Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Eiffage Energie Thermie Est, la société Conraux et la société Idex Energie Est ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner le centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz de Saint-Dizier à leur verser la somme de 9 543 928,86 euros TTC, majorée des intérêts moratoires en règlement du marché relatif aux lots n° 5a " chauffage, ventilation, climatisation, désenfumage et gestion technique centralisée " et n° 5b " plomberie, sanitaires " passé en vue de la construction du nouvel hôpital.
Le centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz a présenté des conclusions indemnitaires reconventionnelles et a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Barbosa Vivier, Crédit Agricole immobilier entreprise et Artelia Bâtiment et Industrie à le relever et à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Par un jugement n° 1200913 du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, rectifié le solde du décompte général de ce marché en le portant à la somme de 853 220,85 euros TTC au crédit des sociétés Eiffage Energie Thermie Est, Conraux et Idex Energie Est et a rejeté le surplus de la demande des sociétés. Il a, d'autre part, rejeté les conclusions à fin d'appel en garantie présentées par le centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz et a sursis à statuer sur les conclusions présentées par les sociétés Eiffage Energie Thermie Est, Conraux et Idex Energie Est tendant au versement des intérêts moratoires et sur celles présentées par le centre hospitalier tendant à l'indemnisation des préjudices subis à raison des ruptures de vannes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 19 février 2014 et le 6 janvier 2015, le centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz, représenté par la SELARL Houdart et associés demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 décembre 2013 ;
2°) de rejeter la demande présentée par les sociétés Eiffage Energie Thermie Est, Conraux et Idex Energie Est devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
3°) d'ordonner une expertise afin de permettre de dire si les sociétés Barbosa Vivier et associés, Artelia Bâtiment et Industrie et Crédit Agricole immobilier entreprise ont exécuté leurs obligations conformément aux stipulations contractuelles et aux règles de l'art et d'évaluer les préjudices subis par le centre hospitalier ;
4°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du 17 décembre 2013 en tant qu'il l'a condamné à verser aux sociétés Eiffage Energie Thermie Est, Conraux et Idex Energie Est en règlement de leur marché la somme de 853 220,85 euros TTC et qu'il a rejeté les appels en garantie ;
5°) de condamner solidairement les sociétés Barbosa Vivier et associés, Artelia Bâtiment et Industrie et Crédit Agricole immobilier entreprise à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
6°) de condamner solidairement les sociétés Eiffage Energie Thermie Est, Conraux et Idex Energie Est, Barbosa Vivier et associés, Artelia Bâtiment et Industrie et Crédit Agricole immobilier entreprise à l'indemniser des préjudices subis suivant un chiffrage à déterminer par expertise ;
7°) de condamner solidairement les sociétés Eiffage Energie Thermie Est, Conraux et Idex Energie Est, Barbosa Vivier et associés, Artelia Bâtiment et Industrie et Crédit Agricole immobilier entreprise à l'indemniser des préjudices subis du fait des ruptures de vannes en lui versant la somme de 546 368,66 euros ;
8°) de rejeter les conclusions d'appel incident des sociétés Eiffage Energie Thermie Est, Conraux et Idex Energie Est ;
9°) en tout état de cause, de mettre à la charge solidaire des sociétés Eiffage Energie Thermie Est, Conraux, Idex Energie Est, Barbosa Vivier et associés, et Crédit Agricole immobilier entreprise le versement de la somme de, dans le dernier état de ses écritures, 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché de contradiction de motifs et est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il ne faisait valoir aucun grief précis à l'encontre de l'assistant à maîtrise d'ouvrage, du groupement de maîtrise d'oeuvre et du titulaire de la mission " ordonnancement - pilotage - coordination " ;
- le tribunal a admis à tort la recevabilité de la demande présentée par les sociétés Eiffage Energie Thermie Est, Conraux et Idex Energie Est ;
- les défaillances de coordination du chantier et de surveillance des travaux ne sont imputables qu'à l'assistant à maîtrise d'ouvrage, au groupement de maîtrise d'oeuvre et au titulaire de la mission " ordonnancement - pilotage - coordination qui ont commis de nombreux manquements à leurs obligations contractuelles ;
- le rapport établi par l'expert désigné par le président du tribunal en 2007 fait état d'un dysfonctionnement total et d'un laisser aller complet de la part de la maîtrise d'oeuvre qui doit donc être tenue pour responsable de l'ensemble des éventuels retards et travaux supplémentaires ;
- les pénalités appliquées étaient justifiées ;
- les retenues appliquées au titre du défaut d'encadrement et d'autocontrôle étaient également justifiées, tout comme les réfactions au titre du non respect des doubles peaux et des travaux de calage des WC ;
- les sociétés Eiffage Energie Thermie Est, Conraux et Idex Energie Est ont également manqué à leurs obligations et lui ont causé des préjudices qui font l'objet d'une expertise ;
