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30/05/2017 | FRANCE | N°15NC02514

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 30 mai 2017, 15NC02514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Etablissements Gyss-Giubilei a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Les Magnolias " de Wintzenheim à lui verser, d'une part, une somme 15 041,23 euros au titre de son marché de travaux du lot n° 20 " Equipements de cuisine " et, d'autre part, une somme de 12 123,01 euros au titre de son marché de travaux du lot n° 21 " Equipements de buanderie ".

Par un jugement n° 1302257 du 29 octobre 2015, le

tribunal administratif de Strasbourg a arrêté le solde du lot n° 20 à la somme de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Etablissements Gyss-Giubilei a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Les Magnolias " de Wintzenheim à lui verser, d'une part, une somme 15 041,23 euros au titre de son marché de travaux du lot n° 20 " Equipements de cuisine " et, d'autre part, une somme de 12 123,01 euros au titre de son marché de travaux du lot n° 21 " Equipements de buanderie ".

Par un jugement n° 1302257 du 29 octobre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a arrêté le solde du lot n° 20 à la somme de 8 313,73 euros TTC et le solde du lot n°21 à la somme de 6 445 euros TTC et a condamné la maison de retraite " Les Magnolias " de Wintzenheim à verser à la société Etablissements Gyss-Giubilei les sommes de 1 054,87 euros TTC et de 3 363,46 euros TTC au titre de ces marchés.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 décembre 2015 et le 4 novembre 2016, la société Etablissements Gyss-Giubilei demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 octobre 2015 en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande ;

2°) de condamner la maison de retraite " Les Magnolias " à lui payer, d'une part, la somme de 15 041,23 euros au titre de son marché de travaux du lot n° 20 " Equipements de cuisine ", augmentée des intérêts moratoires, outre la capitalisation à compter de la mise en demeure du 16 août 2011 et, d'autre part, la somme de 12 123,01 euros au titre de son marché de travaux du lot n° 21 " Equipements de buanderie ", augmentée des intérêts moratoires, outre la capitalisation à compter de la mise en demeure du 16 août 2011 ;

3°) de condamner la maison de retraite " Les Magnolias " à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

4°) de mettre à la charge de la maison de retraite " Les Magnolias " les dépens ainsi que le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de première instance était recevable ;

- les retards ne lui étaient pas imputables ;

- les retenues opérées sur le solde de ses marchés ne sont pas justifiées ;

- la maison de retraite a abusivement retardé le paiement des sommes dues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2016, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Les Magnolias ", représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Etablissements Gyss-Giubilei ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 octobre 2015 en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la société ;

3°) de rejeter la demande présentée par la société Etablissements Gyss-Giubilei devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

4°) de mettre à la charge de la société Etablissements Gyss-Giubilei le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;

- la demande de première instance était irrecevable ;

- les sommes arrêtées dans le décompte ont été payées à la société.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux approuvé par décret du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public.

1. Considérant que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Les Magnolias " (l'EHPAD) de Witzenheim a conclu en 2008 des marchés de travaux pour la mise en conformité de l'aile Nord et l'extension de l'établissement ; que les lots nos 20 " Equipements de cuisine " et 21 " Equipements de buanderie " ont été attribués à la société Etablissements Gyss-Giubilei ; que cette société a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'EHPAD à lui verser les sommes de 15 041,23 euros TTC au titre du lot n° 20 et de 12 123,01 euros au titre du lot n° 21 ; qu'elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg n'a que partiellement fait droit à sa demande ; que, par la voie de l'appel incident, l'EHPAD fait appel du même jugement ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant que l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige renvoie au cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG) de 1976 ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance que ce CCAG ait été abrogé en cours d'exécution du marché n'a pas eu pour effet de rendre applicable au marché en litige le CCAG approuvé en 2009 ; que le CCAG de 1976 modifié est ainsi applicable au litige ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du CCAG : " (...) 13.42. Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service (...). 13.44. L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. (...)13.45. Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché " ; qu'aux termes de l'article 50 : " 50.22 Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage (...) 50.23 La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage (...) 50.32 Si, dans un délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable " ; que le délai de forclusion de six mois fixé par ces stipulations ne commence à courir qu'à compter de la notification de la décision expresse du maître de l'ouvrage ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le décompte général a été notifié à la société Etablissements Gyss-Giubilei le 18 août 2011 ; que ce décompte général n'a toutefois pas été signé par le maître de l'ouvrage, contrairement aux prescriptions précitées du CCAG ; que dès lors, en l'absence de décompte général valablement établi, l'EHPAD ne peut opposer le caractère définitif du décompte pour soutenir que la demande présentée par la société devant le tribunal administratif de Strasbourg était irrecevable ;

