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28/01/2016 | FRANCE | N°14NC01712

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2016, 14NC01712


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 septembre 2011 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Est l'a placé en disponibilité d'office pour raison médicale, pour une période de trois mois, du 7 septembre 2011 au 6 décembre 2011, ainsi que l'arrêté 29 novembre 2011 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Est l'a placé en disponibilité d'office pour raison médicale, pour une période de trois

mois, du 7 décembre 2011 au 6 mars 2012.

Par un jugement n° 1105351-1200354 du 3 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 septembre 2011 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Est l'a placé en disponibilité d'office pour raison médicale, pour une période de trois mois, du 7 septembre 2011 au 6 décembre 2011, ainsi que l'arrêté 29 novembre 2011 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Est l'a placé en disponibilité d'office pour raison médicale, pour une période de trois mois, du 7 décembre 2011 au 6 mars 2012.

Par un jugement n° 1105351-1200354 du 3 juillet 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2014, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juillet 2014 ;

2) d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2011 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Est l'a placé en disponibilité d'office pour raison médicale, pour une période de trois mois, du 7 septembre 2011 au 6 décembre 2011 ;

3) d'annuler l'arrêté 29 novembre 2011 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Est l'a placé en disponibilité d'office pour raison médicale, pour une période de trois mois, du 7 décembre 2011 au 6 mars 2012 ;

4) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions en litige ont méconnu les articles 51 de la loi du 11 janvier 1984 et 43 du décret du 16 septembre 1985 ; il ne pouvait être placé en congé de maladie ordinaire dès lors que son état de santé dégradé est en lien avec l'accident de service du 24 août 2008 ;

- sa pathologie lui ouvrait droit aux congés prévus au 3° et 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. B...relève des dispositions spécifiques applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, lesquelles précisent que les absences au titre des congés de maladie ne peuvent excéder 365 jours au cours des quinze derniers mois ;

- il reprend à son compte les mémoires présentés en première instance par le préfet de la zone de défense et de sécurité Est ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, les premiers juges ayant omis de prononcer un non-lieu à statuer en ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du 29 novembre 2011 en tant qu'elle fixe la période de disponibilité de M. B...au-delà du 29 janvier inclus alors que cette décision a été partiellement rapportée par l'arrêté du 6 mars 2012.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 ;

- le décret n°85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n°95-654 du 9 mai 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fuchs,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., qui exerçait les fonctions de gardien de la paix dans la circonscription de sécurité publique de Colmar, a été blessé en service, le 24 août 2008, lors d'une interpellation ; que ses blessures, reconnues imputables au service par un arrêté préfectoral du 7 janvier 2009, ont été déclarées consolidées, sans invalidité, à compter du 26 août 2010 par le médecin conventionné de la police nationale ; que l'intéressé a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 16 septembre 2010 ; que le comité médical interdépartemental a reconnu le bien-fondé de ce placement en congé de maladie ordinaire le 22 février 2011 et en a autorisé la prolongation au-delà d'une période continue de six mois ; que, le 23 août 2011, cette même instance a rendu un avis favorable au placement en disponibilité d'office de M. B...pour une durée de trois mois à compter du 7 septembre 2011 ; que, par un premier arrêté du 5 septembre 2011, le préfet de la zone de défense et de sécurité Est l'a placé en disponibilité d'office pour raison médicale, pour une période de trois mois, à compter du 7 septembre 2011 ; qu'à la suite de l'avis favorable émis par le comité médical le 22 novembre 2011, le préfet de la zone de défense et de sécurité Est, par un second arrêté du 29 novembre 2011, a prolongé cette disponibilité du 7 décembre 2011 au 6 mars 2012 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 6 mars 2012 devenu définitif, le préfet de la zone de défense et de sécurité Est a modifié l'arrêté du 29 novembre 2011 afin de limiter à la période du 7 décembre 2011 au 29 janvier 2012 inclus la disponibilité de M.B..., qui a repris le travail le 30 janvier 2012 ; que, dans ces conditions, la demande d'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2011 était devenue sans objet en tant que cet arrêté fixe la période de disponibilité au-delà du 29 janvier 2012 ; que le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 3 juillet 2014 doit être annulé en tant qu'il a statué sur cette demande ; qu'il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenue sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer dans cette mesure ;

