Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1101283 du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2014, M. et MmeB..., représentés par la SELARL BK2A C...et Kopp associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 juillet 2014 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'accord transactionnel homologué par le conseil de prud'hommes de Strasbourg est un jugement statuant sur une demande d'un salarié fondée sur l'article L. 122-14-4 du code du travail tendant à la requalification de son licenciement économique en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s'impose aux parties et à l'administration, l'indemnise forfaitairement de tous dommages et intérêts en réparation de tous les préjudices, moral et financier, que Mme B...prétend avoir subis du fait de la rupture de son contrat de travail, et qui comporte des concessions réciproques ;
- ils peuvent se prévaloir sur le fondement de ce jugement d'homologation de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 80 duodecies du code général des impôts, qui comprennent les indemnités perçues au titre de l'article L. 122-14-4 du code du travail ;
- les dispositions des articles L. 122-14-4 et L. 122-14-5 du code du travail ne fixent pas une limite maximale au montant de l'indemnisation ;
- l'employeur de Mme B...a admis que le défaut de perspective de mise sur le marché de nouveaux produits pouvait s'analyser comme une éventualité et non comme une certitude, l'exposant ainsi à la qualification par le tribunal d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- la loi fiscale ne prévoit pas que le salarié doit justifier devant l'administration des dommages et intérêts négociés et obtenus avec son ancien employeur et homologués par le tribunal ;
- son embauche par la SAS RD-Pharmagal peu de temps après la fin de son contrat résulte d'un effet d'aubaine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de Me C...pour M. et MmeB....
1. Considérant que Mme B...était employée de l'entreprise Pharma Pass France en qualité de pharmacien chercheur ; qu'elle a fait l'objet d'un licenciement économique le 18 février 2004 avec effet à compter du 30 avril 2004 ; qu'après avoir contesté la réalité du motif économique de son licenciement, Mme B...a conclu une transaction le 28 mai 2004 avec son ancien employeur, qui a été homologuée par le conseil de prud'hommes de Strasbourg le 13 janvier 2005, par laquelle elle s'engageait à renoncer à l'action juridictionnelle en cours moyennant la perception d'une somme brute de 171 717 euros ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Pharma Pass France, l'administration fiscale a soumis à l'impôt sur le revenu la fraction de la somme précitée excédant la somme de 9 603 euros, correspondant aux six derniers mois de salaires de Mme B... ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 24 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ainsi que des majorations correspondantes ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " Sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81, constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception (...) des indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du même code " ; qu'aux termes de l'article L. 122-14-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Si le licenciement d'un salarié survient sans observation de la procédure requise à la présente section, mais pour une cause réelle et sérieuse, le tribunal saisi doit imposer à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorder au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ; si ce licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le tribunal peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; en cas de refus par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie au salarié une indemnité. Cette indemnité, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité prévue à l'article L. 122-9 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 122-14-5 du code du travail : " A l'exception des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 122-14 relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, les dispositions de l'article L. 122-14-4 ne sont pas applicables aux licenciements des salariés qui ont moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et aux licenciements opérés par les employeurs qui occupent habituellement moins de onze salariés./ Les salariés mentionnés à l'alinéa précédent peuvent prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi " ; qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...)" ; que selon le point 28 de la documentation administrative de base référencée 5 F-1144 alors en vigueur, l'indemnité prévue en cas de licenciement abusif par l'article L. 122-14-5 en faveur des salariés qui ont moins de deux ans d'ancienneté ou dont l'entreprise occupe habituellement moins de onze salariés bénéficie également de l'exonération prévue à l'article 80 duodecies ;
3. Considérant que, pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité à la Constitution de cette disposition ;
4. Considérant qu'il résulte de la réserve d'interprétation dont la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité à la Constitution du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts que ces dispositions, qui définissent les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail bénéficiant, en raison de leur nature, d'une exonération totale ou partielle d'impôt sur le revenu, ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de l'exonération varie selon que l'indemnité a été allouée en vertu d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une transaction et qu'en particulier, en cas de transaction, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction ; qu'à cet égard, les sommes perçues par un salarié en exécution d'une transaction conclue avec son employeur à la suite d'une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail, devenu l'article L. 1235-3 du même code, que si le salarié apporte la preuve que cette prise d'acte est assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de faits de nature à justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur ; que, dans le cas contraire, la prise d'acte doit être regardée comme constitutive d'une démission et l'indemnité transactionnelle soumise à l'impôt sur le revenu ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société Pharma Pass France, qui employait moins de onze salariés et dont l'activité consistait en la recherche et le développement pharmaceutique ainsi que la commercialisation de techniques de production de médicaments, de produits cosmétiques et de produits diététiques, a licencié pour motif économique Mme B...alors que, ainsi que la salariée en apporte la preuve, le défaut de perspective de mise sur le marché de nouveaux produits invoqué par la société pour justifier de la rupture du contrat de travail de l'intéressée n'était qu'une simple éventualité ; qu'ainsi, et dès lors que la société Pharma Pass France ne connaissait pas de baisse de son activité économique et ne pouvait justifier de la nécessité de sauvegarder sa compétitivité économique, la rupture du contrat de travail de Mme B... est intervenue pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse ; que, par suite, l'indemnité qui lui a été versée sur le fondement de la transaction signée le 28 mai 2004 constitue une indemnité au sens de l'article L. 122-14-5 du code du travail alors en vigueur, qui relève du champ d'application de l'exonération prévue par les dispositions précitées du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts en vertu du point 28 de la documentation administrative de base référencée 5 F-1144 alors en vigueur dont Mme B...peut se prévaloir ;
6. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la volonté des parties telle qu'elle est exprimée dans la transaction signée le 28 mai 2004 et le jugement du conseil de prud'hommes de Strasbourg du 13 janvier 2005 qui homologue cette transaction en donnant acte aux parties de leur accord et constate leur désistement, ne lient ni l'administration ni le juge de l'impôt dans l'appréciation du préjudice déterminant le montant de l'indemnité susceptible de bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions précitées du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts ; qu'il résulte de l'instruction que MmeB..., dont le contrat de travail a pris fin avec la société Pharma Pass France le 30 avril 2004, a été embauchée dès le 3 mai 2004 par la société RD-Pharmagal, laquelle a été créée le 1er mai 2004 par un ancien dirigeant de la société Pharma Pass et s'est installée dans une partie des locaux utilisés antérieurement par la société Pharma Pass France à laquelle elle a racheté une partie du matériel ; que, dans ces conditions, Mme B...n'a connu aucune difficulté à retrouver un emploi ; que, par suite, et compte tenu notamment de l'ancienneté professionnelle de MmeB..., de son âge, des conditions de la rupture de son contrat de travail au regard notamment d'une atteinte à sa réputation professionnelle ou de tout autre conséquence à l'origine d'un préjudice moral dont elle ne justifie pas la réalité, l'administration fiscale n'a pas commis une erreur d'appréciation en ne retenant une exonération au titre des dispositions précitées du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts qu'à la hauteur de 9 603 euros ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B...et au ministre des finances et des comptes publics.
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N° 14NC01968