Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...D..., épouseD..., M. G...D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant de Mme H...D..., M. C...D...et Mme E...D...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à réparer les conséquences dommageables résultant du décès du jeune A...D..., survenu le 6 octobre 2008.
Par un jugement n° 1201168, 1202680, 1203005 du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 avril 2016, Mme B...D..., épouseD..., M. G... D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant de Mme H...D..., M. C...D...et Mme E...D..., représentés par MeF..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 juin 2015 ;
2°) de condamner l'Etat à verser à chacun d'entre eux la somme de 30 000 euros en réparation des conséquences dommageables résultant du décès du jeune A...D..., survenu le 6 octobre 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est entaché d'une erreur quant à la date des faits ;
- l'administration pénitentiaire a commis une faute en laissant le jeune A...seul en cellule et sans organiser de surveillance spécifique, alors que l'intéressé était fragile et que l'infirmière avait préconisé de le placer en compagnie d'un codétenu ;
- les agents de l'administration sont intervenus avec retard malgré les appels au secours des détenus placés dans les cellules adjacentes à celle de l'intéressé.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2017, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme B...D..., M. G...D..., Mme H...D...et Mme E...D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par quatre décisions du 25 février 2016.
Le bureau d'aide juridictionnelle a, par une décision du 25 février 2016, constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. C...D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.
1. Considérant que le jeune A...D..., alors âgé de 16 ans, a été incarcéré le 2 octobre 2008 au quartier des mineurs du centre pénitentiaire de Metz-Queuleu après avoir été condamné à six mois d'emprisonnement ; que les agents de l'administration pénitentiaire ont constaté le décès par pendaison de l'intéressé, le 6 octobre 2008 dans la soirée, alors qu'il se trouvait seul en cellule ; que les parents, le frère et les soeurs du jeune A...relèvent appel du jugement du 4 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation de leurs préjudices ;
2. Considérant, en premier lieu, que si les premiers juges ont mentionné à tort, aux points 3 et 7 du jugement attaqué, que le jeune A...D...a été incarcéré le 2 octobre 2010 et est décédé le 6 octobre 2010, alors que ces faits se sont produits les 2 et 6 octobre 2008, cette erreur matérielle est sans influence sur la régularité dudit jugement ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 57-9-14 du code de procédure pénale, dans sa version alors applicable : " Le détenu mineur est, la nuit, seul en cellule. / A titre exceptionnel, sur décision du chef d'établissement, il peut être placé en cellule avec un détenu de son âge soit pour motif médical, soit en raison de sa personnalité. Dans ce cas, l'hébergement de nuit dans une même cellule ne peut concerner plus de deux mineurs " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport établi en novembre 2008 par l'inspection générale des services judiciaires à la suite du décès du jeuneA..., que celui-ci a été reçu en entretien le 3 octobre 2008 par la directrice adjointe chargée du quartier des mineurs, un éducateur et deux personnels médicaux de l'unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) et du service médico-psychologique régional (SMPR) ; que suivant la recommandation de l'un de ces personnels médicaux auquel A...D...avait fait part, selon le rapport précité, de son anxiété de se retrouver seul, l'intéressé a été affecté dans une cellule en compagnie d'un codétenu mineur ; que, faisant valoir une mésentente avec ce dernier, le jeune A...a exprimé le souhait, le 6 octobre 2008 dans la journée, d'être placé en cellule avec un autre détenu mineur avec lequel il entretenait des liens d'amitié ; que ce changement d'affectation lui ayant été refusé en raison de la personnalité violente de ce détenu, il lui a été proposé, à sa convenance, de rester en cellule en compagnie du premier codétenu désigné ou de demeurer seul ; qu'il n'est pas établi, au vu des témoignages de son frère majeur, également détenu au centre pénitentiaire, et d'autres mineurs détenus en même temps que lui, que l'intéressé, qui a choisi de rester seul en cellule, aurait présenté un risque suicidaire ou que sa personnalité aurait été incompatible avec une telle affectation solitaire ; qu'à cet égard, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et notamment des témoignages précités, que le jeuneA..., qui avait déjà été incarcéré du 29 juillet au 29 août 2008, aurait montré sa fragilité psychologique dans les jours précédant son suicide en incendiant son matelas ; que le médecin chef du SMPR a confirmé lors de l'enquête conduite par l'inspection générale des services judiciaires que son service n'avait décelé aucun risque suicidaire chez l'intéressé ; que si les requérants font état des