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23/06/2016 | FRANCE | N°15NC00197

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 15NC00197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ;

Par un jugement n° 1103135 du 27 novembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 26 avri

l 2016, M. et MmeC..., représentés par Me B...puis par Mes Clavel et Kauffmann, demandent à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ;

Par un jugement n° 1103135 du 27 novembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 26 avril 2016, M. et MmeC..., représentés par Me B...puis par Mes Clavel et Kauffmann, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103135 du tribunal administratif de Strasbourg du 27 novembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État les dépens, ainsi qu'une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- les impositions en litige sont intervenues au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'administration, qui avait connaissance de la participation de M. C...à des jeux d'argent avant l'engagement de l'examen de leur situation fiscale personnelle, ne pouvait plus faire application de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales et mettre en oeuvre une telle procédure mais était tenue d'engager une vérification de comptabilité ;

- la procédure d'imposition n'a pas respecté le délai de soixante jours, prévu à l'article L. 12 alinéa 6 du livre des procédures fiscales pour permettre au contribuable de produire ses comptes bancaires et a méconnu le devoir de loyauté s'imposant à l'administration ; ce faisant, le vérificateur a également méconnu le délai de onze jours prévu à l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, donnant un caractère contraignant à l'examen de leur situation fiscale personnelle ;

- en application des articles L. 68 et L. 73 du livre des procédures fiscales, le vérificateur était tenu de mettre en demeure M. C...de procéder aux formalités d'inscription dans un centre de formalités des entreprises ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- faute de démontrer l'existence d'une activité occulte, l'administration ne pouvait régulièrement faire application de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration fiscale ne pouvait régulièrement vérifier leurs comptes bancaires suisses ainsi que ceux de la société NRJ Proodoos ;

- l'administration a procédé irrégulièrement à un commencement de vérification de comptabilité d'une société suisse ne possédant pas d'établissement stable en France ;

- les éléments obtenus irrégulièrement lors de la garde à vue de M. C...affectent la régularité de la procédure et le bien-fondé des impositions en litige dès lors qu'ils constituent le support nécessaire des rehaussements ;

- M. C...a participé malgré lui à des cercles de jeux d'argent sans les avoir organisés ;

- l'administration n'établit ni que ses activités y étaient illicites, ni l'existence d'une discordance entre leurs revenus déclarés et leur situation patrimoniale, leur situation de trésorerie ou les éléments de leur train de vie ;

- les revenus dégagés par M. C...l'ont été sur le territoire suisse et allemand, de sorte qu'ils sont imposables sur le territoire de ces États en application des conventions fiscales signées par la France avec l'Allemagne et la Suisse ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la société NRJ Proodoos a une activité réelle ;

- les sommes figurant au crédit des comptes bancaires suisses de la société NRJ Proodoos proviennent dans une large mesure des économies de M. et Mme C...et, pour un montant de 166 000 euros, des remboursements de prêts que ces derniers avaient consentis à des amis suisses ;

- si l'administration estime que M. C...s'est livré à une activité relevant des bénéfices non commerciaux, il lui appartenait d'admettre en déduction les sommes investies pour être admis dans les différents cercles de jeu ;

- dès lors que M. C...n'a pas organisé de cercles d'argent, l'administration n'est pas fondée à appliquer une majoration de 80 % pour activité occulte ;

- ces mêmes pénalités, fondées sur des faits d'organisation, et non de participation, à des cercles de jeux, ne sont en conséquence pas suffisamment motivées ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2015 et un mémoire complémentaire, enregistré le 17 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- lorsque l'administration a connaissance de l'activité occulte du contribuable à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire et que les informations relatives à cette activité ont été obtenues postérieurement à la réception par l'intéressé d'un avis d'examen de sa situation fiscale personnelle, la découverte de l'activité occulte est regardée comme intervenue au cours de cet examen au sens de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales, de sorte que l'administration n'est pas tenue de diligenter une vérification de comptabilité ;

- la circonstance que l'administration ne démontre pas l'existence d'une activité occulte demeure sans incidence sur la régularité de la procédure ;

- l'administration était en droit d'examiner les documents bancaires d'une société suisse dans le cadre des droits qu'elle tire des articles L. 82 C, L. 101 et R. 101-1 du livre des procédures fiscales ;

- en cas d'activité occulte, l'administration est en droit d'imposer d'office les bénéfices d'un contribuable sans mise en demeure préalable ;

