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06/02/2018 | FRANCE | N°16NC00698

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 06 février 2018, 16NC00698


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision, révélée par la fiche de poste qui lui a été notifiée le 17 février 2015, par laquelle le maire de la commune d'Etain l'a affectée sur un poste de chargé de mission ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 13 février 2015 du maire de la commune d'Etain lui retirant le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et l'arrêté du 16 février 2015 du président du centre communal d'action sociale d'Etain portant

retrait des fonctions de directrice du centre communal d'action sociale d'Etain.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision, révélée par la fiche de poste qui lui a été notifiée le 17 février 2015, par laquelle le maire de la commune d'Etain l'a affectée sur un poste de chargé de mission ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 13 février 2015 du maire de la commune d'Etain lui retirant le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et l'arrêté du 16 février 2015 du président du centre communal d'action sociale d'Etain portant retrait des fonctions de directrice du centre communal d'action sociale d'Etain.

Par un jugement n° 1501144 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a annulé les trois décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 avril et 20 octobre 2016, la commune d'Etain, représentée par la SCP Xavier Iochum, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 mars 2016 ;

2°) de rejeter les demandes formées par Mme A...devant le tribunal administratif de Nancy ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission administrative paritaire (CAP) n'avait pas à être consultée car Mme A... n'a pas vu sa situation personnelle modifiée ; elle n'a jamais été détachée comme directrice générale des services ; elle a seulement été placée dans une position conforme à son grade ;

- en tout état de cause, l'absence de consultation de la CAP n'a pas privé Mme A... d'une garantie ; elle n'a pas candidaté sur le poste fonctionnel de directeur général des services nouvellement créé ;

- au surplus, la CAP a donné, le 26 mars 2016, un avis favorable au changement d'affectation de l'intéressée postérieurement à sa mutation ;

- l'absence de publicité de l'emploi sur lequel a été affectée Mme A...ne l'a pas privée d'une garantie ;

- le changement d'affectation de MmeA..., n'ayant pas été pris en considération de la personne, n'avait pas à être précédé de la communication du dossier ; subsidiairement, cette absence de communication ne l'a pas privée d'une garantie dès lors qu'elle avait renoncé à exercer les fonctions de directeur général des services ;

- le changement d'affectation est conforme à l'intérêt du service ; il ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée ; il n'est pas entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2016, MmeA..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de la commune d'Etain la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune d'Etain ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987 portant dispositions statutaires particulières à certains emplois administratifs de direction des collectivités territoriales et des établissements publics locaux assimilés ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que MmeA..., attachée territoriale principale, a été recrutée par la commune d'Etain à compter du 1er novembre 2010 par un arrêté du 25 octobre 2010 ; qu'elle a été destinataire, le 17 février 2015, d'une fiche de poste de chargé de mission " gestion des marchés ", signée par le maire de la commune d'Etain le 13 janvier 2015, qui révélait une décision modifiant son affectation ; que, par un arrêté du 13 février 2015, le maire lui a supprimé le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) à compter du 1er mars 2015 ; que, par un arrêté du 16 février 2015, le président du centre communal d'action sociale (CCAS) d'Etain a retiré à Mme A...le poste de directrice du CCAS ; que, par le jugement du 8 mars 2016 dont la commune d'Etain relève appel, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision de mutation de MmeA..., révélée par la fiche de poste notifiée à l'intéressée le 17 février 2015, ainsi que, par voie de conséquence, les arrêtés du 13 février 2015 et du 16 février 2015 ;

Sur la légalité de la décision du maire d'Etain modifiant l'affectation de Mme A... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 52 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. / Dans le cas où il s'agit de remplir une vacance d'emploi compromettant le fonctionnement du service et à laquelle il n'est pas possible de pourvoir par un autre moyen, même provisoirement, la mutation peut être prononcée sous réserve d'examen ultérieur par la commission compétente. " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 30 décembre 1987 : " Le directeur général des services des communes de 2 000 habitants et plus est chargé, sous l'autorité du maire, de diriger l'ensemble des services de la commune et d'en coordonner l'organisation. (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 4 du même décret : " Les fonctionnaires nommés dans l'un des emplois mentionnés à l'article 1er et qui ne sont pas recrutés suivant les modalités de l'article 47 de la loi du 26 janvier 1984 précitée sont placés en position de détachement dans les conditions et suivant les règles statutaires prévues pour cette position dans leur cadre d'emplois, corps ou emploi d'origine. " ;

3. Considérant, d'une part, que l'arrêté du 25 octobre 2010 par lequel le maire de la commune d'Etain a recruté Mme A...à compter du 1er novembre 2010 vise expressément la délibération du conseil municipal du 28 avril 2010 créant un poste d'attaché principal et autorisant le maire à recruter un nouveau directeur général des service (DGS) ; que Mme A... apparaissait sur l'organigramme publié sur le site Internet de la commune en cette qualité ; que d'ailleurs, les arrêtés du 13 février 2015 et du 16 février 2015 retirant à l'intimée respectivement le bénéfice de la NBI et les fonctions de directrice du CCAS indiquent implicitement que cette prime et ces fonctions avaient été attribuées à Mme A...lors de son recrutement comme DGS ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la commune appelante et quelle que soit la manière de servir de MmeA..., celle-ci exerçait les fonctions de DGS de la commune d'Etain quand bien même elle n'était pas détachée sur cet emploi fonctionnel et que sa position statutaire n'était pas conforme aux dispositions du premier alinéa de l'article 4 du décret susvisé du 30 décembre 1987 ; que la circonstance que, soucieux de respecter lesdites dispositions, le conseil municipal a décidé, par une délibération du 12 novembre 2014, de créer un emploi fonctionnel de directeur général des services à compter du 13 novembre 2014, ne remet pas en cause la réalité de l'emploi sur lequel était affectée Mme A...depuis son recrutement ;