5. Considérant, en outre, que la société Etablissements Gyss-Giubilei a transmis au maître d'oeuvre le 20 septembre 2011 un courrier par lequel elle contestait les retenues et pénalités appliquées dans le décompte général ; que ce courrier, qui mentionne les motifs de cette contestation ainsi que le montant des sommes réclamées, doit être regardé comme un mémoire de réclamation ; qu'il résulte de l'instruction qu'aucune décision de l'EHPAD rejetant cette réclamation n'a été notifiée à la société requérante ; que, dans ces conditions, la société Etablissements Gyss-Giubilei pouvait saisir le tribunal administratif de Strasbourg de sa contestation du décompte général sans condition de délai ;

Sur le solde du marché :

En ce qui concerne les pénalités de retard :

6. Considérant que le décompte général fait apparaître des pénalités de retard d'un montant de 5 625 euros, correspondant à 45 jours de retard pour le lot n° 20 et d'un montant de 4 747,50 euros correspondant à 50 jours de retard pour le lot n° 21 ;

7. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Au cas où les travaux ne seraient pas terminés dans les délais fixés au calendrier d'exécution et sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable, sur simple confrontation de la date d'expiration du délai contractuel d'exécution et de la date de réception provisoire, il sera appliqué par jour calendaire de retard une pénalité dont le montant sera égal à 1/ 1000 de la valeur du marché initial et/ou des avenants éventuels, ne pouvant être inférieure à 150 euros.(...). " ; que l'article 4.1 du CCAP prévoit que " le délai d'exécution de l'ensemble des lots est fixé à l'article 4 de l'acte d'engagement [34 mois pour l'ensemble des travaux]. Les délais d'exécution propres à chacun des lots s'insèrent dans ce délai d'ensemble, conformément au calendrier prévisionnel d'exécution " ; que le calendrier prévisionnel d'exécution signé par l'entreprise le 26 novembre 2008 prévoyait un délai d'exécution de quatre semaines pour les lots 20 et 21 ;

8. Considérant que le compte-rendu de réunion de chantier du 20 mai 2011 fait état d'un retard de neuf semaines pour le lot n°20 et de dix semaines pour le lot n°21 ; que le compte-rendu de la réunion de chantier du 5 février 2010 indique que les travaux du lot n° 20 (cuisine) ont commencé le 11 janvier 2010 et que ceux du lot n° 21 (buanderie) ont démarré le 15 janvier 2010 ; que le compte-rendu de la réunion du 19 mars 2010 mentionne, quant à lui, un retard de 5 semaines pour le lot n° 20 tout en indiquant que l'avancement des travaux était à cette date de 100% ; que la société soutient, sans être contredite, que la cuisine a été mise en service le 15 mars 2010 ; que, concernant le lot n° 21, le compte-rendu de la réunion du 10 mars 2010 mentionne un avancement de 60% et un retard de 5 semaines à cette date ; que la société produit une télécopie par laquelle elle a indiqué au maître d'oeuvre que la lingerie serait mise en service le 25 mars 2010 ; que l'EHPAD ne conteste pas que les travaux étaient effectivement achevés à ces dates ; que, dans ces conditions, et faute pour l'EHPAD de produire d'autres éléments, les retards avec lesquels la société Etablissements Gyss-Giubilei a achevé ses prestations doivent être fixés à 25 jours pour le lot n° 20 et 30 jours pour le lot n° 21 ; que si la société soutient que ces retards ne lui sont pas imputables dès lors qu'elle n'a pas pu commencer ses travaux tant que les autres corps d'état n'avaient pas achevé leurs prestations, elle ne produit aucun élément de nature à étayer ses allégations alors qu'il ressort par ailleurs des comptes-rendus de chantiers des 5 février et 19 mars 2010 qu'elle a elle-même été à l'origine de retard ; que, dans ces conditions, la société est seulement fondée à soutenir que le montant des pénalités de retard appliquées au titre du lot n° 20 devait être fixé à la somme de 3 125 euros et celui des pénalités appliquées au titre du lot n° 21 à la somme de 2 848,5 euros ;

