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29/12/2015 | FRANCE | N°14NC00971

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 29 décembre 2015, 14NC00971


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie Générale d'Affacturage (CGA) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à lui verser la somme de 131 275,85 euros portant intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2009 en règlement des factures émises par la société Réalisation Tuyauterie Procédé.

Le CNRS a demandé au tribunal, à titre reconventionnel, de condamner la société CGA à lui verser la somme de 7 938,37 euros.

Par un

jugement nos 1004650,1005574 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie Générale d'Affacturage (CGA) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à lui verser la somme de 131 275,85 euros portant intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2009 en règlement des factures émises par la société Réalisation Tuyauterie Procédé.

Le CNRS a demandé au tribunal, à titre reconventionnel, de condamner la société CGA à lui verser la somme de 7 938,37 euros.

Par un jugement nos 1004650,1005574 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 mai et 13 novembre 2014 et le 4 novembre 2015, la société CGA, représentée par la SELARL Sigrist et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 mars 2014 ;

2°) de condamner le CNRS à lui verser la somme de 131 275,85 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2009 en ordonnant la capitalisation des intérêts ;

3°) de rejeter l'ensemble des demandes reconventionnelles du CNRS ;

4°) de mettre à la charge du CNRS le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir puisqu'elle établit être subrogée dans les droits de la société Réalisation Tuyauterie Procédé (RTP) ;

- il appartient au CNRS d'apporter la preuve que les prestations, objets de ces factures, n'ont pas été réalisées et non à la société CGA de justifier que les prestations ont été effectuées ;

- le CNRS ne justifie pas détenir une créance envers la société RTP qui lui permettrait d'appliquer la compensation avec les factures dont le paiement lui est réclamé puisque le juge commissaire du tribunal de commerce, confirmé par la cour d'appel de Versailles, a rejeté la créance déclarée par le CNRS au passif de la société RTP ;

- le courrier en date du 27 janvier 2009 adressé au CNRS comprend sans conteste une sommation suffisante de payer la somme de 131 275,85 euros et a donc fait courir les intérêts au taux légal.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 septembre 2014 et le 19 décembre 2014, le CNRS, représenté par la SELARL B...etB..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de réformer le jugement du 27 mars 2014 en ce qu'il a condamné la société CGA au versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de condamner la société CGA à lui rembourser la somme de 7 938,37 euros ;

4°) de condamner la société CGA au paiement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la subrogation n'est pas établie ;

- il pouvait défalquer l'avance facultative de 30% consentie à la société RTP avant de régler la facture d'acompte ;

- la somme de 7 938,37 euros correspondant au montant de la TVA de la facture d'acompte n° 5, a été créditée à tort sur le compte de la société CGA ;

- les factures émises par la société RTP, qui constituent des acomptes n'ayant en application du code des marchés publics pas de caractère définitif n'ont pu générer pour la société CGA des créances revêtant un caractère certain, liquide et exigible ;

- les factures en cause ne correspondent pas à des prestations réalisées par la société RTP ;

- la mise en demeure de payer était ambigüe et incohérente et n'a pu faire courir les intérêts légaux.

Par ordonnance du 13 octobre 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 5 novembre 2015.

Un mémoire présenté pour le CNRS a été enregistré le 4 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- les observations de Me A...représentant les intérêts de la société CGA,

- les observations de Me B...représentant les intérêts du CNRS.

1. Considérant que par acte d'engagement du 4 mars 2005, le Centre national de la recherche scientifique - délégation Alsace (CNRS) a attribué à la société Réalisation Tuyauterie Procédé (RTP) le lot n° 11 relatif à l'installation de gaz de laboratoire dans le cadre de la construction de l'institut Charles Sadron sur le campus de Cronenbourg ; que la société RTP a conclu avec la société Compagnie Générale d'Affacturage (CGA) un contrat d'affacturage le 8 décembre 2005 ; que dans le cadre de ce contrat, la société RTP a transmis à la société CGA cinq factures relatives à des situations mensuelles du marché conclu avec le CNRS ; que la société CGA, par courrier du 30 janvier 2009, a mis en demeure le CNRS de lui payer la somme de 131 275,85 euros, correspondant aux trois dernières factures ; que la société CGA relève appel du jugement du 27 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CNRS à lui verser la somme de 131 275,85 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande présentée par la société CGA comme irrecevable au motif que cette société, qui n'établissait pas être régulièrement subrogée dans les droits de la société RTP, ne justifiait pas d'un intérêt à agir ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1249 du code civil : " La subrogation dans les droits du créancier au profit d'une tierce personne qui le paie est conventionnelle ou légale " ; que le 1° de l'article 1250 du même code dispose que cette subrogation est conventionnelle " Lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement " ;

