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24/10/2017 | FRANCE | N°16NC00735

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 octobre 2017, 16NC00735


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une somme de 34 838,43 euros en réparation des préjudices financiers qu'il estime avoir subis à la suite de son reclassement dans le corps des ouvriers professionnels des services déconcentrés du ministère de la défense.

Par un jugement n° 1305386 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25

avril 2016, M. C... A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une somme de 34 838,43 euros en réparation des préjudices financiers qu'il estime avoir subis à la suite de son reclassement dans le corps des ouvriers professionnels des services déconcentrés du ministère de la défense.

Par un jugement n° 1305386 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 avril 2016, M. C... A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 février 2016 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 34 838,43 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2013, en réparation des préjudices financiers qu'il estime avoir subis à la suite de son reclassement dans le corps des ouvriers professionnels des services déconcentrés du ministère de la défense ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit ;

- l'administration a commis une faute en faisant application des dispositions de l'article 6 du décret du 27 juin 1970 pour refuser de prendre en compte l'ancienneté acquise dans ses fonctions d'agent stationné en Allemagne sous contrat de droit privé, alors que ces dispositions sont contraires à l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne et au principe communautaire de libre circulation des travailleurs ;

- l'absence de prise en compte de cette ancienneté constitue une rupture d'égalité devant les charges publiques à l'origine d'un préjudice anormal et spécial ;

- le préjudice financier résultant des conditions défectueuses de son reclassement s'établit à 34 838,43 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2016, le ministre des armées conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le décret n° 70-79 du 27 janvier 1970 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que M.A..., recruté le 1er août 2000 en qualité d'ouvrier professionnel du ministère de la défense, a sollicité la révision de son reclassement afin que soient pris en compte ses services effectués du 1er octobre 1984 au 31 décembre 1999 en qualité d'agent non titulaire au sein des forces françaises stationnées en Allemagne ; que cette demande a été rejetée par une décision du commandant de la région Terre Nord Est du 29 janvier 2003, devenue définitive ; que, par un courrier du 20 août 2013, M. A...a sollicité l'indemnisation du préjudice financier qu'il estime avoir subi du fait de l'absence de reprise d'ancienneté au titre de l'activité effectuée au sein des forces françaises stationnées en Allemagne ; que cette demande a été rejetée par une décision du directeur du centre ministériel de gestion de Metz du 2 octobre 2013 ; que l'intéressé relève appel du jugement du 25 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la réparation de son préjudice ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que dans l'hypothèse où les premiers juges auraient commis, comme le soutient M.A..., une erreur de droit susceptible de remettre en cause, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les motifs qu'ils ont retenus pour rejeter ses conclusions indemnitaires, cette prétendue erreur qui se rapporte au bien-fondé du jugement attaqué resterait, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne, applicable au litige, et reprises depuis à l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté au plus tard après l'expiration de la période de transition (...). / 3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique : / a) de répondre à des emplois effectivement offerts ; / b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des Etat membres (...) / 4. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique " ; qu'il résulte de ces stipulations que lorsque, à l'occasion du recrutement de personnel sur des emplois qui n'entrent pas dans le champ d'application du paragraphe 4 de cette disposition, un organisme public d'un Etat membre prévoit de prendre en compte les activités professionnelles exercées antérieurement par les candidats au sein d'une administration publique, cet organisme ne peut, à l'égard de ses propres ressortissants comme des autres ressortissants communautaires, opérer de distinction selon que ces activités ont été exercées dans l'Etat membre dont relève l'organisme ou dans un autre Etat membre ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 27 janvier 1970 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires des catégories C et D, dans sa rédaction antérieure à son abrogation par le décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C : " Les agents non titulaires de l'Etat (...) recrutés par application des règles statutaires normales à l'un des grades ou emplois [de la catégorie C de la fonction publique de l'Etat] sont classés en prenant en compte, à raison des trois quarts de leur durée, les services civils qu'ils ont accomplis (...). / Ce classement ne doit en aucun cas créer des situations plus favorables que celles qui résulteraient d'un classement à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui perçu dans l'ancien emploi (...) " ; que ces dispositions ont pour effet d'exclure la prise en compte des services accomplis par les personnels civils étrangers employés, sous contrat de droit privé allemand, par les forces françaises stationnées en Allemagne et qui, participant au fonctionnement du service public français de la défense, ont exercé en Allemagne des activités comparables aux services civils de même nature accomplis en France, dont la prise en compte est, elle, prévue par ces mêmes dispositions ; qu'il s'ensuit que lesdites dispositions méconnaissent les stipulations précitées de l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne ;

5. Considérant toutefois que les dispositions précitées de l'article 6 du décret du 27 janvier 1970, dans leur rédaction applicable au litige, n'attribuaient le bénéfice des mesures de reclassement prenant en compte les services accomplis en qualité d'agent non titulaire de l'État qu'aux personnes justifiant de cette qualité à la date de leur nomination dans l'un des grades et emplois régis par ce décret ; qu'ainsi qu'il a déjà été dit, le contrat par lequel M. A...a été recruté au sein des forces françaises stationnées en Allemagne a pris fin le 31 décembre 1999 ; qu'il s'ensuit que le requérant ne pouvait être regardé comme ayant la qualité d'agent non titulaire de l'État à la date de son recrutement le 1er août 2000 en qualité d'ouvrier professionnel stagiaire du ministère de la défense ; que dans ces conditions, il ne saurait utilement se prévaloir de l'illégalité dont l'article 6 du décret du 27 janvier 1970 est entaché, en tant qu'il traite différemment les agents non titulaires ayant accompli leurs services en France et ceux ayant accompli leurs services à l'étranger, dès lors que le refus de prendre en compte son ancienneté de service en qualité de personnel civil employé en Allemagne résulte non pas de cette illégalité mais de la circonstance qu'il ne disposait pas, à la date de sa nomination, de la qualité d'agent non titulaire de l'Etat ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat serait engagée à raison de l'illégalité fautive dont est entaché l'article 6 du décret du 27 janvier 1970 ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'Etat :

6. Considérant qu'il ne résulte d'aucun principe général que l'agent titularisé dans un corps de la fonction publique doive y être nommé dans des conditions tenant compte de l'ancienneté de services qu'il a pu acquérir dans des emplois antérieurement occupés ; que les dispositions précitées de l'article 6 du décret du 27 janvier 1970 ont pu, sans méconnaître le principe d'égalité de traitement des agents d'un même corps, prévoir des modalités de reclassement différentes selon que les agents occupaient ou non un emploi d'agent non titulaire à la date de leur nomination comme fonctionnaire ; que, dans ces conditions, le refus de prendre en compte l'ancienneté de M. A...en application de ces dispositions n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques, notamment à l'égard des collègues de l'intéressé qui disposaient de la qualité d'agent non titulaire de l'Etat lors de leur nomination comme ouvrier professionnel ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. A...demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et à la ministre des armées.

2

N° 16NC00735


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00735
Date de la décision : 24/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-04 Fonctionnaires et agents publics. Changement de cadres, reclassements, intégrations.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-24;16nc00735 ?
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