- les indemnités demandées par les sociétés Eiffage Energie Thermie Est, Conraux et Idex Energie Est sont la conséquence de manquements que ces sociétés imputent elles-mêmes à d'autres intervenants à l'opération de construction et ne peuvent donc être mises à la charge du maître de l'ouvrage.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 avril 2014 et le 5 janvier 2015, la société Barbosa Vivier, représentée par la SELAS Larrieu et associés, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de condamner les sociétés SNC-Lavalin et Crédit Agricole immobilier entreprise à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz ou de tout autre succombant le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle s'associe à l'argumentation de la société SNC-Lavalin démontrant que la maîtrise d'oeuvre a parfaitement rempli sa mission ;
- elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles ;
- les sociétés Crédit agricole immobilier entreprise et SNC-Lavalin ont failli dans l'exécution de leur mission.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 juillet 2014 et le 27 janvier 2015, la société Crédit Agricole immobilier entreprise, venant aux droits de la société Hospiconseil, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) de rejeter les appels en garantie formés par le centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz et la société Barbosa Vivier ;
2°) de rejeter la demande de condamnation formulée par le centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz à son encontre ;
3°) d'annuler le jugement en litige en tant qu'il a fait droit à une partie des conclusions des sociétés Eiffage Energie Thermie Est, Conraux et Idex Energie Est ;
4°) de condamner les sociétés Barbosa Vivier, SNC-Lavalin et Artelia Bâtiment et Industrie à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
5°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz, de la société Barbosa Vivier, de la société SNC-Lavalin, de la société Artelia Bâtiment et Industrie et de la société Eiffage Energie Thermie Est le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes indemnitaires de la société Eiffage Thermie Est ne sont pas fondées ;
- le centre hospitalier ne démontre pas qu'elle aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité et ne justifie pas des préjudices qu'il allègue ;
- les aléas du chantier sont imputables à la maîtrise d'oeuvre et au titulaire de la mission ordonnancement pilotage coordination ;
- il n'est pas justifié que l'expertise que le centre hospitalier réclame doive porter sur la responsabilité de la société Crédit Agricole immobilier entreprise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2014, la société Artelia bâtiment et industrie, représentée par la SCP Raffin et associés, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de rejeter l'appel en garantie formé par le centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz, à titre principal comme irrecevable et à titre subsidiaire comme non fondé ;
3°) de rejeter l'appel en garantie formé par la société Crédit Agricole immobilier entreprise ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle fait sienne l'argumentation du centre hospitalier relative à l'irrecevabilité de la demande de première instance ;
- elle n'a commis aucune faute qui aurait causé un préjudice au centre hospitalier et qui serait de nature à engager sa responsabilité.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er août 2014, le 5 janvier, le 26 et le 27 janvier 2015, la société Eiffage Energie Thermie Grand Est, venant aux droits de la société Crystal et de la société Forclum Champagne Ardenne, la société nouvelle Henri Conraux et la société Idex Energies, venant aux droits de la société Idex Energie Est, représentées par GMR Avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 décembre 2013 ;
2°) de condamner le centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz ou subsidiairement, le centre hospitalier, la société Barbosa Vivier, la société Crédit Agricole immobilier entreprise et la société Artelia Bâtiment et Industrie solidairement à leur verser, au titre du solde de leur marché, la somme de 9 543 928,86 euros TTC assortie des intérêts moratoires au taux de 2,65% à compter du 31 mai 2010 sous réserve des retenues opérées indûment sur des acomptes pour lesquelles il convient de retenir la date de notification du décompte mensuel afférent à cet acompte augmentée de cinquante jours ;
3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la date d'enregistrement de la demande de première instance ;
4°) de rejeter les conclusions du centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz ou de toute partie perdante les dépens et la somme de 9 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles soutiennent que :
- la demande de première instance était recevable ;
- leurs demandes indemnitaires sont fondées ;
- l'allongement des délais et les difficultés rencontrées dans l'exécution des travaux sont pour partie imputables à des manquements du maître d'ouvrage ;
- les frais dont il est demandé l'indemnisation résultent des manquements commis par le maître d'oeuvre, le conducteur d'opération et le titulaire de la mission OPC ;
- le centre hospitalier n'apporte aucune preuve du caractère fondé et du quantum des pénalités appliquées ;
- les dérogations aux CCAG Travaux prévues dans le CCAP en ce qui concerne les pénalités ne figurent pas dans la liste des dérogations aux documents généraux et ne leur sont donc pas opposables ;
