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01/03/2016 | FRANCE | N°14NC00742

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 01 mars 2016, 14NC00742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la communauté de communes de Bischwiller à lui verser la somme de 105 962,74 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation du marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la création d'une maison des services à Bischwiller.

Par un jugement n° 0903590 du 20 février 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la communauté de communes de Bischwiller à vers

er à M. C...la somme de 85 294,32 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la communauté de communes de Bischwiller à lui verser la somme de 105 962,74 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation du marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la création d'une maison des services à Bischwiller.

Par un jugement n° 0903590 du 20 février 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la communauté de communes de Bischwiller à verser à M. C...la somme de 85 294,32 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2009.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 24 avril, 16 mai, 25 juin 2014, 15 décembre 2015 et 26 janvier 2016, la communauté de communes de Bischwiller, représentée par la SELARL Soler-Couteaux / Llorens, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 février 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...C...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M. C...le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. C...ne peut demander que l'indemnisation de son propre préjudice ;

- M. C...n'a pas démontré avoir eu des chances sérieuses de remporter le marché, d'autant que le jury du concours a considéré que son offre de prix n'était pas réaliste ;

- il ne pourrait prétendre qu'à l'indemnisation de son manque à gagner et non des honoraires qu'il aurait perçus en cas d'exécution du marché ;

- le montant accordé par le tribunal administratif est surévalué et ne donne pas lieu à taxe sur la valeur ajoutée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 août et le 30 décembre 2015, M. A... C..., représenté par MeB..., demande à la cour de :

1°) rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la communauté de communes de Bischwiller à lui verser la somme de 77 211,15 euros HT, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2009 et d'ordonner la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Bischwiller le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande indemnitaire était limitée à son propre préjudice ;

- il avait des chances sérieuses de remporter le marché et a donc droit à être indemnisé de son manque à gagner qui peut être évalué à la somme de 85 294,32 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la communauté de communes de Bischwiller.

1. Considérant que la communauté de communes de Bischwiller a organisé en 2005 un concours pour la passation d'un marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la création d'une maison des services ; que M. A...C..., architecte, a présenté sa candidature à ce concours au sein d'un groupement ; que ce groupement a été admis à présenter une offre qui a été éliminée après avoir été classée en deuxième position ; qu'à la suite de l'annulation par le tribunal administratif de Strasbourg des délibérations des 27 mars et 16 mai 2006 par lesquelles le conseil communautaire de la communauté de communes a approuvé le projet de création d'une maison des services présenté par le cabinet Toa, a décidé d'attribuer le marché à cette société et a autorisé le président de la communauté de communes à signer le marché, M. C... a demandé à être indemnisé de son préjudice propre résultant de son éviction de ce concours ; que, par un jugement du 20 février 2014, dont elle relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la communauté de communes de Bischwiller à verser à M. C... la somme de 85 294,32 euros ;

2. Considérant que lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'elle est la cause directe de l'éviction du candidat et, par suite, qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation ;

3. Considérant que par jugement du 5 février 2009, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les délibérations du conseil communautaire des 27 mars et 16 mai 2006 portant approbation du projet présenté par le cabinet Toa architectes, attribution du marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la création d'une maison des services à ce cabinet et autorisant le président de la communauté de communes de Bischwiller et environs à signer ce contrat au motif que la communauté de communes n'avait ni pondéré ni hiérarchisé les critères de choix des offres dans le cadre de la passation de ce marché ; que cette irrégularité ayant entaché la procédure a nécessairement eu une incidence sur la présentation des offres par les candidats et, par suite, sur le choix des offres ; qu'il existe ainsi un lien direct entre la faute résultant de cette irrégularité et le préjudice dont M. C..., concurrent évincé, demande l'indemnisation ;

4. Considérant que lorsque le candidat irrégulièrement évincé n'était pas dépourvu de toute chance de remporter le contrat, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre ; que s'il avait des chances sérieuses d'emporter le contrat, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre ; que ce manque à gagner doit être déterminé en prenant en compte le bénéfice net qu'aurait procuré ce marché à l'entreprise ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 53 du code des marchés publics dans sa version alors en vigueur : " Les offres non conformes à l'objet du marché sont éliminées " ; que doivent ainsi être rejetées les offres irrégulières qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, sont incomplètes ou ne respectent pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation et les offres qui, si les conditions prévues pour leur exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer, sont inacceptables ;