Sur les autres conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite " ; que l'article 51 de la même loi dispose : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 ci-dessus (...) " ; qu'aux termes de l'article 43 du décret du 16 septembre1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de mise à disposition et de cessation définitive de fonctions : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus à l'article 34 (2°, 3° et 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité : " (...) En raison du caractère particulier de leurs missions et des responsabilités exceptionnelles qu'ils assument, les personnels actifs de la police nationale constituent dans la fonction publique une catégorie spéciale. / Le statut spécial de ces personnels peut déroger au statut général de la fonction publique afin d'adapter l'organisation des corps et des carrières aux missions spécifiques de la police nationale. / Compte tenu de la nature de ces missions, les personnels actifs de la police nationale sont soumis à des obligations particulières de disponibilité, de durée d'affectation, de mobilité et de résidence. Leurs statuts, qui sont pris par décret en Conseil d'Etat, peuvent comporter notamment des conditions particulières de déroulement de carrière pour les fonctionnaires affectés de façon durable dans certaines grandes agglomérations (...) " ; qu'aux termes du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs de la police nationale : " Si le total des absences liées aux congés de maladie dépasse 365 jours pendant une période de 15 mois, les fonctionnaires visés à l'article précédent peuvent, après avis du comité médical compétent, soit être mis en disponibilité dans les conditions prévues par l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 modifié susvisé, soit être reclassés, soit être admis à la retraite par voie de réforme " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en raison de l'accident, déclaré imputable au service, qu'il a subi le 24 août 2008, M. B...a souffert de douleurs aux genoux, qui ont été déclarées consolidées à la date du 26 août 2010, mais également de troubles psychologiques ; qu'en particulier, les rapports du médecin conventionné de la police nationale en date du 18 octobre 2011 et du 13 décembre 2011 font état de l'existence d'un syndrome dépressif, antérieur aux décisions contestées, dont il " ne peut être contesté " qu'il trouve son origine, au moins partiellement, dans l'accident de service du 24 août 2008 et qui a également été alimenté par les difficultés rencontrées par l'intéressé avec sa hiérarchie consécutivement à cet accident ; que ces constatations sont confirmées par l'attestation d'une psychopraticienne suivant l'intéressé en date du 9 août 2011 ; que ces troubles psychologiques présentent ainsi un lien direct avec le service ; qu'il suit de là que M. B...tirait des dispositions précitées le droit d'être maintenu en congé spécial de maladie ordinaire, avec bénéfice de son plein traitement, sans autre limitation que celle tenant à sa mise en retraite ou au rétablissement de son aptitude au service, sur son emploi antérieur ou dans le cadre d'un reclassement ; que le préfet ne pouvait donc légalement, par les deux arrêtés contestés du 5 septembre 2011 et du 29 novembre 2011, placer M. B...en disponibilité d'office, ses droits statutaires à congé de maladie n'étant pas expirés ;

6. Considérant que le ministre soutient toutefois que l'intéressé ayant bénéficié de 365 jours de congés de maladie pendant une période de quinze mois, il était tenu de le placer en position de disponibilité conformément aux dispositions précitées de l'article 40 du décret du 9 mai 1995, lesquelles dérogent, dans le cadre défini par l'article 19 précité de la loi du 21 janvier 1995, aux dispositions de droit commun de la loi du 11 janvier 1984 ; que ces dispositions renvoient aux conditions de mise en disponibilité prévues par l'article 43 précité du décret du 16 septembre 1985, lesquelles précisent que la mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ; qu'ainsi, ce moyen de défense du ministre doit être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ni d'examiner les fins de non-recevoir opposées en première instance, celles-ci tendant seulement à ce que soit déclaré irrecevable un moyen autre que celui retenu ci-dessus, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la zone de défense et de sécurité Est en date du 5 septembre 2011 et du 29 novembre 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, par application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juillet 2014 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Est en date du 29 novembre 2011 en tant qu'il fixe la période de disponibilité au-delà du 29 janvier 2012 inclus.

Article 3 : L'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Est en date du 5 septembre 2011 ainsi que l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Est en date du 29 novembre 2011, en tant qu'il prolonge la disponibilité de M. B...du 7 décembre 2011 au 29 janvier 2012 inclus, sont annulés.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité Est.

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N° 14NC01712


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01712
Date de la décision : 28/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BROGLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-01-28;14nc01712 ?
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