble des éléments requis par les dispositions précitées de l'arrêté du 9 novembre 2011 ; que le préfet disposait de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 18 mai 2016 qui n'avait pas été remis en cause par ce dernier ; que dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision contestée à raison de l'absence de transmission des précisions complémentaires sollicitées par le médecin de l'agence régionale de santé doit être écarté ;

4. Considérant en second lieu qu'il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

5. Considérant que pour refuser de délivrer un certificat de résidence à M.B..., le préfet du Haut-Rhin s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du

18 mai 2016 aux termes duquel si le défaut de prise en charge médicale du requérant pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour son état de santé, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...souffre d'une polyarthrite rhumatoïde présente depuis vingt ans, pour laquelle il est traité par methotrexate et est pris en charge par kinésithérapie ; que les certificats médicaux produits par M. B...ne sont pas suffisamment précis sur l'absence du traitement dont a besoin l'intéressé dans son pays d'origine et sont insuffisamment circonstanciés ; que, le requérant produit également un article de presse relatif à la pharmacologie en Algérie qui n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'avis précité du médecin de l'agence régionale de santé précisant qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, M. B...n'établit pas qu'il ne pourrait recevoir en Algérie les soins appropriés à son état de santé ;

6. Considérant que pour la première fois en appel, M. B...soutient en outre qu'il ne dispose pas des moyens financiers pour accéder à un traitement médical en Algérie et qu'il n'est pas affilié à un système algérien d'assurance maladie ; qu'il ressort des pièces produites au dossier que M. B...souffre depuis plus de vingt ans de polyarthrite articulaire ; qu'il n'est pas établi qu'il n'a pu bénéficier d'un traitement médicamenteux dans son pays d'origine ; que le prix de vente en France d'un des médicaments prescrits à M. B...par un rhumatologue français, fixé par convention entre le comité économique des produits de santé et les laboratoires, ne justifie pas du coût de ce traitement en Algérie ; que l'intéressé, au demeurant, n'établit pas qu'il ne pourrait avoir accès à un emploi en Algérie, ni que, en cas de besoin, aucun de ses frères et soeurs vivant en Algérie, aux termes des indications portées sur le formulaire de demande daté du 20 mai 2016, ne pourrait lui apporter l'aide financière nécessaire ; que, dans ces conditions, en rejetant sa demande, le préfet du Haut-Rhin n'a pas méconnu les stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;

8. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que par son avis du 18 mai 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. B...ne lui permettait pas de voyager sans risque vers son pays de renvoi ; que le préfet ne produit aucun élément de nature à établir que la pathologie dont souffre M. B...n'altérerait pas sa capacité à voyager ; qu'au contraire, les certificats produits par le requérant attestent des séquelles articulaires constatées au niveau des doigts, des poignets, des coudes et des épaules ; que dans ces conditions, M. B...est fondé à soutenir, pour la première fois en appel, que le préfet ne pouvait légalement prendre à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. B...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 octobre 2016 par laquelle le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et par voie de conséquence la décision par laquelle il a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que l'annulation des décisions par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a obligé M. B...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il y a lieu seulement d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'articleB.... 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Martin, avocate de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Martin de la somme de 1 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Les décisions par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a obligé M. B...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination sont annulées.

Article 2 : L'Etat versera à Me Martin, avocate de M.B..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Martin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le jugement du 22 mars 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er.

Article 4 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 5 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera faite pour information au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 17NC01810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01810
Date de la décision : 22/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DHERS
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-22;17nc01810 ?
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