tentatives de suicide de trois détenus mineurs les 1er, 4 et 5 octobre 2008, il résulte de l'instruction que ces tentatives consistaient à simuler un suicide au passage de la ronde de surveillance afin d'obtenir satisfaction à certaines demandes individuelles ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration pénitentiaire aurait commis une faute en plaçant le jeune homme seul en cellule, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 57-9-14 du code de procédure pénale ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article D. 271 du code de procédure pénale : " La présence de chaque détenu doit être contrôlée au moment du lever et du coucher, ainsi que deux fois par jour au moins à des heures variables " ; qu'aux termes de l'article D. 272 du même code : " Des rondes sont faites après le coucher et au cours de la nuit, suivant un horaire fixé et quotidiennement modifié par le chef de détention, sous l'autorité du chef d'établissement " ;
6. Considérant qu'il ressort du rapport d'inspection précité et d'une note de service de la directrice du centre pénitentiaire de Metz-Queuleu du 3 juillet 2008 que les mineurs faisaient l'objet de mesures particulières afin d'identifier ceux d'entre eux présentant un risque suicidaire lors de leur arrivée au centre ; qu'outre la surveillance dont ils faisaient l'objet pendant la journée, ils étaient soumis à un régime de surveillance spécifique pendant la nuit et que des rondes supplémentaires étaient effectuées pour permettre un contrôle visuel des détenus au moins toutes les deux heures ; qu'à cet égard, il résulte de l'instruction que la cellule dans laquelle le jeune A...était placé a été contrôlée le 6 octobre 2008 à 20 heures 38, à 20 heures 50, puis à 21 heures 34, heure à laquelle l'agent effectuant la ronde a constaté sa pendaison ; qu'il ressort tant des témoignages des personnels pénitentiaires et médicaux que des procès-verbaux d'audition de détenus mineurs ayant côtoyé l'intéressé lors de son incarcération, tous concordants sur ce point, que le jeune homme n'avait manifesté avant son décès aucune intention suicidaire ni tendance auto-agressive qui auraient pu justifier des mesures de surveillance renforcées ; que si une pratique de chantage au suicide par pendaison était répandue dans le quartier des mineurs de l'établissement pénitentiaire, aux fins notamment de pouvoir choisir son codétenu, il ne résulte pas de l'instruction que cette pratique aurait exigé, en ce qui concerne le jeuneA..., des mesures de surveillance plus importantes que celles qui avaient été effectivement mises en place ; que, par suite, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de l'administration dans la surveillance du jeune A...;
7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article D. 270 du code de procédure pénale : " (...) Pendant la nuit, les cellules doivent pouvoir être éclairées en cas de besoin. Personne ne doit y pénétrer en l'absence de raisons graves ou de péril imminent. En toute hypothèse, l'intervention de deux membres du personnel au moins est nécessaire, ainsi que celle d'un gradé, s'il y en a un en service de nuit " ;
8. Considérant qu'il ressort des comptes-rendus des agents chargés de la surveillance du quartier des mineurs, qu'après avoir découvert la pendaison du jeune A...le 6 octobre 2008 à 21 heures 34 à l'occasion d'une ronde, le surveillant a alerté le gradé en service de nuit qui est intervenu à 21 heures 43 avec deux autres collègues afin d'ouvrir la cellule et prodiguer les premiers secours ; que si les requérants soutiennent que les détenus occupant les cellules voisines, inquiets du silence gardé par le jeune homme à leurs appels, auraient alerté par leurs cris les surveillants du mirador qui ne seraient intervenus que tardivement, les procès-verbaux d'audition de ces détenus ne sont ni précis, ni concordants sur l'horaire auquel l'alerte aurait été donnée et les circonstances dans lesquelles les surveillants y auraient réagi ; qu'en outre, il n'est pas contesté que les mineurs détenus avaient la possibilité de signaler la situation de leur voisin au moyen des interphones dont leurs cellules étaient pourvues, ce dont ils se sont abstenus ; que, par ailleurs, eu égard aux dispositions précitées de l'article D. 270 du code de procédure pénale, lesquelles imposent la présence d'au moins deux membres du personnel et du gradé de nuit pour pénétrer dans une cellule, le délai de neuf minutes au terme duquel les agents ont ouvert la cellule après avoir constaté la pendaison n'est pas constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'au demeurant, en l'absence de certitude sur l'heure à laquelle l'intéressé a porté atteinte à ses jours, il ne résulte pas de l'instruction que son décès serait imputable, fut-ce en partie, à un retard dans l'intervention des services pénitentiaires ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., épouseD..., à M. G...D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant de Mme H...D..., à M. C... D..., à Mme E...D...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
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N° 16NC00775