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27/09/2016 | FRANCE | N°15NC00887

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2016, 15NC00887


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 26 juin 2013 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a rejeté la demande de regroupement familial qu'il avait présentée au profit de son épouse et leurs trois enfants ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par une ordonnance n° 1400227 du 23 mars 2015, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.

Procéd

ure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 mai et le 1er d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 26 juin 2013 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a rejeté la demande de regroupement familial qu'il avait présentée au profit de son épouse et leurs trois enfants ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par une ordonnance n° 1400227 du 23 mars 2015, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 mai et le 1er décembre 2015 et le 17 mai 2016, M. B... C...représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg du 23 mars 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision prise à son encontre le 26 juin 2013 par le préfet du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de faire droit à sa demande de regroupement familial présentée au profit de son épouse et leurs trois enfants mineurs, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 196 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande de première instance n'était pas tardive ;

- il pourra disposer d'un logement du parc social adapté à la taille de sa famille lorsque son épouse et ses enfants seront présents sur le territoire français et que ses ressources augmentent ;

- il subit une discrimination dès lors que la modulation des ressources en fonction du nombre de membres au sein de la famille n'est applicable qu'aux ressortissants étrangers ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2016, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par décision du 10 septembre 2015, le président de la section administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public.

1. Considérant que, par une décision du 26 juin 2013, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par M. C... au bénéfice de son épouse et de leurs trois enfants mineurs ; que M. C...relève appel de l'ordonnance du 23 mars 2015 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et du rejet implicite de son recours gracieux comme manifestement irrecevable ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ; qu'aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 susvisé : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant une juridiction du premier degré (...), l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné " ;

3. Considérant qu'il est constant que, par une décision du 26 juin 2013, notifiée le 4 juillet suivant, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par M. C... ; que, le 2 septembre 2013, M. C... a formé contre cette décision un recours gracieux qui a été implicitement rejeté le 2 novembre 2013 ; que le délai de recours contentieux contre cette décision implicite de rejet expirait le 3 janvier 2014 ; qu'il ressort des pièces produites pour la première fois en appel que le requérant a sollicité, le 18 décembre 2013, le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour saisir le juge d'une demande d'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; que cette saisine du bureau d'aide juridictionnelle a interrompu le délai de recours contentieux ; que le bureau d'aide juridictionnelle a accordé au requérant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2014 ; que sa demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 17 janvier 2014, soit dans le nouveau délai de recours contentieux, était par suite recevable ; que, dès lors, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande de première instance, comme tardive et irrecevable ; qu'il s'ensuit que cette ordonnance est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorisation d'entrer en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial est donnée par l'autorité administrative compétente après vérification des conditions de logement et de ressources par le maire de la commune de résidence de l'étranger ou le maire de la commune où il envisage de s'établir. Le maire, saisi par l'autorité administrative, peut émettre un avis sur la condition mentionnée au 3° de l'article L. 411-5. Cet avis est réputé rendu à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication du dossier par l'autorité administrative " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le dossier de la demande de regroupement familial présentée par M. C...a été transmis au maire de Strasbourg par un courrier du 11 mars 2013 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait statué sur cette demande à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

Sur la légalité interne de la décision :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième (...) ; 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique " ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; - cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus " ; qu'aux termes de l'article R. 411-5 du même code : " Pour l'application du 2° de l'article L. 411-5, est considéré comme normal un logement qui : 1° Présente une superficie habitable totale au moins égale à : (...) en zone B : 24 m2 pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de 10 m2 par personne jusqu'à huit personnes et de 5 m2 par personne supplémentaire au-delà de huit personnes " ;

7. Considérant, en premier lieu, que M. C...soutient que les dispositions précitées, dès lors qu'elles prévoient la majoration des ressources exigées du demandeur en fonction du nombre de personnes composant la famille, introduisent une discrimination en ce qu'elles ne sont applicables qu'aux seuls ressortissants étrangers ; que la procédure de regroupement familial n'étant ouverte qu'aux ressortissants étrangers séjournant régulièrement en France et désireux d'être rejoints par leur famille, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définissant et encadrant cette procédure ne peuvent, par définition, être applicables aux ressortissants français qui ne se trouvent pas dans la même situation ; que, par suite, le moyen tiré de l'existence d'une discrimination doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que si M. C... fait valoir que ses ressources ont nettement progressé au cours de l'année précédant la décision en litige, il ressort des pièces du dossier que la moyenne des revenus qu'il a perçus au cours des douze mois précédant cette décision s'élève à 738 euros, soit à un niveau inférieur à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance majorée d'un dixième ; qu'il n'établit donc pas que le préfet aurait commis une erreur dans l'appréciation de ses ressources ;

9. Considérant, en troisième lieu, que M. C...ne conteste pas que la superficie du logement qu'il occupait à la date de sa demande était inférieure à la surface de 54 m2, superficie correspondant au seuil défini pour un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même zone géographique ; que s'il indique qu'il aurait pu disposer à la date de l'arrivée de sa famille d'un logement d'une surface suffisante, les pièces qu'il produit ne sont pas de nature à l'établir ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

11. Considérant que si M. C... soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux sont désormais en France, il ressort des pièces du dossier que son épouse, dont il est séparé depuis son entrée sur le territoire français en 2006, réside au Rwanda et que deux de leurs enfants sont depuis lors devenus majeurs ; que, compte tenu de ces éléments, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est fondé à demander l'annulation ni de la décision du préfet du Bas-Rhin du 26 juin 2013 rejetant sa demande de regroupement familial, ni de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n°1400227 du 23 mars 2015 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 15NC00887


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00887
Date de la décision : 27/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Conclusions - Interprétation de la requête.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SCP KLING ET BARBY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-09-27;15nc00887 ?
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