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15/06/2017 | FRANCE | N°15NC01952

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 15NC01952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Smoby Toys a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les décisions de l'inspectrice du travail de la 1ère section d'inspection du travail de l'unité territoriale du Jura du 14 janvier 2013 et du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 5 août 2013 lui refusant l'autorisation de licencier Mme B...C....

Par un jugement n° 1301330 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du ministre du t

ravail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 5 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Smoby Toys a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les décisions de l'inspectrice du travail de la 1ère section d'inspection du travail de l'unité territoriale du Jura du 14 janvier 2013 et du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 5 août 2013 lui refusant l'autorisation de licencier Mme B...C....

Par un jugement n° 1301330 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 5 août 2013 et rejeté le surplus de la demande de la société Smoby Toys.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2015, la société Smoby Toys, représentée par Me Cottet-Emard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2015 en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 14 janvier 2013 et mis à sa charge le versement à Mme C...de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 14 janvier 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 14 janvier 2013 est insuffisamment motivée ;

- l'emploi de préparateur de commandes-manutentionnaire proposé à Mme C...correspond à un simple changement de ses conditions de travail et non à une modification de son contrat de travail ; dès lors, elle pouvait licencier l'intéressée pour faute au motif qu'elle a refusé le poste proposé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2015, MmeB... C..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Smoby Toys au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Smoby Toys ne sont pas fondés.

Une mise en demeure a été adressée le 20 janvier 2016 à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Cottet-Emard, avocat de la société Smoby Toys.

1. Considérant que la société Smoby Toys a repris en février 2010 l'activité de la société Majorette, qui employait Mme C...au sein de son service logistique, en qualité de gestionnaire des retours ; que, bien que ce poste ait été supprimé dans le cadre du plan de cession, l'inspecteur du travail, saisi en raison de la protection exceptionnelle dont bénéficiait Mme C..., n'a pas autorisé l'administrateur judiciaire de la société Majorette à procéder à son licenciement économique ; que la société Smoby Toys, après avoir elle-même vainement tenté de licencier Mme C... pour motif économique, a proposé à cette salariée un emploi de préparateur de commandes-manutentionnaire qu'elle a refusé au motif qu'il présentait un niveau de qualification inférieur à celui qu'elle occupait précédemment au sein de la société Majorette ; qu'estimant que ce refus était constitutif d'une faute, la société Smoby Toys a sollicité, pour ce motif, l'autorisation de licencier MmeC..., qui bénéficiait de la protection attachée à son ancien mandat de délégué syndical et à son inscription sur la liste des conseillers du salarié ; que, par une décision du 14 janvier 2013, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser ce licenciement ; que, saisi d'un recours hiérarchique de l'employeur, le ministre chargé du travail a, le 5 août 2013, confirmé la décision de l'inspectrice du travail ; que, par un jugement du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Besançon a annulé la seule décision du ministre du 5 août 2013 et rejeté le surplus de la demande de la société Smoby Toys ; que cette dernière relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 14 janvier 2013 et qu'il a mis à sa charge le versement à Mme C...de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant que, par un courrier du 27 juillet 2012, la société Smoby Toys a proposé à Mme C...de la placer sur un poste de préparateur de commandes-manutentionnaire sur le site de La Boisse (Ain), en maintenant sa classification au coefficient 730 et ses conditions de rémunération ; que l'inspectrice du travail a estimé que le refus par Mme C...de cette nouvelle affectation n'était pas fautif dès lors que le poste de préparateur de commandes-manutentionnaire est classé au coefficient 710, inferieur à celui attribué au poste de gestionnaire des retours que l'intéressée occupait précédemment au sein de la société Majorette, affecté d'un coefficient 730 ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de la nouvelle organisation du service logistique mise en place lors de la reprise de la société Majorette, la société Smoby Toys a supprimé le poste unique de gestionnaire des retours et transféré les tâches affectées à cet emploi aux préparateurs de commandes-manutentionnaires ; que les deux postes, qui dépendent du responsable d'équipe logistique, lui-même rattaché au responsable logistique, ont le même positionnement hiérarchique et requièrent un même niveau de connaissances et de technicité ; qu'il ressort également des pièces du dossier, et notamment de la cotation des deux postes selon la grille de classification élaborée par la fédération de la plasturgie, que les deux postes se caractérisent par une marge d'autonomie équivalente ; que la différence de coefficient résulte exclusivement de la prise en compte, pour la cotation des postes, du critère d'animation ; qu'il a en effet été tenu compte de ce que Mme C...était amenée, dans l'exercice de ses précédentes fonctions au sein de la société Majorette, à former et à conseiller les personnes temporairement affectées à la gestion des retours ; qu'il ressort toutefois des éléments produits par la société Smoby Toys que cette mission d'animation, qui consistait à expliquer les consignes spécifiques du poste, ne comportait aucune dimension - même temporaire - d'encadrement et qu'elle n'était exercée par Mme C...que quelques semaines par an, après les fêtes de fin d'année ; que, dans ces conditions, eu égard au caractère très ponctuel des tâches de formation et de conseil précédemment attribuées à Mme C..., la proposition qui lui a été faite d'occuper un poste de préparateur de commandes-manutentionnaire ne constituait pas une modification de son contrat de travail mais seulement un changement de ses conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction ; que, par suite, en refusant ce poste, Mme C... a commis une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que la société Smoby Toys est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 14 janvier 2013 refusant d'autoriser le licenciement pour faute de Mme C...et a mis à sa charge le versement à cette dernière d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Smoby Toys, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Smoby Toys sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Besançon n° 1301330 du 7 juillet 2015 sont annulés, ainsi que la décision de l'inspectrice du travail de la 1ère section d'inspection du travail de l'unité territoriale du Jura du 14 janvier 2013.

Article 2 : L'Etat versera à la société Smoby Toys une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de Mme C...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Smoby Toys, à Mme B...C...et à la ministre du travail.

2

N° 15NC01952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01952
Date de la décision : 15/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL SAINT CLAUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-06-15;15nc01952 ?
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