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12/12/2017 | FRANCE | N°16NC00365

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 12 décembre 2017, 16NC00365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Selarl MJ Synergie, mandataire judiciaire de la société Hydra, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 mai 2012 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 21 novembre 2011 et a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B...A....

Par un jugement n° 1300539 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 f

évrier 2016, la Selarl MJ Synergie, mandataire judiciaire de la société Hydra, représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Selarl MJ Synergie, mandataire judiciaire de la société Hydra, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 mai 2012 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 21 novembre 2011 et a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B...A....

Par un jugement n° 1300539 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2016, la Selarl MJ Synergie, mandataire judiciaire de la société Hydra, représentée par la Selarl SVMH avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300539 du 17 décembre 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 23 mai 2012 du ministre du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le remboursement des frais qu'elle a engagés.

Elle soutient que :

- le ministre a méconnu les dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail ;

- l'administrateur judiciaire de la société Hydra a respecté ses obligations en matière de recherche de reclassements internes et a même procédé à des recherches de reclassements externes ; cette recherche devait débuter dès l'engagement de la procédure de consultation des représentants du personnel s'agissant d'un licenciement économique collectif ; le ministre a ajouté une condition à la loi en estimant que cette recherche devait intervenir postérieurement au jugement du tribunal de commerce du 2 septembre 2011 homologuant le plan de reprise de la société Hydra et de la réunion du 9 septembre 2011, au cours de laquelle le comité d'entreprise a eu connaissance de la liste définitive des salariés devant être licenciés ;

- Mme A...avait clairement exprimé son refus de continuer à travailler pour la société Hydra.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2016, Mme B...A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la Selarl MJ Synergie, mandataire judiciaire, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2017, la ministre du travail, conclut au rejet de la requête.

Elle déclare s'associer aux observations en défense présentées par MmeA....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marino,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que la société Hydra, spécialisée dans la fabrication, l'achat, la vente d'articles de pansements et de fournitures médicales, a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce d'Aubenas du 8 mars 2011 ; que, par un nouveau jugement du 2 septembre 2011, le même tribunal a homologué le plan de reprise présenté par la société LM2S, dont le siège est à Ruelisheim dans le département du Haut-Rhin, prévoyant la reprise de 87 salariés sur les 155 que comptait la société Hydra ; que le tribunal a en conséquence autorisé le licenciement des 68 autres salariés ; que c'est dans ces conditions qu'a été envisagé le licenciement de Mme B...A..., employée par la société Hydra depuis le 16 avril 1986 en qualité " d'ouvrière spécialisée aux produits finis " et membre suppléante du comité d'entreprise ; qu'après avoir convoqué l'intéressée à un entretien préalable le 30 septembre 2011 et devant le comité d'entreprise qui s'est réuni le même jour, l'administrateur judiciaire de la société Hydra a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de la licencier pour raison économique ; que l'inspecteur du travail a fait droit à cette demande par une décision du 21 novembre 2011, annulée par le ministre du travail par une décision du 23 mai suivant ; que, par le jugement du 17 décembre 2015, dont la société MJ Synergie, mandataire judiciaire de la société Hydra, fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation de cette décision ministérielle ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet " ; qu'en application de ces dispositions, le ministre du travail peut être saisi dans un délai de deux mois suivant la décision de l'inspecteur du travail et dispose d'un délai de quatre mois à compter de la réception du recours hiérarchique pour se prononcer ; qu'à défaut, le recours est implicitement rejeté à l'issue de ce délai de quatre mois ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le recours hiérarchique formé par Mme A... le 19 janvier 2012 contre la décision de l'inspecteur du travail du 21 novembre 2011 a été réceptionné par les services du ministère du travail le 23 janvier suivant ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société MJ Synergie, aucune décision implicite de rejet n'était née le 23 mai 2012 lorsque le ministre du travail a expressément annulé la décision de l'inspecteur du travail et refusé d'autoriser le licenciement de MmeA... ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le ministre aurait méconnu les dispositions précitées de l'article R. 2422-1 ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises " ;

5. Considérant que les possibilités de reclassement dans l'entreprise, et éventuellement au sein du groupe, s'apprécient antérieurement à la date d'autorisation du licenciement, à compter du moment où celui-ci est envisagé ; que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation de rechercher les possibilités de reclassement du salarié, des propositions de postes faites par l'employeur ne peuvent être prises en compte qu'à la condition que le salarié ait connaissance que de telles offres, faites par l'employeur au cours de cette période, le sont dans le cadre du reclassement prévu par l'article L. 1233-4 du code du travail ;

6. Considérant que la société Hydra a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce d'Aubenas du 8 mars 2011 ; qu'une période d'observation a été ouverte jusqu'au 9 septembre suivant ; que le 19 juillet 2011, l'administrateur judiciaire de la société a convoqué le comité d'entreprise à une réunion extraordinaire prévue le 26 juillet pour le consulter sur la proposition d'un repreneur, les conséquences sociales, la restructuration, les licenciements, les critères de choix des licenciements et le plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'un document a été transmis aux membres du comité d'entreprise comportant notamment une liste des effectifs, répartis par catégories professionnelles, qui seraient ou non repris, ainsi que les critères permettant de déterminer l'ordre des licenciements, ce même document indiquant que la liste des personnels licenciés serait communiquée le 30 août 2011 ; que si la liste des effectifs correspondait à celle qui a été validée par le jugement du tribunal de commerce d'Aubenas du 2 septembre 2011 homologuant le plan de reprise par la société LM2S, cette liste, qui mentionnait que 22 des 52 " opératrices produits finis / manutention " seraient reprises par la nouvelle entité, ne permettait pas à Mme A...de savoir qu'elle ferait partie des 30 salariées de cette catégorie professionnelle qui ne seraient pas reprises, alors, en outre, que les critères de détermination de l'ordre des licenciements n'avaient pas encore été mis en oeuvre ; qu'ainsi, Mme A... ne pouvait pas être regardée comme ayant eu connaissance que son licenciement était envisagé et que les cinq offres de reclassement qui lui avaient été envoyées, comme à l'ensemble des salariés de la société Hydra, par courrier du 28 juillet 2011, l'avaient été dans le cadre des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail ; que le licenciement de Mme A...ne peut dès lors être regardé comme ayant été envisagé avec suffisamment de certitude, dans les circonstances de l'espèce, avant la remise de la liste des personnels licenciés au comité d'entreprise ; que, par suite, c'est à bon droit et sans ajouter de conditions à la loi, que le ministre a estimé que l'administrateur judiciaire de la société Hydra n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement en ne proposant pas à nouveau des postes de reclassement à MmeA..., et qu'il a annulé, pour cette raison, l'autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la société MJ Synergie se borne à reprendre en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de ce qu'il fallait tenir compte de la volonté exprimée par la salariée de ne plus travailler pour la société Hydra et de ce que l'administrateur judiciaire aurait été au-delà de ses obligations en procédant à des recherches de reclassement externe ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Selarl MJ Synergie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros à verser à Mme A...sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Selarl MJ Synergie, mandataire judiciaire de la société Hydra, est rejetée.

Article 2 : La Selarl MJ Synergie, mandataire judiciaire de la société Hydra, versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Selarl MJ Synergie, à la ministre du travail et à Mme B...A....

2

N° 16NC00365


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00365
Date de la décision : 12/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Yves MARINO
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SVMH AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-12-12;16nc00365 ?
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