En ce qui concerne les retenues :

9. Considérant que le décompte général du lot n°20 fait apparaître une retenue de 882 euros qui correspond, selon le maître d'ouvrage, aux frais de réparation d'une serrure qui aurait été endommagée par la société Etablissements Gyss-Giubilei lors de la livraison de ses équipements de cuisine ; que l'EHPAD ne produit toutefois aucun élément de nature à justifier de la réalité de ces dégradations et du montant de la retenue pratiquée sur le décompte ; que, dans ces conditions, l'EHPAD n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le montant de cette retenue a été réintégré au crédit de la société dans le décompte du lot n° 20 ;

10. Considérant que le décompte général du lot n°21 fait apparaître une retenue d'un montant de 2 812,26 euros correspondant au prix de la table à repasser ; que si l'EHPAD soutient que cette table à repasser n'a pas pu être installée comme prévu dans le marché du fait de la configuration des lieux, il ne résulte pas de l'instruction qu'un accord serait intervenu entre les parties au sujet de la reprise de cet équipement ; que le maître d'oeuvre a, en outre, indiqué à l'entreprise par courrier du 3 octobre 2011 que le paiement de cette table à repasser serait établi malgré un accord de reprise ; que, dans ces conditions, et faute de produire d'autres éléments, le maître d'ouvrage n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le montant de cette retenue a été réintégré au crédit de la société dans le décompte du lot n°21 ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la diminution des pénalités de retard, le solde du lot n° 20 doit être porté à la somme de 9 451,28 euros HT soit 11 303,73 euros TTC, ce qui laisse à la charge de l' EHPAD une somme de 4 044,87 euros TTC ; que le solde du lot n° 21 doit, quant à lui, être porté à la somme de 7 287,80 euros HT soit 8 716,21 euros TTC, ce qui laisse à la charge de l' EHPAD une somme de 5 634,7 euros TTC ;

Sur la demande d'indemnité pour résistance abusive :

12. Considérant qu'en procédant au mandatement des sommes dues en vertu du décompte les 28 et 29 septembre 2011 alors que le délai global de paiement avait expiré le 31 juillet 2011, l'EHPAD ne peut être regardé comme ayant fait preuve de mauvaise volonté manifeste ; que, dans ces conditions, aucune indemnité ne peut être mise à la charge du maître d'ouvrage au titre de la résistance abusive dont il aurait fait preuve lors du paiement des prestations des lots nos 20 et 21 ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Etablissements Gyss-Giubilei est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a maintenu le montant des pénalités de retard calculé par le maître d'oeuvre à son débit dans le décompte général au-delà de 3 125 euros au titre du lot n° 20 et de 2 848,5 euros pour le lot n° 21 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que présentent les parties et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le solde du marché du lot n°20 " Equipements de cuisine " est porté à la somme de 9 451,28 euros HT soit 11 303,73 euros TTC et le montant restant à la charge de l'EHPAD " Les Magnolias " à ce titre à la somme de 4 044,87 euros TTC.

Article 2 : Le solde du marché du lot n°21 " Equipements de buanderie " est porté à la somme de 7 287,80 euros HT soit 8 716,21 euros TTC et le montant restant à la charge de l'EHPAD " Les Magnolias " à ce titre à la somme de 5 634,67 euros TTC.

Article 3 : Le jugement du 29 octobre 2015 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Etablissements Gyss-Giubilei et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Les Magnolias ".

2

N° 15NC02514


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02514
Date de la décision : 30/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : BOURGUN RAPHAELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-05-30;15nc02514 ?
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