4. Considérant que l'article 1er des conditions générales du contrat d'affacturage prévoit que les " créances seront transférées en pleine propriété à CGA par voie de subrogation conventionnelle en application des dispositions de l'article 1250 du code civil " ; que l'article 6 de ce même document prévoit que " chaque remise [de facture] fait l'objet d'un bordereau récapitulatif conforme au modèle agréé par CGA et incluant une quittance subrogative " ; que ce modèle de bordereau prévoit que la subrogation, dans tous les droits attachés aux créances énumérées dans le bordereau, est acquise " à l'instant et du seul fait " du paiement des factures remises ;

5. Considérant que la société CGA a produit les trois factures dont elle demande le paiement telles qu'elles lui ont été remises par la société RTP ainsi que, pour les factures nos 06-018-24873 et 06-021-24873, les bordereaux de remise conformes au modèle précité, valant quittances subrogatives, dûment signés par la société RTP et prévoyant que la subrogation sera acquise à l'instant et du seul fait du paiement ; que la société CGA produit également, pour la première fois en appel, les relevés du compte courant ouvert au nom de la société RTP faisant apparaître les inscriptions au crédit, valant paiement, de chaque remise de facture ; qu'il résulte de l'instruction que les factures remises au CNRS portaient une mention apparente avisant le maître d'ouvrage de la subrogation bénéficiant à la société CGA et rappelant que, pour être libératoire, le règlement de ces factures devait être effectué directement à la société CGA ; que, dans ces conditions, et alors même que le paiement des factures en cause par la société CGA serait intervenu quelques jours après la signature du bordereau de remise valant quittance subrogative, la société CGA doit être regardée comme justifiant de la réalité de la subrogation et des paiements ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles 1249 et 1250 du code civil que le caractère exigible de la créance n'est pas une condition de réalisation de la subrogation ; que dès lors, la circonstance que le paiement par la société CGA des factures transmises par la société RTP est intervenu avant l'expiration du délai de paiement de quarante-cinq jours prévu par le marché est sans incidence sur la réalisation de la subrogation ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 641-11-1 du code de commerce : " I. Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions et en l'absence de décision contraire du liquidateur, le contrat d'affacturage conclu entre la société CGA et la société RTP s'est poursuivi après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société RTP ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le CNRS, la circonstance que la société RTP a été mise en liquidation judiciaire entre la remise des factures à la société CGA et leur paiement par cette dernière est sans incidence sur la validité de la subrogation ;

8. Considérant que les retenues opérées par la société CGA, conformément aux stipulations du contrat d'affacturage, sur le montant des factures payées à la société RTP sont, contrairement à ce que soutient le CNRS, également sans incidence sur la validité de la subrogation ainsi établie ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société CGA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

10. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société CGA devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la demande de la société CGA :

11. Considérant que si le paiement subrogatoire effectué en vertu d'une convention d'affacturage par l'affactureur à son adhérent investit le subrogé de la créance primitive avec tous ses avantages et accessoires, le subrogé n'a pas plus de droits que son subrogeant au lieu et place duquel il agit ;

12. Considérant que les factures dont la société CGA demande le paiement correspondent à des situations mensuelles de travaux établies par la société RTP au cours de l'exécution du marché public dont elle était titulaire, devant donner lieu au paiement d'acomptes par le CNRS ; que, par suite, et alors même qu'une subrogation est intervenue au profit de la société CGA, ces paiements obéissent aux règles définies pour le règlement des comptes par le contrat et, en l'espèce, par le code des marchés publics et le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, sans que ne trouvent à s'appliquer les règles relatives à la compensation définies dans le code civil ;

