Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...D..., Mme J...D...et M. G...D...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser, chacun, une somme de 71 201,64 euros en réparation des préjudices résultant du décès de Mme C...D..., leur épouse et mère.
Appelée en la cause, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Meurthe-et-Moselle a également demandé à ce tribunal de condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser la somme de 6 962 euros au titre des débours exposés ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1102273 du 27 novembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a condamné le centre hospitalier universitaire de Nancy ainsi que l'ONIAM à verser, chacun, une somme de 63 978,30 euros aux consortsD.... Les premiers juges ont également condamné le centre hospitalier universitaire de Nancy à verser à la CPAM de Meurthe-et-Moselle une somme de 6 962 euros au titre des débours exposés et de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Ils ont enfin mis solidairement à la charge du centre hospitalier universitaire de Nancy et de l'ONIAM les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 070 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2015, le centre hospitalier universitaire de Nancy, représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 27 novembre 2014 ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par les consorts D...devant le tribunal administratif en tant qu'elles sont dirigées contre le centre hospitalier universitaire de Nancy ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu deux fautes pour engager sa responsabilité ; l'indication opératoire de néphrectomie gauche était licite compte tenu des circonstances ; ce ne sont pas un mais deux clips qui ont été posés sur l'artère rénale, aucune faute ne pouvant dès lors être retenue à son encontre du fait de la ligature de cette artère ;
- si la cour s'estimait insuffisamment informée, il conviendrait de soumettre à un collège d'experts deux questions : a) L'indication de néphrectomie était-elle licite et indiquée en l'espèce ' b) Combien de clips sont présents sur l'artère rénale, à partir du cliché pris à la fin de l'intervention '
Par un mémoire enregistré le 8 mai 2015, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me H..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné à indemniser les consorts D...au titre de la solidarité nationale ;
3°) au rejet des conclusions présentées par les consorts D...devant le tribunal administratif en tant qu'elles sont dirigées contre l'office et à ce qu'il soit mis hors de cause ;
4°) à titre subsidiaire, à ce que la part des préjudices mise à la charge de l'office n'excède pas 20 %.
L'office soutient que :
- le centre hospitalier universitaire de Nancy a commis trois fautes ; l'indication de néphrectomie gauche n'était pas justifiée ; la réalisation de cette opération est également fautive, le choix de la voie d'abord n'étant pas adéquat ; enfin, constitue aussi une faute la ligature insuffisante de l'artère rénale ;
- le décès de Mme D...est exclusivement imputable à ces fautes, en particulier au choix non indiqué de réaliser l'ablation du rein gauche ;
- si l'aléa thérapeutique était retenu, la part des préjudices mise à la charge de l'office ne saurait excéder 20 %.
Par deux mémoires, enregistrés le 11 mai 2015 et le 10 juin 2015, M. F... D..., Mme J... D...et M. G...D..., représentés par MeI..., concluent :
1°) à titre principal, au rejet de la requête du centre hospitalier universitaire de Nancy et des conclusions d'appel incident présentées par l'ONIAM ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que l'intégralité des préjudices soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Nancy, soit la somme de 127 956,60 euros, ainsi que les frais d'expertise ;
3°) à la réformation du jugement en tant qu'il a limité les frais d'expertise mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Nancy et de l'ONIAM à une somme de 4 070 euros et à ce que cette somme soit portée à 4 583 euros ;
4°) à ce que soit mise solidairement à la charge du centre hospitalier universitaire de Nancy et de l'ONIAM ou, s'il était fait droit aux conclusions subsidiaires, à la charge du seul centre hospitalier, une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- le centre hospitalier universitaire de Nancy a commis plusieurs fautes ; l'indication de néphrectomie n'était pas opportune ; la ligature de l'artère rénale n'a pas été réalisée conformément aux règles de l'art ; le choix de la voie d'abord n'était pas opportun ; le suivi post-opératoire de la patiente a été insuffisant ; la dialyse réalisée au lendemain de la troisième intervention n'était pas indiquée ;
- les conditions de mise en oeuvre de la solidarité nationale sont réunies en l'espèce ; le décès de MmeD..., conséquence grave et anormale de l'opération subie le 12 janvier 2009, est en lien direct et certain avec ce geste chirurgical ;
- à titre subsidiaire, si la cour considère que les conditions de mise en oeuvre de la solidarité nationale ne sont pas remplies, le centre hospitalier universitaire de Nancy sera condamné à les indemniser de l'intégralité des préjudices subis.
Par un mémoire, enregistré le 12 mai 2015, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Meurthe-et-Moselle, représentée par MeB..., conclut :
1°) au rejet de la requête du centre hospitalier universitaire de Nancy ainsi que des conclusions d'appel incident présentées par l'ONIAM ;
2°) à la réformation du jugement en tant qu'il limite à 1 028 euros la somme mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Nancy au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à ce que cette somme soit portée à 1 037 euros ;
3°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Nancy une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- les débours qu'elle a exposés en lien avec les fautes médicales en cause s'élèvent à une somme totale de 17 405 euros ; elle est bien fondée à demander au centre hospitalier universitaire de Nancy le remboursement de 40 % de cette somme, soit 6 962 euros ;
- le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion doit être réévalué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs, premier conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me E...pour le centre hospitalier universitaire de Nancy, de Me A..., substituant MeI..., pour les consorts D...et de Me B...pour la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle.
