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20/02/2018 | FRANCE | N°16NC00772

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 20 février 2018, 16NC00772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 6 août 2014 par lequel le préfet du Jura a prononcé la saisie définitive des armes et munitions dont il avait précédemment ordonné la saisie, par arrêté du 9 octobre 2012, et d'enjoindre au préfet du Jura de leur restituer ces armes et munitions.

Par un jugement n° 140550-1401435 du 1er mars 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté les demandes de M. et MmeB....

Procédure devant la c

our :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2016, M. et MmeB..., représentés par MeA..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 6 août 2014 par lequel le préfet du Jura a prononcé la saisie définitive des armes et munitions dont il avait précédemment ordonné la saisie, par arrêté du 9 octobre 2012, et d'enjoindre au préfet du Jura de leur restituer ces armes et munitions.

Par un jugement n° 140550-1401435 du 1er mars 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté les demandes de M. et MmeB....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2016, M. et MmeB..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 1er mars 2016 en tant qu'il rejette leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Jura du 6 août 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du préfet du Jura du 6 août 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Jura de leur restituer les armes saisies.

Ils soutiennent que :

- dès lors qu'il ne vise pas Mme B...et qu'il n'a pas été notifié à cette dernière, l'arrêté du 6 août 2014 est illégal et ne satisfait pas à l'exigence de motivation prévue à l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le préfet du Jura a méconnu le délai de conservation d'un an prévu à l'article L. 312-9 du code de la sécurité intérieure ;

- dès lors que M. B...est marié sous le régime de la communauté de biens avec Mme B..., à laquelle l'arrêté n'a pas été notifié, l'arrêté du 6 août 2014 méconnaît le droit de propriété de cette dernière, tel qu'il est protégé par la Constitution et le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de l'état médical de M.B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2016, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête de M. et Mme B...est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- dès lors que le requérant a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, la saisie définitive des armes pouvait intervenir après l'expiration du délai d'un an ;

- en tout état de cause, le préfet ne peut prononcer la restitution des armes illégalement détenues par M. B...sans que l'intéressé ne déclare l'arme ou adresse une demande d'enregistrement de ces armes ;

- l'arrêté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite de faits de violence avec usage ou menace d'une arme intervenus le 28 mai 2012, le préfet du Jura a ordonné à M.B..., par arrêté du 9 octobre 2012, de remettre immédiatement la carabine de chasse de type 7x64 mmC..., n° 09044, Heckler

et Koch et les munitions qu'il détenait ainsi que toutes autres armes non soumises à déclaration

ou détenues illégalement ; que le 19 octobre 2012, M. B...s'est dessaisi de neuf armes et de leurs munitions, la plupart détenues illégalement, pour les remettre aux services de gendarmerie nationale territorialement compétents ; que, par arrêté du 6 août 2014, le préfet du Jura a prononcé la saisie définitive de ces armes et munitions ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement

du 1er mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant

à l'annulation de cet arrêté du 6 août 2014 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ; qu'aux termes de l'article 3 : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;

3. Considérant que l'arrêté en litige, dont les conditions de notification sont sans incidence sur sa légalité, mentionne les considérations de droit et de fait, ayant trait au comportement de M. B..., qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ; que M. et Mme B... ne peuvent utilement se prévaloir de ce que l'arrêté en litige ne mentionne pas la situation de MmeB..., dont le comportement est sans lien avec les considérations de fait constituant le fondement de l'arrêté en litige ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-9 du code de la sécurité intérieure : " La conservation de l'arme et des munitions remises ou saisies est confiée pendant une durée maximale d'un an aux services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétents. / Durant cette période, le représentant de l'Etat dans le département décide, après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations, soit la restitution de l'arme et des munitions, soit la saisie définitive de celles-ci. / Les armes et les munitions définitivement saisies en application du précédent alinéa sont vendues aux enchères publiques. Le produit net de la vente bénéficie aux intéressés " ; qu'aux termes de l'article L. 312-10 du même code : " Il est interdit aux personnes dont l'arme et les munitions ont été saisies en application de l'article L. 312-7 ou de l'article L. 312-9 d'acquérir ou de détenir des armes et des munitions, quelle que soit leur catégorie. / Le représentant de l'Etat dans le département peut cependant décider de limiter cette interdiction à certaines catégories ou à certains types d'armes. / Cette interdiction cesse de produire effet si le représentant de l'Etat dans le département décide la restitution de l'arme et des munitions dans le délai mentionné au premier alinéa de l'article L. 312-9. Après la saisie définitive, elle peut être levée par le représentant de l'Etat dans le département en considération du comportement du demandeur ou de son état de santé depuis la décision de saisie " ;