- le service n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors qu'il a communiqué l'ensemble des documents, à l'exception des documents fournis par l'autorité judiciaire, laquelle lui a opposé un refus de transmission ;

- les requérants ne démontrent pas que la garde à vue de M. C...a été déclarée irrégulière par une autorité judiciaire ; en tout état de cause, le service s'est fondé sur ses propres investigations ;

- dès lors que M. C...a participé au développement de cercles d'argent en France, en Suisse et en Allemagne et contribué au recrutement de nouveaux adhérents, ce qui suppose un rôle actif dans l'organisation des jeux, il doit être regardé comme ayant exercé de façon illicite une activité lucrative dont les recettes sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

- sa participation à ces cercles est considérée comme une activité occulte en application des dispositions de l'article L. 169 alinéa 2 du livre des procédures fiscales ;

- les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir l'exagération de l'évaluation du bénéfice non commercial à laquelle le service a procédé ;

- l'application des majorations de 80 % est justifiée dès lors que M. C...s'est livré à une activité occulte.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia,

- et les conclusions de Mme Guidi, rapporteur public.

1. Considérant qu'au cours de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et MmeC..., portant sur les années 2006 et 2007, l'administration fiscale a reçu communication de l'autorité judiciaire, en application des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, d'une part des éléments de l'information judiciaire menée à l'encontre de M. C... révélant son implication dans une affaire de cercles d'argent, d'autre part des copies des relevés de comptes bancaires ouverts au nom des requérants ainsi qu'au nom de la société NRJ Proodoos, dont M. C... est l'unique associé ; qu'au vu de ces éléments, l'administration a estimé que M. C... avait exercé, de manière occulte, une activité d'organisation et de développement de cercles d'argent, en France, en Allemagne et en Suisse et a imposé les recettes provenant de cette activité dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que l'administration, procédant par la voie d'évaluation d'office, a estimé ces gains aux sommes de 314 235 euros en 2006 et 58 160 euros en 2007 ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 27 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, de tout ou partie des impositions supplémentaires ainsi mises à leur charge ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; que l'obligation ainsi faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé ; que cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux ; que, par suite, au cas notamment où les documents que le contribuable demande sont détenus non par l'administration fiscale, qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé vers cette autorité ; qu'en revanche, au cas où l'administration, dans l'exercice de son droit de communication, a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l'intégralité de ces copies à la disposition du contribuable ; que, cependant, les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, comme celles que prévoit l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet ; que peuvent, dès lors, être régulièrement établis des redressements fondés sur des documents dont les copies détenues par les services fiscaux n'ont été communiquées au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un tel secret ;

3. Considérant que les requérants font valoir que le service a refusé de faire droit à leur demande formulée par courrier du 11 janvier 2010 tendant à la communication de l'ensemble des documents issus du dossier pénal de M.C..., notamment des procès-verbaux d'audition de l'intéressé ; qu'il résulte de l'instruction, notamment de la réponse du 17 février 2010 faite par le service aux observations de M. et Mme C...concernant les rectifications proposées, que si ledit service leur a effectivement communiqué un ensemble de documents, il a expressément refusé de leur communiquer les éléments fournis par l'autorité judiciaire au seul motif que " l'autorité judiciaire n'a pas autorisé le service à communiquer ces éléments " ; que ce faisant, l'administration, qui a implicitement mais nécessairement reconnu être en possession de ces documents, lesquels ont été utilisés, comme l'attestent les mentions de la proposition de rectification du 22 décembre 2009, pour procéder aux redressements litigieux, n'a pas justifié légalement son refus de communiquer l'intégralité des documents sollicités ; qu'ainsi, M. et Mme C... sont fondés, pour la première fois en appel, à soutenir que l'administration n'a pas respecté l'obligation résultant des dispositions de l 'article L. 76 B du livre des procédures fiscales de leur communiquer, avant mise en recouvrement, la copie des documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions litigieuses ; que cette omission, qui a privé les contribuables d'une garantie, vicie la régularité de la procédure d'imposition ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ;

Sur les conclusions au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme demandée par M. et Mme C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'en l'absence de dépens, les conclusions présentées par M. et Mme C... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : M. et Mme C...sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007.

Article 2 : Le jugement n° 1103135 du tribunal administratif de Strasbourg du 27 novembre 2014 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...et au ministre des finances et des comptes publics.

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15NC00197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00197
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Personnes physiques imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: Mme GUIDI
Avocat(s) : ALSACE OMNIJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-23;15nc00197 ?
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