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15/11/2016 | FRANCE | N°16NC00329

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2016, 16NC00329


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du préfet du Haut-Rhin du 13 mars 2015 refusant de les admettre provisoirement au séjour, décidant de leur remise aux autorités hongroises ainsi que les décisions de ce préfet du 27 avril 2015 les assignant à résidence dans le département du Haut-Rhin.

Par des jugements n° 1502250 et n° 1502255 du 30 avril 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg

a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Sous le n°16NC00329, par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du préfet du Haut-Rhin du 13 mars 2015 refusant de les admettre provisoirement au séjour, décidant de leur remise aux autorités hongroises ainsi que les décisions de ce préfet du 27 avril 2015 les assignant à résidence dans le département du Haut-Rhin.

Par des jugements n° 1502250 et n° 1502255 du 30 avril 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Sous le n°16NC00329, par une requête enregistrée le 21 février 2016, M. A..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1502250 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 30 avril 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées prises à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui permettre de déposer une demande d'asile en France et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à la notification de la décision prise, selon la procédure normale, par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué, que :

- la composition de la formation de jugement est irrégulière dès lors que sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus d'admission provisoire au séjour relevait d'une formation collégiale ;

- le premier juge a omis de répondre aux moyens tirés de l'erreur de fait et du défaut d'examen de sa situation personnelle présentés à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus d'admission provisoire au séjour ;

- le premier juge n'a pas répondu au moyen d'exception d'illégalité présenté à l'appui de sa demande tendant à l'annulation des mesures assortissant la décision d'assignation à résidence et tiré de ce que l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaît l'article L. 561-1 du même code ;

S'agissant de la décision de refus d'admission provisoire au séjour, que :

- cette décision est entachée d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen de sa situation individuelle ;

- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 17 de ce règlement ;

S'agissant de la décision de remise, que :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission provisoire au séjour ;

- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'application des dispositions de l'article 17 de ce règlement compte tenu de son état de santé et de l'absence d'exercice effectif du droit d'asile en Hongrie ;

S'agissant de la décision d'assignation, que :

- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les articles L. 561-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de quitter le département du Haut-Rhin assortissant la décision d'assignation est illégale dès lors que l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaît l'article L. 561-1 du même code ;

S'agissant de l'obligation de présentation, que :

- cette mesure est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2016, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2016.

II. Sous le n°16NC00330, par une requête enregistrée le 21 février 2016, Mme A..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1502255 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 30 avril 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées prises à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui permettre de déposer une demande d'asile en France et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à la notification de la décision prise, selon la procédure normale, par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir les mêmes moyens que ceux exposés par M. A... à l'appui de sa requête enregistrée sous le n° 16NC00329.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2016, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. et MmeA..., ressortissants kosovars nés respectivement le 13 juillet 1990 et le 23 mai 1994, sont entrés irrégulièrement sur le territoire français le 15 décembre 2014, selon leurs déclarations ; que les intéressés ont sollicité leur admission au séjour en qualité de réfugié le 29 janvier 2015 ; que par des arrêtés du 13 mars 2015, le préfet du Haut-Rhin a refusé de les admettre provisoirement au séjour en application du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par des arrêtés du même jour, le préfet du Haut-Rhin a décidé la remise de M. et Mme A...aux autorités hongroises ; que le préfet les a assignés à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours par des décisions du 27 avril 2015 ; que M. et Mme A...relèvent appel des jugements du 30 avril 2015 par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet du Haut-Rhin du 13 mars 2015 refusant de les admettre provisoirement au séjour et décidant leur remise aux autorités hongroises ainsi que des décisions de ce préfet du 27 avril 2015 les assignant à résidence ;

2. Considérant que les requêtes n° 16NC00329 et n° 16NC00330 portent sur la situation d'un même couple de ressortissants étrangers et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt ;

Sur la régularité des jugements attaqués :

3. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article R. 776-1 du code de justice administrative, les conclusions tendant à l'annulation de l'une des mesures d'éloignement prévues au livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au nombre desquelles figurent les décisions de remise aux autorités de l'un des Etats de l'Union européenne membres de l'espace Schengen, sont instruites et jugées selon les règles prévues à l'article L. 512-1 de ce code, auxquelles renvoient les articles R. 776-1 et suivants du code de justice administrative ; qu'en vertu du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 776-15 du code de justice administrative, lorsqu'un ressortissant étranger est assigné à résidence et qu'il demande au tribunal administratif territorialement compétent l'annulation de la mesure d'éloignement dont il est l'objet et, le cas échéant, de la décision d'assignation à résidence, ces conclusions sont jugées par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cet effet ; que, toutefois, selon l'article R. 776-17 du code de justice administrative, si le requérant a formé des conclusions contre la décision relative au séjour qui lui a été notifiée par ailleurs, le jugement de celles-ci relève d'une formation collégiale du tribunal administratif et son président ou le magistrat qu'il désigne ne peut, dès lors, régulièrement y statuer seul ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg n'a pu, en l'espèce, statuer seul sur la légalité des décisions du 13 mars 2015 refusant d'admettre provisoirement M. et Mme A... au séjour au titre de l'asile sans entacher ses jugements d'irrégularité sur ce point ; qu'il suit de là que le moyen tiré par M. et Mme A...de ce que les jugements attaqués, en tant qu'ils statuent sur la légalité de ces refus d'admission provisoire au séjour, ont été pris par une formation de jugement irrégulièrement composée doit être accueilli ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen d'irrégularité dirigé contre ces décisions, les jugements attaqués sont irréguliers et doivent être annulés en tant qu'ils ont rejeté les conclusions de M. et Mme A...dirigées contre les décisions portant refus d'admission provisoire au séjour du 13 mars 2015 ;

5. Considérant, en second lieu, qu'à l'appui de leurs demandes de première instance, M. et Mme A...soutenaient que les décisions du 27 avril 2015 les assignant à résidence étaient illégales dès lors que les dispositions de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissaient celles de l'article L. 561-1 du même code au motif que ces dispositions réglementaires apportaient une restriction à la liberté d'aller et de venir non prévue par ces dispositions législatives ; qu'il ressort des jugements attaqués que le premier juge, qui n'a pas répondu à ce moyen, ne l'a pas analysé dans ses visas ; que, par suite, les jugements attaqués sont irréguliers et doivent être annulés en tant qu'ils ont rejeté les conclusions de M. et Mme A...dirigées contre les décisions les assignant à résidence du 27 avril 2015 ;

6. Considérant qu'il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les demandes présentées par M. et Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation des décisions de refus d'admission provisoire au séjour et d'assignation à résidence, et de statuer par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions de M. et MmeA... ;

Sur les décisions de refus d'admission provisoire au séjour :

7. Considérant, en premier lieu, que les décisions susmentionnées ont été signées par M. Christophe Marx, secrétaire général de la préfecture du Haut-Rhin, qui disposait en vertu d'un arrêté du 21 août 2014, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, d'une délégation pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes dont ne relèvent pas les décisions attaquées ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige manque en fait et doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé relatif au droit à l'information : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n' est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5.FR 29.6.2013 Journal officiel de l'Union européenne L 180/37/3. (...)" ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de l'instruction de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les informations prévues par les dispositions précitées ont été remises à M. et MmeA..., dans une langue qu'ils comprennent, le 18 février 2015, avant que les décisions en litige ne soient prises ; que, dès lors, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile, et en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A...ont bénéficié le 18 février 2015 d'un entretien individuel à la préfecture du Haut-Rhin, assistés d'un interprète, avant l'édiction des décisions de remises du 13 mars 2015 ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 manque en fait et doit être écarté ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) / 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit (...) " ;

14. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé à un examen de la situation individuelle de M. et Mme A...et apprécié la possibilité de faire usage des dispositions de l'article 17 du règlement du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

15. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que les problèmes de santé de Mme A...ayant nécessité à deux reprises son hospitalisation au cours du mois d'avril 2015 sont apparus postérieurement aux décisions en litige ; que si M. A...est handicapé et que son épouse, enceinte de 6 semaines, devait faire l'objet d'une intervention médicale en vue de l'amputation de l'une de ses jambes sans toutefois que cette intervention présente un caractère d'urgence, ces éléments ne sont pas de nature à justifier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement susmentionné ; que, dès lors, doivent être écartés les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

Sur les décisions de remise :

16. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A...n'établissent pas l'illégalité des décisions du préfet du Haut-Rhin portant refus d'admission provisoire au séjour ; que, dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions ne peut qu'être écarté ;

17. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé à un examen de la situation individuelle de M. et Mme A...et apprécié la possibilité de faire usage des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

18. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été exposé au point 15, les problèmes de santé de M. et Mme A...ne sont pas de nature à justifier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que, par ailleurs, la circonstance que MmeA..., à la suite de sa fausse couche, ne soit pas immédiatement en état de voyager, n'est pas de nature à entacher la décision de remise d'illégalité, l'éloignement n'étant d'ailleurs pas immédiat ;

19. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable " ; qu'aux termes du 3 de l'article 3 du même règlement : " Tout État membre conserve le droit d'envoyer un demandeur vers un pays tiers sûr, sous réserve des règles et garanties fixées dans la directive 2013/32/UE " ;

20. Considérant que la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour transposer la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, la Hongrie a adopté, dès le 26 juin 2013, une loi qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2013 ; que les documents d'ordre général produits par M. et Mme A...émanant du Conseil européen pour les réfugiés et les exilés, d'un article du Conseil de l'Europe du 27 novembre 2015 relatif à la préoccupation du commissaire aux droits de l'homme quant au respect des droits de l'homme en Hongrie dans le traitement des demandes d'asile, au demeurant postérieurs aux décisions attaquées, ne peuvent suffire à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Hongrie serait, par elle-même, à la date des décisions litigieuses, constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; qu'en l'espèce, M. et Mme A...se bornent à soutenir qu'en raison des conditions dans lesquelles les demandeurs d'asile sont traités et de l'absence de protection adéquate, du fait de l'ineffectivité du droit d'asile, leur droit d'asile sera méconnu ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande d'admission au séjour au titre de l'asile du 29 janvier 2015 ainsi que de leur entretien individuel du 18 février 2015 que M. et Mme A...n'ont aucunement fait état de mauvais traitements en Hongrie et de ce que les conditions dans lesquelles leurs demandes d'asile seraient examinées par les autorités hongroises méconnaîtraient gravement et manifestement les obligations qu'impose le respect du droit d'asile ; que, par suite, les allégations de M. et MmeA..., qui ne sont étayées par aucun élément de fait précis, ne sauraient être regardées comme suffisamment probantes pour établir qu'il existait, à la date des décisions attaquées, un risque sérieux que leurs demandes d'asile ne soient pas traitées par les autorités hongroises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté ;

Sur les décisions d'assignation à résidence :

21. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 21 août 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Haut-Rhin le même jour, le préfet du Haut-Rhin a donné à M. C..., directeur de la réglementation et des libertés publiques de la préfecture, délégation à l'effet de signer notamment les décisions en matière de police des étrangers au nombre desquelles figurent les décisions en litige ; que par cet arrêté, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à l'effet de signer ces mêmes décisions à M. D..., chef du service de l'immigration de la préfecture, signataire des décisions contestées, en cas d'absence ou d'empêchement de M. C... ; que les requérants n'établissent pas que M. C... n'aurait pas été absent ou empêché à la date des décisions en litige ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit être écarté ;

22. Considérant, en deuxième lieu, que les décisions en litige, après avoir notamment visé le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et plus particulièrement l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnent le parcours des intéressés, les décisions de refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile, le fait que les autorités hongroises ont été saisies d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18 (1) b du règlement 604/2013 et que dans l'attente de leur départ pour la Hongrie, une mesure d'assignation à résidence est appropriée et proportionnée au regard de leur situation administrative ; que, ces décisions comportent les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont ainsi suffisamment motivées ;

23. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, par dérogation à l'article L. 551-1, dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger doit être remis aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ; / (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une interdiction judiciaire ou administrative du territoire prononcés en tout point du territoire de la République peut, quel que soit l'endroit où il se trouve, être astreint à résider dans des lieux choisis par l'autorité administrative dans l'ensemble du territoire de la République. L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article L. 611-2. Si l'étranger présente une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, l'autorité administrative peut le faire conduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu'aux lieux d'assignation " ; qu'aux termes L. 551-1 du même code : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ;

24. Considérant, d'une part, qu'il ressort des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles les décisions en litige sont fondées que l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1 du même code, qu'il se soustraie à cette obligation ; qu'il suit de là que M. et Mme A... ne peuvent invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant la situation d'un étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, les arrêtés attaqués n'étant pas fondés sur ces dispositions ;

25. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'éloignement de M. et Mme A...était susceptible d'intervenir dans une perspective raisonnable et que les intéressés présentaient des garanties propres à prévenir le risque qu'ils se soustraient à cette mesure ; qu'en outre, M. et Mme A... n'établissent pas que leur état de santé serait incompatible avec une assignation à résidence ; que, par suite, et alors que la circonstance que les requérants ne présenteraient pas de risque de fuite est sans incidence sur la légalité des arrêtés attaqués, ces décisions n'ont pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

26. Considérant, en dernier lieu, que l'article L. 561-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ses dispositions applicables à une mesure d'assignation à résidence prise sur le fondement de l'article L. 561-2 du même code, énonce que : " (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 561-2 de ce code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1, de l'article L. 561-2 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence " ;

27. Considérant que contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en disposant que l'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 du même code est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence n'a pas apporté de limitation à la restriction de la liberté d'aller et de venir qui n'auraient pas été prévues par les dispositions législatives précitées ;

Sur l'obligation de présentation :

28. Considérant que M. et Mme A...ont été astreints à une obligation de présentation quotidienne à la préfecture du Haut-Rhin à Colmar pour une durée limitée à quarante-cinq jours, à l'exception des dimanches et jours fériés ou chômés, dans l'attente de l'exécution des décisions de remise aux autorités hongroises prises à leur encontre ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A...sont hébergés à Colmar, à proximité de la préfecture, qui est aisément accessible par les transports en commun ; que M. A... n'établit pas que son handicap ne lui permettrait pas de se présenter quotidiennement à la préfecture ; qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., qui s'est présentée spontanément aux services de la préfecture à la date de la décision en litige, n'a pas fait état de problèmes de santé qui feraient obstacle à tout déplacement et que son hospitalisation et sa fausse couche sont intervenues postérieurement à la décision attaquée ; que, dès lors, l'obligation de présentation à laquelle ont été astreints M. et Mme A...ne saurait être regardée comme une mesure de surveillance disproportionnée et ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d'aller et de venir des requérants ;

29. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. et Mme A... tendant à l'annulation des décisions portant refus d'admission provisoire au séjour du 13 mars 2015 ainsi que des décisions du 27 avril 2015 les assignant à résidence doivent être rejetées ; que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet du Haut-Rhin du 13 mars 2015 décidant leur remise aux autorités hongroises ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. et Mme A... à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Les jugements n° 1502250 et n° 1502255 du 30 avril 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg sont annulés en tant qu'ils ont statué sur les conclusions de M. et Mme A...dirigées contre les décisions portant refus d'admission provisoire au séjour et les assignant à résidence.

Article 2 : Les conclusions des demandes de M. et Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation des décisions du préfet du Haut-Rhin du 13 mars 2015 refusant leur admission provisoire au séjour et les décisions du préfet du 27 avril 2015 les assignant à résidence, ainsi que le surplus des conclusions des requêtes présentées par M. et Mme A...devant la cour administrative d'appel de Nancy sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

Nos 16NC00329, 16NC00330


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00329
Date de la décision : 15/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-11-15;16nc00329 ?
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