En ce qui concerne la facture n° 06-018-24873 :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 88 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au marché en litige : " Une avance facultative peut être accordée au titulaire d'un marché. (...) L'avance facultative ne peut excéder 30 % du montant initial, toutes taxes comprises, du marché ou de la tranche. (...) L'avance facultative est remboursée à un rythme fixé par le marché par précompte sur les sommes dues à titre d'acomptes ou de règlement partiel définitif " ; que l'acte d'engagement signé par la société RTP et modifié le 8 juin 2005 dans le cadre de la mise au point du marché prévoyait que : " Le prix global et forfaitaire est ramené à 282 800 € HT après négociation. En contrepartie, le CNRS s'engage à verser une avance facultative de 30% du montant du marché. Cette avance sera récupérée à partir de 50% de l'avancement des travaux " ;

14. Considérant que le CNRS, maître d'ouvrage, ne conteste pas que les travaux mentionnés dans la facture n° 06-018-24873 ont été réalisés, validés par le maître d'oeuvre et qu'ils peuvent, par conséquent, ouvrir droit à paiement ; qu'il résulte de l'instruction que les prestations mentionnées dans cette facture correspondent à un avancement des travaux supérieur à 50% ; que le CNRS est fondé à soutenir qu'en application des stipulations précitées, le remboursement de l'avance facultative consentie à la société RTP pouvait s'imputer sur le montant de la facture n° 06-018-24873 ; que, par suite, la demande de la société CGA tendant à la condamnation du CNRS à lui verser la somme de 43 501,89 euros correspondant au solde non payé de cette facture doit être rejetée ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CNRS est fondé à demander, à titre reconventionnel, que la société CGA lui reverse la somme de 7 938,37 euros qui lui a été versée à tort au titre de la facture n° 06-018-24873 ;

En ce qui concerne les factures n° 06-021-24873 et n° 06-022-24873 :

16. Considérant qu'aux termes de l'article 89 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au marché en litige : " Les prestations qui ont donné lieu à un commencement d'exécution du marché ouvrent droit à des acomptes. Le montant d'un acompte ne doit en aucun cas excéder la valeur des prestations auxquelles elle se rapporte (...) " ; qu'aux termes de l'article 13.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux relatifs aux décomptes mensuels : " Avant la fin de chaque mois, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre un projet de décompte établissant le montant total, arrêté à la fin du mois précédent, des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché depuis le début de celle-ci. (...) Le projet de décompte mensuel établi par l'entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d'oeuvre ; il devient alors le décompte mensuel " ; qu'aux termes de l'article 13.2 du même cahier : " Le montant de l'acompte mensuel à régler à l'entrepreneur est déterminé, à partir du décompte mensuel, par le maître d'oeuvre qui dresse à cet effet un état faisant ressortir : a) Le montant de l'acompte établi à partir des prix de base : ce montant est la différence entre le montant du décompte mensuel dont il s'agit et celui du décompte mensuel précédent (...) " ;

17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maître d'oeuvre, à qui il appartient de vérifier les projets de décompte mensuels présentés par l'entreprise en fonction des travaux réellement exécutés, a refusé les montants inscrits sur les factures nos 06-21-24873 et 06-022-24873 et les a ramenés à zéro au motif que les travaux correspondants n'avaient pas été réalisés ; que l'expertise dont se prévaut la société CGA, qui ne se prononce pas explicitement sur les travaux mentionnés sur ces " factures ", ne permet pas de remettre en cause la vérification par le maître d'oeuvre des prestations réellement exécutées ; que, dans ces conditions, la société CGA n'est pas fondée à demander la condamnation du CNRS à lui verser les montants figurant sur ces factures ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CNRS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société CGA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société CGA une somme globale de 2 000 euros à verser au CNRS sur le fondement des mêmes dispositions au titre des frais exposés en première instance et en appel ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 27 mars 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société CGA devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : La société CGA versera au CNRS la somme de 7 938,37 euros.

Article 4 : La société CGA versera au CNRS la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Compagnie Générale d'affacturage et au Centre national de la recherche scientifique.

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N° 14NC00971


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00971
Date de la décision : 29/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SELARL SIGRIST ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-12-29;14nc00971 ?
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