Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Besançon de lui accorder la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il avait acquittés au titre de la période du
1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 ;
Par un jugement n° 1300806 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Besançon a fait droit à sa demande, à concurrence de 50 179 euros ;
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 30 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1300806 du tribunal administratif de Besançon du 19 mars 2015 ;
2°) de remettre à la charge de l'intéressé les sommes pour lesquelles le tribunal a accordé la restitution ;
Le ministre soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en se fondant sur les décrets du
7 janvier 2011 et du 20 septembre 2011 pour considérer que sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée les honoraires perçus au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, antérieurement à la modification apportée à l'article 261-4-1° du code général des impôts par l'article 15 de la loi de finances rectificative pour 2011 applicable aux seuls soins dispensés à compter du 30 décembre 2011 par les praticiens autorisés à faire usage légalement du titre de chiropracteur ;
- en se bornant à produire des fiches patients, M. C...n'a pas apporté la preuve que les actes qu'il accomplissait, alors que son activité n'était pas encore réglementée, était d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2015, M. B...C..., représenté par MeA..., conclut :
- à la confirmation du jugement ;
- à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- conformément à ce qu'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes, un État membre ne peut exclure de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée une profession ou une activité spécifique de soins que s'il est démontré que les personnes exerçant cette profession ne sont pas aptes, compte tenu de leurs qualifications professionnelles, à offrir un niveau de qualité équivalent à celui des prestations des membres des professions exonérées ;
- il est désormais fondé à se prévaloir des dispositions des décrets n° 2011-32 du 7 janvier 2011 et 2011-1127 du 20 septembre 2011 réglementant l'exercice de l'activité de la chiropraxie, sans que l'administration ne puisse tirer argument d'une activité non encore réglementée, sauf à souligner la carence passée de l'Etat ;
- les qualités de sa formation et de sa pratique lui permettent d'offrir un niveau de prestations équivalant à celui des prestations réalisées par les membres de professions exonérées ;
Vu :
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, notamment son article 75 ;
- le décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 ;
- le décret n° 2011-1127 du 20 septembre 2011 ;
- l'arrêté du 7 janvier 2011 pris pour l'application du décret n° 2011-32 ;
- l'arrêté du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie ;
- la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 12 janvier 2017 :
- le rapport de M. Di Candia
- et les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public.
1. Considérant que M.C..., qui exerce l'activité de chiropracteur, a demandé la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, en estimant pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 261 du code général des impôts relatives à l'exonération de cette taxe ; que le ministre des finances et des comptes publics relève régulièrement appel du jugement du 19 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Besançon a fait droit à cette demande ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13, A paragraphe 1 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, qui reprend les dispositions de l'article 13, A de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné ; / (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des États membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;
3. Considérant qu'aux termes du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 15 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 susvisée applicable pour les actes accomplis à partir du 30 décembre 2011 : "Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4. (Professions libérales et activités diverses) : 1° Les soins dispensés aux personnes (...) par les praticiens autorisés à faire usage légalement du titre (...) de chiropracteur (...)" ; que s'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu exonérer de taxe sur la valeur ajoutée les praticiens définitivement autorisés à utiliser le titre de chiropracteur de même que les praticiens autorisés provisoirement à faire usage de ce titre jusqu'à la décision prise par le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France, après avis de la commission prévue à l'article 17 du décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 susmentionné, il résulte toutefois, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, que l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. / (...) Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. / (...) Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. / Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits sur une liste dressée par le directeur général de l'agence régionale de santé de leur résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres ou autorisations. " ; que le décret du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie n'a été publié que le 9 janvier 2011 et le décret du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie, ainsi que l'arrêté du même jour pris en application de ces deux décrets, n'a été publié que le 21 septembre 2011 ; que le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts n'a été modifié, pour inclure les chiropracteurs dans son champ d'application, qu'à compter du
30 décembre 2011 ; que, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de ces dispositions réglementaires, les actes dits de chiropraxie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine, et le cas échéant, pour certains actes seulement et sur prescription médicale, par les autres professionnels de santé habilités à les réaliser ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour obtenir la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés durant la période allant du 1er janvier 2010 au 29 décembre 2011, M.C..., qui exerce une activité de chiropraxie, doit démontrer qu'il disposait, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalente à celles fournies, selon le cas, par un médecin ou par un membre d'une profession de santé réglementée ; qu'une telle appréciation ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes de chiropraxie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ; que, dès lors, le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que les chiropracteurs n'ont pu bénéficier de l'exonération avant le 30 décembre 2011 ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient à M.C..., pour mettre le juge à même de s'assurer que la condition de l'exonération de taxe tenant à la qualité de ces prestations était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;
7. Considérant que M. C...produit des éléments pouvant être regardés comme attestant, de manière suffisante, la qualité de la formation qu'il a suivie et du diplôme qu'il a obtenu ; que pour permettre au juge de se prononcer sur la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils ont été effectués, il lui incombait également de fournir des éléments permettant, sur une période significative d'au moins deux mois, de s'assurer que ces actes n'étaient pas interdits ou n'avaient pas été accomplis sans avis médical préalable lorsque celui-ci était requis ; qu'en l'espèce, M. C... produit plus de cent quarante " fiches patients " correspondant à plus de trois cents consultations, réparties sur l'ensemble de la période du
1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 ; que ces documents mentionnent les antécédents des patients et indiquent la nature des actes pratiqués ; qu'ainsi, alors qu'il n'est pas contesté que les soins en cause n'étaient pas interdits et n'ont pas été donnés sans avis médical préalable lorsque celui-ci était requis, M. C...établit, par les pièces qu'il produit, que les actes de chiropraxie qu'il a accomplis au cours de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 peuvent être regardés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin ou un kinésithérapeute pratiquant la chiropraxie, auraient été exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, prononcé la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée demandée par M. C...et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à M. C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'économie et des finances.
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15NC00811