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08/12/2015 | FRANCE | N°14NC01679

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 08 décembre 2015, 14NC01679


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...et la société Recrutement Médecin ont demandé au tribunal administratif de Nancy, à titre principal, de condamner le conseil national de l'ordre des médecins à leur verser respectivement les sommes de 2 820 000 et 8 385 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de la diffusion d'une " circulaire " illégale du 19 février 2010, et, à titre subsidiaire, de constater que la " circulaire " du 19 février 2010 s'analyse comme une voie de fait.

Par un jugem

ent n° 1400829 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...et la société Recrutement Médecin ont demandé au tribunal administratif de Nancy, à titre principal, de condamner le conseil national de l'ordre des médecins à leur verser respectivement les sommes de 2 820 000 et 8 385 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de la diffusion d'une " circulaire " illégale du 19 février 2010, et, à titre subsidiaire, de constater que la " circulaire " du 19 février 2010 s'analyse comme une voie de fait.

Par un jugement n° 1400829 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2014, M. B... et la société Recrutement Médecin, représentés par Me A...de la SCP Richard, Mertz et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 juin 2014 ;

2°) de condamner le conseil national de l'ordre des médecins à leur verser respectivement les sommes de 2 820 000 et 8 385 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la tarification pratiquée par la société Recrutement Médecin n'est pas contraire à l'article L. 4113-5 du code de la santé publique ;

- la circulaire méconnaît la liberté d'établissement des ressortissants communautaires sur le territoire français et la libre prestation de services ;

- ils ont subi un préjudice financier au titre des pertes et gains manqués, résultant notamment de nombreuses résiliations de contrats de recrutement de médecins, à hauteur de 2 820 000 euros pour M. B...et de 8 385 000 euros pour la société Recrutement Médecin.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 mai 2015 et 21 août 2015, le conseil national de l'ordre des médecins, représenté par la SCP Barthélemy - Matuchansky - Vexliard - Poupot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'existe aucune corrélation entre la rémunération versée par le médecin et le coût réel des prestations ;

- le moyen tiré de l'atteinte à la liberté d'établissement des ressortissants communautaires sur le territoire français est dépourvu de précision ;

- la circulaire contestée est une simple recommandation destinée à éclairer les conseils départementaux, dépourvue de caractère décisoire, qui ne peut engager sa responsabilité dès lors qu'elle ne produit pas d'effet de droit ;

- en tout état de cause, cette circulaire n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 4113-5 du code de la santé publique ;

- les préjudices allégués par les requérants ne sont pas établis ;

- il n'y a pas de lien de causalité entre la diffusion de la circulaire et les préjudices allégués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., en tant que consultant indépendant, et la société Centre européen de formation et conseil (CEFC) proposaient dans le cadre de leur activité, le recrutement et la formation de médecins en vue de faciliter leur installation dans les zones de revitalisation rurale ou dans les établissements hospitaliers en difficulté ; que le 19 février 2010, le conseil national de l'ordre des médecins a émis une " circulaire " dans laquelle il estimait que les contrats conclus entre la société et les praticiens étaient contraires aux dispositions de l'article L. 4113-5 du code de la santé publique et recommandait de refuser tout contact avec la société ; que M. B...et la société Recrutement Médecins à l'enseigne " CEFC Médical ", qui a repris l'activité de la société (CEFC), relèvent appel du jugement du 24 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la condamnation du conseil national à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait la diffusion de cette circulaire ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4121-2 du code de la santé publique : " L'ordre des médecins, celui des chirurgiens-dentistes et celui des sages-femmes veillent au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine, de l'art dentaire, ou de la profession de sage-femme et à l'observation, par tous leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l'article L. 4127-1. / Ils assurent la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession médicale, de la profession de chirurgien-dentiste ou de celle de sage-femme (...) / Ils accomplissent leur mission par l'intermédiaire des conseils départementaux, des conseils régionaux ou interrégionaux et du conseil national de l'ordre " ; qu'aux termes de l'article L. 4113-5 du même code : " Il est interdit à toute personne ne remplissant pas les conditions requises pour l'exercice de la profession de recevoir, en vertu d'une convention, la totalité ou une quote-part des honoraires ou des bénéfices provenant de l'activité professionnelle d'un membre de l'une des professions régies par le présent livre " ; qu'il résulte de ces dispositions que tout partage des honoraires perçus par un médecin en rémunération de sa propre activité médicale entre ce médecin et une personne ne remplissant pas les conditions requises pour l'exercice de cette profession est interdit ; qu'un tel partage est toutefois autorisé dans la seule mesure où la redevance correspond exclusivement, par sa nature et son coût, à un service rendu au praticien ;

3. Considérant qu'en raison de ses effets concrets et de la publicité qu'il en a été donnée, la diffusion de la " circulaire " du 19 février 2010 est susceptible d'engager la responsabilité pour faute du conseil national de l'ordre des médecins ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du contrat type conclu entre la société " CEFC Médical " et les praticiens que la société était rémunérée, au cours d'une première phase relative aux actions de formations, forfaitairement, puis, dans une seconde phase, pour les prestations hors formation, sur la base d'un forfait évolutif en fonction d'un pourcentage du chiffre d'affaires du médecin ; qu'en l'absence de clauses dans le contrat prévoyant une régularisation ultérieure en fonction du coût réel des prestations hors formation fournies au médecin, la fixation d'un prix forfaitaire évolutif en fonction d'un pourcentage du chiffre d'affaires du médecin ne saurait être regardée comme correspondant à l'exacte contrepartie des services rendus ; que, dans ces conditions, le conseil national de l'ordre des médecins a pu estimer, dans sa " circulaire " du 19 février 2010, que les contrats conclus entre les requérants et les médecins étaient contraires aux dispositions législatives précitées ; que, par ailleurs, cette " circulaire " ne porte pas en elle-même atteinte à la libre prestation de services ou à la liberté d'établissement des ressortissants de l'Union européenne ; qu'il s'ensuit que la responsabilité pour faute du conseil national de l'ordre des médecins ne saurait être recherchée ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... et la société Recrutement Médecin ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du conseil national de l'ordre des médecins présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... et de la société Recrutement Médecin est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du conseil national de l'ordre des médecins présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Recrutement Médecin, à M. C... B... et au conseil national de l'ordre des médecins.

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N° 14NC01679


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01679
Date de la décision : 08/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SCP RICHARD et MERTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-12-08;14nc01679 ?
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