Une note en délibéré, présentée pour les consorts D...par MeI..., a été enregistrée le 20 juin 2016.
1. Considérant que Mme C...D..., née le 6 septembre 1954, épouse de M. F...D...et mère de Mme J...D...et de M. G...D..., souffrait d'insuffisance rénale chronique terminale et était inscrite à un programme de transplantation rénale ; qu'au cours d'un examen préalable à une future transplantation, une tache suspecte a été décelée sur son rein gauche ; qu'une néphrectomie a été réalisée au centre hospitalier universitaire de Nancy le 12 janvier 2009 ; que dans les suites de cette première intervention, une deuxième opération pour traiter un hématome intra-abdominal a été réalisée le 22 janvier 2009 ; que l'intéressée a été opérée une troisième fois le 29 janvier suivant en raison d'un hématome du muscle grand droit avec saignement actif de l'artère épigastrique ; que le 30 janvier 2009, Mme D...est décédée au cours d'une séance de dialyse ; que l'expert commis par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nancy en date du 28 janvier 2010 a remis son rapport le 23 avril 2010 ; que ce tribunal, par un jugement avant dire droit du 9 juillet 2013, a ordonné une seconde expertise dont le rapport a été remis le 9 juillet 2014 ; que par le jugement du 27 novembre 2014 dont il est relevé appel, le tribunal administratif de Nancy a condamné le centre hospitalier universitaire de Nancy ainsi que l'ONIAM à verser chacun une somme de 63 978,30 euros aux consortsD... ; que les premiers juges ont également condamné le centre hospitalier universitaire de Nancy à verser à la CPAM de Meurthe-et-Moselle une somme de 6 962 euros au titre des débours exposés et de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 625-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une question technique ne requiert pas d'investigations complexes, la formation de jugement peut charger la personne qu'elle commet de lui fournir un avis sur les points qu'elle détermine. Elle peut, à cet effet, désigner une personne figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9. Elle peut, le cas échéant, désigner toute autre personne de son choix. Le consultant, à qui le dossier de l'instance n'est pas remis, n'a pas à opérer en respectant une procédure contradictoire à l'égard des parties. / L'avis est consigné par écrit. Il est communiqué aux parties par la juridiction. / Les dispositions des articles R. 621-3 à R. 621-6, R. 621-10 à R. 621-12-1 et R. 621-14 sont applicables aux avis techniques " ;
3. Considérant que le rapport d'expertise remis le 9 juillet 2014 indique que, lors de la néphrectomie réalisée le 12 janvier 2009, " il semble qu'un seul clip Hémolock ait été mis en place au niveau du côté proximal sur l'aorte alors qu'il est recommandé d'en mettre deux " ; que les experts précisent que le compte rendu opératoire fait mention de la mise en place sur l'artère rénale d'un seul clip ; que le centre hospitalier universitaire de Nancy soutient toutefois avoir retrouvé, en raison de la mise en place d'un nouveau système d'archivage, des images radiologiques prises lors du scanner réalisé le 29 janvier 2009 et qui n'ont pu être soumises aux experts ; que ces clichés démontreraient " la présence de deux clips sur le moignon de l'artère rénale gauche ainsi que la position des clips à distance de l'ostium de l'artère " ;
4. Considérant que l'interprétation de ces images radiologiques, versées au dossier par le centre hospitalier universitaire de Nancy, constitue une question technique déterminante pour la solution du litige ; qu'elle est en effet nécessaire à la cour pour pouvoir statuer sur le principe de l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier comme, le cas échéant, sur la part de responsabilité qui lui incombe ; qu'il y a lieu pour la cour, en conséquence, de solliciter l'avis technique prévu par les dispositions de l'article R. 625-2 du code de justice administrative ; que le professeur Jacques Azorin, chirurgien exerçant à l'hôpital Avicenne (93 000), auquel sera transmise une copie des images radiologiques en date du 29 janvier 2009, indiquera si ces images permettent d'identifier le nombre de clips présents sur l'artère rénale gauche ; qu'en cas de réponse positive, il précisera si un seul clip ou deux clips ont été mis en place au cours de la néphrectomie réalisée le 12 janvier 2009 ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de solliciter l'avis technique mentionné au point 4 avant de statuer sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Nancy et de réserver jusqu'en fin d'instance les droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt ;
D E C I D E
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête du centre hospitalier universitaire de Nancy et sur les conclusions présentées par l'ONIAM, les consorts D...et la CPAM de Meurthe-et-Moselle, demandé au professeur Jacques Azorin un avis technique relatif à l'interprétation des images radiologiques en date du 29 janvier 2009 produites par le centre hospitalier universitaire de Nancy. Le professeur Azorin, auquel ces images seront communiquées, indiquera si elles permettent d'identifier le nombre de clips présents sur l'artère rénale gauche et, en cas de réponse positive, si un seul ou deux clips ont été mis en place au cours de la néphrectomie réalisée le 12 janvier 2009.
Article 2 : L'avis sera consigné par écrit et transmis à la cour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Les frais relatifs à l'avis ainsi que tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire régional de Nancy, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, à M. F... D..., à Mme J...D..., à M. G...D...et au professeur Jacques Azorin.
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N° 15NC00101