6. Considérant, en premier lieu, que le programme technique détaillé du projet prévoyait que " le montant maximum des travaux arrêté par le maître d'ouvrage est de 1 500 000 euros HT " et précisait qu'il s'agissait du " montant maximal que le maître d'ouvrage pourra engager " ; que, d'une part, il résulte de l'instruction que cette estimation du montant des travaux par le maître d'ouvrage était sous-évaluée ; que, d'autre part, aucun élément ne permet d'établir que la communauté de communes de Bischwiller n'aurait pas eu les capacités budgétaires suffisantes pour financer l'exécution d'un marché de travaux d'un montant supérieur à cette estimation initiale ; qu'il en résulte que, contrairement à ce que faisait valoir M. C...en première instance, la communauté de communes n'avait pas à rejeter l'offre du cabinet Toa comme étant inacceptable au motif qu'elle était supérieure à l'estimation du coût des travaux ;

7. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que le respect de l'enveloppe financière des travaux n'a pas été prescrit par la communauté de communes de Bischwiller comme un critère de régularité mais comme un critère de jugement des offres ; que, d'autre part, contrairement à ce que soutenait M. C...en première instance, l'offre de base du cabinet Toa prévoyait des places de stationnement pour le personnel et respectait donc les prescriptions du programme technique détaillé ; que, par suite, contrairement à ce que faisait valoir M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg, la communauté de communes n'avait pas non plus à rejeter l'offre du cabinet Toa comme étant irrégulière ;

8. Considérant, en troisième lieu, que les critères de sélection des offres étaient la conformité des prestations par rapport au règlement du concours, l'adéquation du projet au programme, l'insertion dans le site et la qualité de la réponse architecturale à la problématique posée, l'adéquation du projet à l'enveloppe financière prévue au programme et, enfin, le calendrier des études ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de la réunion du jury du 13 mars 2006, que le critère relatif à l'insertion dans le site et à la qualité de la réponse architecturale à la problématique posée avait une place prépondérante dans le choix des offres et aurait obtenu le plus fort coefficient de pondération dans l'hypothèse d'une procédure régulière ; qu'il résulte de ce procès-verbal que le projet proposé par M. C...posait plusieurs difficultés, notamment au regard du plancher en bois qui nécessitait le respect des normes antisismiques et rendait nécessaire la mise en place d'un équipement lourd, au regard de la signalisation et de la circulation des flux de visiteurs, au regard de l'estimation du coût des travaux jugée peu réaliste et enfin, qu'il manquait " d'élégance " ; que ce projet n'a d'ailleurs recueilli que trois voix sur quinze ; que, dans ces conditions, et en admettant même qu'il aurait obtenu la meilleure note au critère " adéquation du projet à l'enveloppe financière prévue au programme ", la communauté de communes de Bischwiller est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a considéré que M. C...avait été privé d'une chance sérieuse de se voir attribuer le contrat de maîtrise d'oeuvre en litige ;

9. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le droit à indemnité de M.C... ;

10. Considérant que M.C..., qui a été admis à présenter une offre et dont l'offre a été classée deuxième, n'était pas dépourvu de toute chance de remporter le marché ; qu'il est par suite en droit d'obtenir le remboursement des frais exposés pour présenter son offre ; que, toutefois, il n'établit ni même n'allègue que ces frais auraient excédé le montant de la prime de concours de 9 538 euros qui lui a été versée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes de Bischwiller est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à M. C...la somme de 85 294,32 euros ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes de Bischwiller, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. C...une somme de 1 000 euros à verser à la communauté de communes de Bischwiller sur le fondement des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 0903590 du 20 février 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : M. C...versera à la communauté de communes de Bischwiller une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de Bischwiller et à M. A... C....

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N° 14NC00742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00742
Date de la décision : 01/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SCP OSTER - PECQUEUR - KERN - VIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-03-01;14nc00742 ?
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