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02/02/2017 | FRANCE | N°15NC00607

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 02 février 2017, 15NC00607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Bouchers Services a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs à l'effort de construction et de contribution au développement de l'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre de

l'année 2007 ;

Par un jugement n° 1302254

du 3 février 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Bouchers Services a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs à l'effort de construction et de contribution au développement de l'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre de

l'année 2007 ;

Par un jugement n° 1302254 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 avril 2015 et des mémoires complémentaires enregistrés les 1er avril et 31 mai 2016, la SAS Bouchers Services, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302254 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 février 2015 ;

2°) de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des impositions en litige ;

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 10 décembre 2010 qui lui a été adressée ne satisfait pas aux exigences prévues aux articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, d'une part parce qu'elle est motivée par référence à la lettre d'observation des services des URSSAF, dont les termes ont disparu depuis le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale, d'autre part parce que l'administration s'est bornée à indiquer des montants globaux en reprenant l'échantillonnage auquel a procédé le service de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) ;

- le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale ayant annulé la lettre d'observation des services de l'URSSAF, cette dernière ne pouvait servir de base légale aux impositions en litige ;

- la prime uniforme et forfaitaire versée par une entreprise à ses employés en vue de couvrir les frais de transport que ces derniers supportent pour se rendre à leur travail a le caractère d'une indemnité pour frais d'emploi au sens de l'article 81, 19 ter du code général des impôts ; n'ayant pas la nature d'un salaire, elle ne peut servir de base aux taxes assises sur les salaires ;

- les indemnités kilométriques versées par l'employeur à ses salariés au titre des trajets effectués par ceux-ci entre leur domicile et leur lieu de travail n'ont pas la nature juridique de salaires en vertu de l'article 4 de l'arrêté du 20 décembre 2002 dès lors que ceux-ci se trouvent dans la nécessité absolue d'utiliser leur véhicule personnel, que l'employeur apporte des justificatifs et que l'indemnité ne dépasse pas les limites fixées par les barèmes kilométriques ; dès lors, nonobstant l'existence d'écarts dans le versement de ces frais entre différents salariés, et en l'absence de toute pratique discriminatoire, celles-ci ont la nature de frais professionnels déductibles ;

- l'échantillonnage sur lequel repose les impositions en litige n'est pas significatif ;

- en liant l'issue des rehaussements en litige à celui des URSSAF, l'administration a pris une position formelle ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2015 et un mémoire complémentaire, enregistré le 24 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la proposition de rectification du 10 décembre 2010 est suffisamment motivée ;

- le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Ardennes reste sans incidence sur les impositions en litige ;

- la société requérante ne peut utilement invoquer une prise de position formelle du service, la règle d'antériorité caractérisant ce dispositif n'étant pas satisfaite ; en toute hypothèse, la réponse aux observations du contribuable ne peut être regardée comme constituant une prise de position formelle ;

- l'article 81,1 du code général des impôts n'est pas applicable au présent litige ;

- si l'exonération d'indemnités kilométriques déterminées sur la base du barème fiscal peut être admise, ce principe doit s'entendre en l'absence de toute discrimination ; en l'espèce, le système d'indemnisation versée par la société aux salariés ne correspond pas au barème d'indemnisation instauré par elle et comprend une discrimination manifeste ;

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 12 janvier 2017 :

- le rapport de M. Di Candia,

- les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la SAS Bouchers Services.

1. Considérant que la SAS Bouchers Services, qui exerce une activité de transformation et de conservation de la viande de boucherie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a estimé que la société devait intégrer dans ses bases d'imposition à la taxe d'apprentissage, à la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle et continue et à la participation des employeurs à l'effort de construction, établies au titre de l'année 2007, le montant de la fraction des indemnités des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail versées par la société à ses salariés excédant le barème forfaitaire de quatre euros par mois et par salarié ; que la société interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires ;

Sur la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, la régularité de la proposition de rectification ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 10 décembre 2010, adressée à la SAS Bouchers Service, comportait, indépendamment de toute référence à la lettre d'observation des services de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) des Vosges du 30 janvier 2009, la désignation des impôts concernés, les motifs et l'année d'imposition de ces derniers ainsi que le montant des rectifications envisagées ; qu'en se référant, dans cette proposition de rectification portant sur la taxe d'apprentissage, de la formation professionnelle continue et de la participation des employeurs à l'effort de construction, dont la base de calcul est alignée sur celle des cotisations de sécurité sociale, aux résultats du contrôle effectué par l'URSSAF des Vosges, duquel il ressortait que les sommes en litige étaient qualifiées de rémunérations pour l'assiette des cotisations de sécurité sociale, l'administration n'a pas méconnu les exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors que cette référence permettait au contribuable de discuter normalement le bien-fondé du rehaussement ; qu'enfin, la circonstance que la procédure diligentée par l'URSSAF des Vosges ait, postérieurement à la proposition de rectification du 10 décembre 2010, été annulée par un jugement du tribunal des affaires sociales des Ardennes du 3 mai 2013 est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de cette proposition de rectification ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification du 10 décembre 2010 serait insuffisamment motivée doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Considérant, en premier lieu, que les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 font obstacle à ce que l'administration se prévale, dans l'exercice de son droit de communication, pour établir l'imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge, en particulier lorsque le juge judiciaire a statué sur la licéité ou la validité des éléments de preuve sur lesquels se fonde l'administration ; que toutefois, elles n'interdisent pas à l'administration fiscale, conformément au principe d'indépendance des procédures, d'utiliser dans le cadre de la procédure d'établissement de l'impôt et sous le seul contrôle du juge de l'impôt, des pièces ou éléments établis ou recueillis par d'autres autorités administratives au cours de procédures qui ont un objet distinct et répondent à des finalités différentes, alors même que ces procédures auraient été ultérieurement jugées illégales.