- le tribunal a retenu une somme de 508 702,59 euros TTC alors que le montant des retenues figurant dans le décompte était de 508 702,59 euros HT ;
- les pénalités appliquées sont excessives ;
- le sursis à statuer ordonné par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n'est pas justifié.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er août 2014, le 6 janvier et le 26 janvier 2015, la société SNC-Lavalin, venant aux droits de la société Trouvin, représentée par la SELARL Kohn et associés, demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement en tant qu'il a rejeté les appels en garantie formés à son encontre et rejeté les demandes indemnitaires du centre hospitalier et de l'annuler pour le surplus ;
2°) de rejeter tout appel en garantie formulé à son encontre ;
3°) de rejeter les conclusions des sociétés Eiffage Thermie Est, Conraux et Idex ;
4°) subsidiairement, de condamner les sociétés Crédit Agricole immobilier entreprise et Artelia Bâtiment et Industrie à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
5°) de mettre à la charge de tout succombant le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles ;
- les sociétés Eiffage Thermie Est, Conraux et Idex ont été à l'origine de nombreux retards ;
- leurs demandes indemnitaires ne sont pas fondées ;
- les sociétés Crédit agricole immobilier entreprise et Artelia Bâtiment et Industrie ont failli dans l'exécution de leur mission.
Par ordonnance du 27 janvier 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 18 février 2015.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de :
- l'irrecevabilité des conclusions présentées par la société Crédit Agricole immobilier entreprise et par la société SNC-Lavalin et tendant à l'annulation du jugement ;
- l'irrecevabilité des demandes de condamnation, sur un fondement quasi-délictuel, dirigées contre les sociétés Barbosa Vivier, Artelia Bâtiment et Industrie et Crédit Agricole immobilier entreprises présentées, d'une part, par le centre hospitalier et, d'autre part, par la société Eiffage.
Par des mémoires enregistrés le 14 octobre 2015 et le 20 octobre 2015 les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, société nouvelle Henri Conraux et Idex Energies, d'une part, et le centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz, d'autre part, ont présenté leurs observations en réponse à ce courrier.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- les observations de Me B...pour le centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz,
- les observations de Me A...pour les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies,
- les observations de Me E...pour la société Crédit Agricole immobilier entreprise,
- et les observations de Me C...pour la société SNC-Lavalin.
Des notes en délibéré présentées pour les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies ont été enregistrée les 29 octobre et 12 novembre 2015.
Une note en délibéré présentée pour le centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz a été enregistrée le 16 novembre 2015.
1. Considérant que le centre hospitalier de Saint-Dizier a décidé, en 2003, de faire procéder à la construction d'un nouvel hôpital ; qu'il a confié une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage à la société Hospiconseil, aux droits de laquelle vient la société Crédit Agricole immobilier entreprise ; que la maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à un groupement solidaire composé notamment des sociétés Barbosa Vivier Architectes Trouvin, aux droits de laquelle vient la société SNC-Lavalin et la mission " ordonnancement - pilotage - coordination " a été confiée à la société GPCI, aux droits de laquelle vient la société Artelia Bâtiment et Industrie ; que les lots n° 5a " chauffage, ventilation, climatisation, désenfumage et gestion technique centralisée " et n° 5b " plomberie, sanitaires " ont été attribués à un groupement composé des sociétés Crystal et Forclum Champagne-Ardenne, aux droits desquelles vient la société Eiffage Energie Thermie Grand Est, de la société Conraux et de la société Idex Energie Est aux droits de laquelle vient la société Idex Energies ; que ce groupement a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner le centre hospitalier de Saint-Dizier à lui verser la somme de 9 543 928,85 euros TTC en règlement de son marché ; que, par des conclusions reconventionnelles, le centre hospitalier a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner le groupement à l'indemniser du préjudice subi en raison des dysfonctionnements affectant l'ouvrage, en réservant ses conclusions aux résultats d'une expertise ; que par un jugement du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, rectifié le solde du décompte général de ce marché en le portant à la somme de 853 220,85 euros TTC au crédit du groupement et a rejeté le surplus de la demande ; qu'il a, d'autre part, ordonné le sursis à statuer sur les conclusions indemnitaires du centre hospitalier relatives aux désordres résultant des ruptures de vannes et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ainsi que ses conclusions à fin d'appel en garantie ; que le centre hospitalier de Saint-Dizier relève appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation du jugement présentées par la société SNC-Lavalin et par la société Crédit Agricole immobilier entreprise :