4. Considérant qu'il n'est pas contesté que la fiche du poste de Mme A...intitulée " gestion des marchés publics ", qui a été signée par le maire d'Etain le 13 janvier 2015 et notifiée à l'intéressée le 17 février 2015, révèle une décision du maire affectant Mme A...sur ce nouvel emploi ; que la fiche de poste indique que les missions assignées au titulaire de ce nouveau poste consistent en la " gestion des procédures de marchés publics ", le " suivi des marchés " et la " rédaction " et le " suivi de l'agenda d'accessibilité des bâtiments " ; que le nouvel organigramme des services, soumis pour avis au comité technique paritaire, indique clairement que MmeA..., d'une part, est placée sous l'autorité du maire et de la nouvelle directrice générale des services qui a été nommée à compter du 1er mars 2015 et, d'autre part, qu'elle n'exerce plus aucune fonction d'encadrement alors qu'il résulte des dispositions précitées du premier alinéa du décret susvisé du 30 décembre 1987 que le DGS d'une commune de plus de 2 000 habitants est chargé, sous l'autorité du maire, de diriger l'ensemble des services de la commune et d'en coordonner l'organisation ; que le changement d'affectation de Mme A...l'a placée dans une position subordonnée et a sensiblement diminué ses responsabilités, puisque qu'elle a perdu consécutivement ses fonctions de directrice du CCAS, et sa rémunération, dès lors qu'elle a été privée du bénéfice de la NBI attachée à l'exercice de ses précédentes fonctions d'encadrement ; qu'ainsi, cette décision de mutation du 13 janvier 2015 constituait une modification de la situation de Mme A...au sens des dispositions précitées de l'article 52 de la loi susvisé du 26 janvier 1984, quand bien même l'intéressée a été affectée sur un emploi de chargé de mission correspondant à son grade d'attaché principal ; qu'elle aurait dû, dès lors, être soumise à la consultation préalable de la commission administrative paritaire ; que si la commune soutient que la mutation de Mme A...a été commandée par l'intérêt du service qui devait être réorganisé en raison de l'incompétence relative et de l'indisponibilité de l'intéressée, cette circonstance, à la supposer avérée, ne dispensait pas la commune de respecter les dispositions précitées du premier alinéa de l'article 52 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, alors même Mme A...n'avait pas postulé sur le nouvel emploi fonctionnel de DGS créé par la délibération du conseil municipal du 12 novembre 2014 ; que, par ailleurs, l'avis favorable à la réorganisation des services de la commune d'Etain rendu le 5 février 2015 par le comité technique paritaire ne saurait se substituer à celui de la commission administrative paritaire qui doit être recueilli pour toute mutation comportant modification de la situation de l'agent ;

5. Considérant, d'autre part, que si la commune d'Etain fait valoir que, à la suite à l'audience devant le tribunal administratif, elle a saisi la commission administrative paritaire qui a rendu un avis favorable au changement d'affectation de Mme A...le 25 mars 2016, elle ne démontre ni même n'allègue que les conditions permettant que la consultation de la CAP intervienne postérieurement à la mutation, prévues au second alinéa de l'article 52 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, étaient en l'espèce réunies, dès lors qu'il ne s'agissait pas de remplir une vacance d'emploi compromettant le fonctionnement du service ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'omission de la consultation préalable de la commission administrative paritaire a privé Mme A...d'une garantie et constitue une irrégularité de nature à entacher d'illégalité la décision litigieuse ;

Sur la légalité de l'arrêté du maire d'Etain du 13 février 2015 et de l'arrêté du président du CCAS d'Etain du 16 février 2015 :

7. Considérant que l'illégalité d'un acte administratif non réglementaire ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale ; que cette exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée ;

8. Considérant que l'illégalité, relevée au point 6, de la décision de mutation de Mme A... prive de base légale l'arrêté du maire d'Etain du 13 février 2015 supprimant le bénéfice de la NBI à l'intéressée et l'arrêté du président du CCAS d'Etain du 16 février 2015 retirant à la requérante le poste de directrice du CCAS, qui ont été adoptés, comme il a été dit au point 3, en raison de la perte de l'exercice des fonctions de DGS de la commune d'Etain ; que ces deux derniers arrêtés sont, par suite, illégaux ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Etain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision, révélée par la fiche de poste qui lui a été notifiée le 17 février 2015, par laquelle le maire de la commune d'Etain a affecté Mme A...sur un poste de chargé de mission ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 13 février 2015 du maire d'Etain retirant à Mme A...le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et l'arrêté du 16 février 2015 du président du centre communal d'action sociale d'Etain portant retrait des fonctions de directrice du centre communal d'action sociale d'Etain attribuées à Mme A... ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

11. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la commune d'Etain demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

12. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune d'Etain une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune d'Etain est rejetée.

Article 2 : la commune d'Etain versera à Mme A...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Etain et à Mme C... A....

2

N° 16NC00698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00698
Date de la décision : 06/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Commissions administratives paritaires - Consultation obligatoire.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP XAVIER IOCHUM

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-06;16nc00698 ?
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