5. Considérant que dès lors, si le jugement du tribunal des affaires sociales des Ardennes du 3 mai 2013 a annulé le contrôle effectué par les services de l'URSSAF auprès de la société requérante au motif que ceux-ci n'étaient pas territorialement compétents pour y procéder, cette circonstance, qui est par elle-même sans influence sur les impositions litigieuses, ne fait pas obstacle à ce que l'administration utilise, à l'issue de l'exercice régulier de son droit de communication, les constatations de fait relevés lors dudit contrôle relatif à l'assiette des cotisations de sécurité sociale ,

6. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 225 du code général des impôts dans sa version alors en vigueur : " La taxe est assise sur les rémunérations, selon les bases et les modalités prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou au titre IV du livre VII du code rural pour les employeurs de salariés visés à l'article L. 722-20 dudit code./ Son taux est fixé à 0,50 % (...) " ; qu'aux termes de l'article 235 ter D du même code dans sa version alors en vigueur : " Conformément à l'article L. 951-1 du code du travail, les employeurs occupant au moins dix salariés consacrent au financement des actions de formation professionnelle continue une part minimale du montant des rémunérations " ; que l'article 235 bis du même code dans sa version en vigueur aux impositions en litige : " 1. Conformément aux articles L. 313-1, L. 313-4 et L. 313-5 du code de la construction et de l'habitation, les employeurs qui, au 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des rémunérations, n'ont pas procédé, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat aux investissements prévus à l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation sont assujettis à une cotisation de 2 % calculée sur le montant des rémunérations versées par eux au cours de l'année écoulée, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...) " ;

7. Considérant, d'autre part, que l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable aux impositions concernées, auxquelles renvoient l'ensemble des dispositions précitées du code général des impôts, dispose que : " Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. / (...) Il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel. Il ne pourra également être procédé à des déductions au titre de frais d'atelier que dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel " ; que l'article R. 242-1 du même code renvoie à des arrêtés conjoints du ministre de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget la détermination des conditions et limites dans lesquelles la rémunération peut faire l'objet d'un abattement pour frais professionnels ; qu'enfin, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale : " Lorsque le travailleur salarié est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale " ; qu'en application de ces dispositions la prise en charge des frais de transport des salariés utilisant leurs véhicules personnels pour se rendre sur leur lieu de travail peut être déduite de l'assiette desdites taxes et cotisations lorsque ces salariés sont contraints d'utiliser leurs véhicules personnels, notamment en raison des horaires de travail ou de l'inexistence des transports en commun ; qu'il résulte cependant de ces dispositions que si les indemnités kilométriques sont présumées utilisées conformément à leur objet lorsqu'elles sont inférieures au montant fixé par le barème fiscal, il n'en est pas de même en ce qui concerne les allocations forfaitaires pour lesquelles l'employeur doit établir que les sommes versées sont destinées à couvrir des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi, et qu'elles sont utilisées conformément à leur objet ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société requérante a mis en place en son sein un barème interne décomposé en sept tranches d'indemnisation selon la distance séparant le domicile de ses salariés des chantiers d'abattage de viande ouverts dans les locaux de ses entreprises clientes ; que le contrôleur de l'URSSAF a cependant relevé, à partir d'un échantillonnage de 49 salariés tirés aléatoirement parmi le personnel ayant bénéficié de remboursements de frais en 2006 et 2007, d'une part que l'indemnisation versée aux salariés ne correspondait finalement pas au barème instauré au sein de la société, d'autre part que des discriminations existaient dans l'octroi de ces indemnisations, certains salariés en ayant été écartés sans raison ; que dans ces conditions, l'administration était en droit de considérer qu'en ne respectant pas les règles de son propre barème, la société requérante a entendu accorder sous la dénomination d'indemnités kilométriques des éléments de la rémunération de ses salariés ; que la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 81 du code général des impôts, applicables à l'impôt sur le revenu ; qu'en se bornant à justifier l'état des frais kilométriques de certains de ses salariés visés par l'échantillonnage et à relever que le montant de sa participation à leurs frais de déplacement demeurait inférieur au barème fiscal, la société requérante n'établit pas que les indemnités versées étaient, pour la partie excédant le barème forfaitaire de quatre euros par mois et par salarié, conformes à leur objet ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration n'était pas fondée, sur le terrain de la loi fiscale, à réintégrer la fraction de ces indemnités excédant le barème forfaitaire précité, dans l'assiette des impositions en litige, doit être écarté ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B de ce livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi " ;

10. Considérant que la réponse aux observations du contribuable du 3 février 2011, qui relève que " à ce jour, aucune décision favorable à l'entreprise Bouchers Services n'ayant été prise par les services de l'URSSAF dans le cadre de son contrôle, les rappels notifiés au titre des taxes assises sur les salaires sont maintenus. / Si à l'issue de la procédure de contestation avec les services de l'URSSAF, une conclusion favorable intervient au titre des indemnités forfaitaires de transport versées aux salariés, vous voudrez bien m'en informer par voie de réclamation contentieuse ", ne constitue pas une prise de position formelle de la part de l'administration sur les impositions litigieuses ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Bouchers Services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Bouchers Services est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Bouchers Services et au ministre de l'économie et des finances.

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15NC00607


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