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23/05/2017 | FRANCE | N°16NC02033

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 mai 2017, 16NC02033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 27 février 2014 par laquelle le préfet du Bas-Rhin l'a informé qu'aucune décision n'avait été prise sur sa demande de regroupement familial formulée le 17 septembre 2012 au motif qu'il n'en remplissait plus les conditions et lui a demandé de prendre contact avec le service du regroupement familial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour déposer une nouvelle demande de regroupement familial.>
Par une ordonnance n° 1401955 du 6 juillet 2016, le vice-président du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 27 février 2014 par laquelle le préfet du Bas-Rhin l'a informé qu'aucune décision n'avait été prise sur sa demande de regroupement familial formulée le 17 septembre 2012 au motif qu'il n'en remplissait plus les conditions et lui a demandé de prendre contact avec le service du regroupement familial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour déposer une nouvelle demande de regroupement familial.

Par une ordonnance n° 1401955 du 6 juillet 2016, le vice-président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable au motif qu'elle n'était pas dirigée contre une décision susceptible de recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2016, M. C...B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2016 ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Bas-Rhin du 27 février 2014 portant refus de regroupement familial ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin d'autoriser le regroupement familial demandé au bénéfice de son épouse et de ses deux enfants dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée ne vise pas l'intégralité des mémoires produits ;

- la formule exécutoire est erronée ;

- le courrier contesté constitue bien une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir ;

- en considérant qu'aucune décision n'a été prise et qu'une nouvelle demande devait être déposée, le préfet le place dans l'impossibilité de demander le regroupement familial pour sa fille, entretemps devenue majeure ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la condition de durée de présence sur le territoire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il remplit les conditions exigées de ressources et de logement ouvrant droit au bénéfice du regroupement familial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2017, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête au motif que la demande de première instance est irrecevable et que son courrier du 27 février 2014 ne constitue pas une décision.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Fuchs a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant sri-lankais né le 5 mai 1970, déclare être entré en France le 22 août 2008 ; qu'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " lui a été délivré le 4 février 2011 en raison de son état de santé ; qu'il a introduit, le 17 septembre 2012, une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse et de ses deux filles ; que le 8 avril 2013, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour ; qu'il a toutefois fait droit au recours gracieux introduit par le requérant contre cette décision le 10 juin 2013 et a de nouveau muni M. B...d'un titre de séjour à compter du 3 septembre 2013 ; que, par un courrier du 27 février 2014, le préfet du Bas-Rhin a informé l'intéressé qu'aucune décision n'avait été prise sur sa demande de regroupement familial formulée le 17 septembre 2012 au motif qu'il n'en remplissait plus les conditions et lui a demandé de prendre contact avec le service du regroupement familial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour déposer une nouvelle demande de regroupement familial ; que M. B... relève appel de l'ordonnance du 6 juillet 2016 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet du Bas-Rhin du 27 février 2014 comme irrecevable au motif qu'elle n'était pas dirigée contre une décision susceptible de recours ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; " ; qu'aux termes de l'article R. 421-1 du même code, dans sa version alors applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ;

3. Considérant, d'une part, que par son courrier du 27 février 2014, le préfet du Bas-Rhin a informé le requérant qu'aucune décision n'avait été prise sur sa demande de regroupement familial formulée le 17 septembre 2012 au motif qu'il n'en remplissait plus les conditions et lui a demandé de prendre contact avec le service du regroupement familial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour déposer une nouvelle demande de regroupement familial ; que, ce faisant, le préfet du Bas-Rhin a nécessairement entendu rejeter la demande de regroupement familial présentée le 17 septembre 2012 par M.B... ;

4. Considérant, d'autre part, que conformément aux dispositions de l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative disposait d'un délai de six mois pour se prononcer sur une demande de regroupement familial formée le 17 septembre 2012 ; que le 18 mars 2013, une décision implicite de rejet de cette demande est née ; qu il n'est pas établi que lors du dépôt de sa demande, M. B... a été informé des voies et délais de recours contre la décision implicite de rejet susceptible de naître du fait de cette demande ; qu'il n'est pas plus établi que le demandeur a été avisé des conditions dans lesquelles une décision implicite de rejet de sa demande était susceptible de naître ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant a eu connaissance de la décision implicite de rejet de sa demande préalablement à la décision explicite du 27 février 2014 ; que cette décision explicite, qui ne peut être regardée comme une décision confirmative, a nécessairement retiré la décision implicite de rejet ; qu'il s'ensuit que le requérant n'était pas forclos pour contester le rejet de sa demande de regroupement familial qui lui a été opposé par la décision du 27 février 2014 ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité présentés par le requérant, que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que le vice-président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable ; que, par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 février 2014 :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un titre des titres de validité d'au moins un an prévu par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans " ; qu'aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " Le document de séjour dont doit justifier un ressortissant étranger pour formuler une demande de regroupement familial soit une carte de séjour temporaire, d'une durée de validité d'au moins un an (...) soit le récépissé de demande de renouvellement de l'un de ces documents " ;

8. Considérant que la décision contestée se borne à indiquer que " la décision préfectorale n'a pas été prise au motif que le demandeur ne remplissait plus les conditions exigées par les articles L. 411-1 à L. 441-1 et R. 411-1 à R. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " ; qu'il ressort néanmoins des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin a estimé que M. B...ne remplissait plus la condition de séjour régulier en France depuis une durée d'au moins dix-huit mois, exigée par l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison du rejet de la demande de renouvellement de son titre de séjour par la décision du 8 avril 2013 ;

9. Mais considérant que par sa décision du 10 juin 2013, le préfet a fait droit au recours gracieux introduit par le requérant contre la décision du 8 avril 2013 ; que de ce fait, le préfet a nécessairement entendu retirer la décision du 8 avril 2013, laquelle doit ainsi être regardée comme n'ayant jamais existé ; qu'il en résulte que M. B..., qui bénéficiait d'un titre de séjour depuis le 4 février 2011, était en situation régulière sur le territoire français depuis cette date ; qu'il remplissait dès lors la condition de durée de présence régulière fixée par les dispositions précitées de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet ne pouvait légalement se fonder sur ce motif pour rejeter la demande de regroupement familial de l'intéressé ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, que la décision du 27 février 2014 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. B... le 17 septembre 2012 et l'a invité à présenter une nouvelle demande en ce sens doit être annulée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que la présente cour n'est pas mise en mesure de se prononcer, à la date à laquelle elle statue, sur les conditions autres que celles tenant à la durée de présence régulière sur le territoire de M. B... ; qu'ainsi, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer, dans un délai de quatre mois, la demande de regroupement familial formée par M. B... le 17 septembre 2012 ; que conformément aux dispositions de l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles " l'âge du conjoint et des enfants pouvant bénéficier du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande ", le préfet du Bas-Rhin devra se prononcer sur cette demande en tant qu'elle concerne l'épouse du requérant ainsi que ses deux enfants, quand bien même ces derniers seraient depuis devenus majeurs ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Strasbourg n° 1401955 du 6 juillet 2016 ainsi que la décision du préfet du Bas-Rhin du 27 février 2014 sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la demande de regroupement familial présentée par M. B...le 17 septembre 2012, dans les conditions prévues au point 11, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à M. B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 16NC02033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02033
Date de la décision : 23/05/2017
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme DHIVER
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP ROTH-PIGNON LEPAROUX ROSENSTIEHL ET ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-05-23;16nc02033 ?
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