5. Considérant que si les dispositions précitées de l'article L. 312-9 du code de la sécurité intérieure fixent une durée maximale d'un an pour la conservation, par les services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétents, de l'arme et des munitions remises ou saisies, l'expiration de ce délai sans qu'une décision de saisie définitive ait été prise n'entraîne pas le droit pour leur propriétaire d'en obtenir la restitution dès lors qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 312-10 du même code que la décision de saisie emporte interdiction pour la personne dont l'arme et les munitions ont été saisies d'acquérir ou de détenir des armes et des munitions, cette interdiction ne cessant de produire effet que si le préfet décide expressément leur restitution ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté contesté en l'absence de décision du préfet dans le délai d'un an à compter de la saisie effective de ses armes doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que les armes et munitions dont s'agit étaient détenues par M.B... ; qu'eu égard au caractère proportionné de la mesure qui a été prise par le préfet en application de la loi pour assurer la protection de l'ordre public, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'atteinte portée au droit de propriété de Mme B...par l'arrêté décidant la remise définitive des armes, tel qu'il est protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aurait un caractère de gravité tel qu'elle dénature le sens et la portée de ce droit ; qu'au demeurant, compte tenu de la communauté de biens entre les époux, l'atteinte au droit de propriété de MmeB..., qui ne détenait aucune arme, constituait le seul moyen d'assurer la prévention de l'atteinte à l'ordre public que peut constituer le comportement de M. B... ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que pour prononcer la saisie définitive des armes et munitions remises le 19 octobre 2012 par M.B..., le préfet du Jura s'est fondé sur le rapport d'expertise psychiatrique du docteur Pallegoix du 2 février 2013 et sur les motifs du jugement du tribunal correctionnel de Lons-le-Saunier du 29 novembre 2013 condamnant M. B...à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis, assortie d'une obligation de soins psychiatriques, pour des faits de violence ou de menace à l'aide d'une arme ; qu'il ressort des mentions de ce jugement que M. B...a volontairement exercé des violences sur une personne en faisant usage d'un fusil et qu'il est décrit par l'expert psychiatrique comme souffrant d'un délire de persécution ; que ce jugement précise qu'à l'audience du 29 novembre 2013, M. B... a déclaré que le rapport de l'expert était un faux, ce dernier faisant partie du complot contre lui ; que le rapport d'expertise psychiatrique, dont les termes ont été repris par l'arrêt de la cour d'appel de Besançon du 18 décembre 2014 confirmant la condamnation de M.B..., précisait que " l'intéressé était envahi dans tous les domaines de sa vie par des idées de persécutions structurées dans un délire paranoïaque interprétatif. La conviction délirante est absolue. Un fond sub-dépressif est actuellement reconnu. (...) Le sujet, sans traitement spécialisé, peut encore réagir d'une façon présentant un danger pour les autres (...) " ; que dans les termes généraux où ils sont rédigés, les certificats médicaux des 8 et 25 novembre 2013 et du 23 août 2014, émanant d'une part du médecin traitant de la famille, d'autre part d'un autre médecin généraliste, qui se bornent à indiquer que l'intéressé ne présenterait plus de danger grave et immédiat pour lui-même ou pour autrui et que son état de santé lui permettrait de posséder des armes de chasse, sans considération pour les effets attendus du traitement spécialisé rendu nécessaire par son obligation de soins psychiatriques, ne suffisent pas à remettre en cause les mentions contenues dans le rapport d'expertise précité ; que, dans ces conditions, le préfet du Jura n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation des risques que le comportement ou l'état de santé de l'intéressé présentait pour lui-même ou pour autrui en décidant la saisie définitive des neuf armes appartenant à M. et MmeB... ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le préfet du Jura, que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., à Mme E...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

2

N° 16NC00772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00772
Date de la décision : 20/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : GAY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-20;16nc00772 ?
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