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28/12/2017 | FRANCE | N°17NC00562

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2017, 17NC00562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 février 2017 par lequel le préfet de la Moselle a ordonné sa remise aux autorités portugaises et l'a assigné à résidence dans le département de la Moselle.

Par un jugement n° 1700961 du 2 mars 2017, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mars 2017, M. C... D...B.

.., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 février 2017 par lequel le préfet de la Moselle a ordonné sa remise aux autorités portugaises et l'a assigné à résidence dans le département de la Moselle.

Par un jugement n° 1700961 du 2 mars 2017, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mars 2017, M. C... D...B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 mars 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 février 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier juge a omis de répondre au moyen tiré du risque qu'il encourt en cas de renvoi vers le Portugal ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été mis à même de présenter ses observations ;

- les articles 4, 5 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnus ;

- il n'a pas bénéficié du concours d'un interprète lors de l'entretien individuel en préfecture ;

- l'arrêté contesté lui a été notifié sans l'assistance d'un interprète ;

- le document par lequel les autorités portugaises ont signifié leur accord pour sa prise en charge n'est pas établi en français ;

- l'arrêté contesté porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale normale dès lors que sa mère et sa fratrie résident en France ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le renvoi au Portugal l'expose à des risques pour sa sécurité, en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'assignation à résidence porte atteinte à sa liberté d'aller et de venir.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2017, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant angolais né le 19 avril 1995, déclare être entré en France au cours de l'année 2016 pour y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié politique ; que l'examen de sa demande ayant permis de relever que l'intéressé était titulaire d'un visa délivré le 26 février 2016 par les autorités portugaises, celles-ci ont été saisies d'une demande de prise en charge par le préfet de la Moselle ; qu'après que les autorités portugaises ont donné leur accord pour cette prise en charge, le 30 novembre 2016, le préfet a, par un arrêté du 21 février 2017, ordonné la remise de M. B...à ces autorités et décidé l'assignation à résidence de l'intéressé dans l'attente de son éloignement ; que M. B...fait appel du jugement du 2 mars 2017 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.B..., il ressort du point 17 du jugement attaqué que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a répondu au moyen tiré du risque qu'il dit encourir en cas de renvoi vers le Portugal ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite (...) dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de l'entretien visant à déterminer l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M.B..., le 19 septembre 2016, les services de la préfecture de la Moselle lui ont remis en portugais, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' " ; que M. B...a attesté avoir reçu ces documents en signant la première page de chacun d'entre eux et en cochant la mention figurant dans le compte-rendu d'entretien du 19 septembre 2016, rédigée en portugais, selon laquelle il certifie sur l'honneur que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des obligations d'information prévues par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement précité n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type (...) "

6. Considérant que le préfet de la Moselle a produit à l'instance le compte-rendu de l'entretien individuel conduit avec M. B... le 19 septembre 2016, rédigé en français et en portugais, et que l'intéressé a signé ; qu'il est ainsi établi que les services de la préfecture de la Moselle ont conduit en temps utile l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment aux informations contenues dans le compte-rendu, que cet entretien n'aurait pas été réalisé dans les formes et selon les conditions posées par les dispositions du règlement précité et, notamment, que M. B...n'aurait pas bénéficié de l'assistance d'un interprète en langue portugaise ; que la seule circonstance que cet interprète, dont le nom figure dans le compte-rendu d'entretien, n'a pas signé celui-ci n'est pas de nature à entacher la décision contestée d'un vice de procédure ; qu'en outre, le requérant ne conteste pas sérieusement que l'entretien a été conduit par une personne qualifiée en vertu du droit national, conformément aux dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions auraient été méconnues ou qu'il n'aurait pas été mis à même de présenter ses observations avant que le préfet ne décide sa remise aux autorités portugaises ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit " ; que la faculté laissée par ces dispositions à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile ;

8. Considérant que si M. B...soutient que sa mère et ses frères et soeurs résident sur le territoire français, il n'apporte à l'instance aucun élément de nature à attester de la permanence et de l'ancienneté des liens qu'il aurait conservé avec sa famille et, notamment, avec sa mère qui est arrivée en France au cours de l'année 2002 ; qu'à cet égard, lors de l'entretien individuel conduit avec le concours d'un interprète en langue portugaise, il a déclaré être dépourvu d'attaches familiales en France ; qu'en outre, l'intéressé, qui réside dans le département de la Moselle, ne conteste pas vivre séparé de sa mère qui habite à Clichy, dans le département des Hauts-de-Seine ; que dans ces conditions, en l'absence d'éléments plus précis sur la situation familiale et personnelle de M. B...sur le territoire français, la seule présence de sa mère et de frères et soeurs en France ne saurait constituer à elle seule une circonstance justifiant le maintien de l'intéressé sur le territoire français pour l'examen de sa demande d'asile ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, ni d'une prétendue erreur manifeste d'appréciation du préfet de la Moselle sur ce point ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que M. B...ne saurait utilement se prévaloir de ce que le document formalisant l'accord des autorités portugaises pour sa prise en charge n'est pas rédigé en français ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

11. Considérant que si M. B...fait état de la présence en France de sa mère et de membres de sa fratrie, cette seule circonstance, eu égard à ce qui a été dit au point 8, ne suffit pas à démontrer que les décisions portant remise aux autorités portugaises et assignation à résidence porteraient une atteinte disproportionnées à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises ; que dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Moselle aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants " ;

13. Considérant que si M. B...fait état d'une importante communauté angolaise au Portugal, il n'apporte aucun élément propre à établir qu'il encourrait des risques pour sa sécurité en cas de renvoi vers ce pays ; qu'il n'établit pas que les autorités portugaises ne traiteraient pas les demandes d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

14. Considérant, en dernier lieu, que M. B...reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté est insuffisamment motivé, de ce que cet arrêté lui a été notifié sans l'assistance d'un interprète et de ce que la mesure d'assignation à résidence porte atteinte à sa liberté d'aller et de venir ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M.B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B...demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

6

N° 17NC00562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00562
Date de la décision : 28/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BISALU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-12-28;17nc00562 ?
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