2. Considérant que les sociétés SNC-Lavalin et Crédit Agricole immobilier entreprise n'ont pas été mises en cause directement par les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies en première instance mais ont été appelées en garantie respectivement par le maître d'oeuvre et par le maître d'ouvrage ; qu'elles ne sont, par suite, pas recevables à faire appel du jugement en tant qu'il a fixé le solde du décompte dû par le centre hospitalier de Saint-Dizier aux sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies ; que, leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions de ces sociétés doivent ainsi être rejetées comme irrecevables ;
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées par les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies et par le centre hospitalier :
3. Considérant que la demande présentée par les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies devant le tribunal administratif tendait au règlement du marché qui leur avait été attribué par le centre hospitalier de Saint-Dizier et par suite, à la fixation des droits et obligations financiers respectifs résultant de l'exécution de ce marché ; que si dans le cadre d'un tel contentieux, une partie au contrat peut appeler en garantie des tiers au contrat, elle n'est pas recevable à demander, à titre principal, la condamnation de tiers à ce contrat à l'indemniser de préjudices résultant de manquements commis à l'occasion de l'exécution d'autres contrats ; que, dès lors, les conclusions présentées, d'une part, par les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies et, d'autre part, par le centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz tendant à la condamnation des sociétés Barbosa Vivier et associés, Crédit Agricole immobilier entreprise et Artelia Bâtiment et industrie sont irrecevables ;
Sur la régularité du jugement :
4. Considérant, en premier lieu, que la contradiction de motifs d'une décision juridictionnelle, de même que le fait pour un jugement de faire droit à une demande irrecevable, concernent le bien-fondé et non la régularité de cette décision ; qu'il en va de même des erreurs que, selon le centre hospitalier requérant, le tribunal aurait commises dans l'appréciation de l'existence d'une faute des sociétés appelées en garantie ; que, par ailleurs, dès lors qu'il s'estimait suffisamment informé par les pièces du dossier, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n'avait pas à donner suite à la demande du centre hospitalier de Saint-Dizier d'ordonner une mesure d'expertise ; que, par suite, le centre hospitalier de Saint-Dizier n'est pas fondé à contester, pour ces motifs, la régularité du jugement attaqué ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Saint-Dizier, le jugement attaqué qui mentionne l'augmentation de la durée d'exécution des travaux ainsi que son incidence sur l'économie du contrat et les éléments pris en compte pour faire une juste appréciation du préjudice subi est suffisamment motivé ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'à supposer même que le tribunal aurait mal interprété les écritures du centre hospitalier en considérant que ce dernier soutenait que le décompte final transmis par le groupement serait daté du 31 mai 2013, ce qui ne constitue ni un moyen, ni un argument, cette circonstance n'est pas de nature à entacher le jugement attaqué d'irrégularité ;
7. Considérant, en quatrième lieu, d'une part, que, contrairement à ce que soutient le groupement d'entreprises, rien ne s'opposait à ce que le tribunal administratif, informé de ce que des opérations d'expertise étaient en cours, sursoie à statuer, jusqu'à l'issue de ces opérations, sur les conclusions indemnitaires du centre hospitalier dirigées contre les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies à raison des désordres affectant les vannes installées par la société Crystal et dont le centre hospitalier fait valoir qu'ils résultent de manquements de cette entreprise à ses obligations contractuelles et lui ouvrent droit à indemnisation ;
8. Considérant, d'autre part, que, dès lors que le solde final du marché ne pouvait être intégralement fixé dans le jugement avant dire droit attaqué, les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies ne sont pas fondées à soutenir que le tribunal administratif, qui n'avait pas à motiver sa décision sur ce point, ne pouvait pas surseoir à statuer sur les intérêts moratoires ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies ne sont pas fondées à soutenir que le jugement en litige est irrégulier faute pour le tribunal d'avoir épuisé son pouvoir juridictionnel ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la pièce datée du 31 mai 2010, que le centre hospitalier indique être la dernière page du décompte final, est en réalité la première page du décompte général qui a été notifié à l'entreprise ; que le moyen tiré de ce que la demande de première instance était irrecevable compte tenu de la grave anomalie affectant le décompte final doit ainsi, et en tout état de cause, être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG) : " 13.33 L'entrepreneur est lié, par les indications figurant au projet de décompte final, sauf sur les points ayant fait l'objet des réserves antérieures de sa part, ainsi que sur le montant définitif des intérêts moratoires " ; qu'il appartient donc à l'entrepreneur de faire figurer dans son projet de décompte l'ensemble des sommes dont il revendique le paiement ; que, dans l'hypothèse où ces sommes n'ont qu'un caractère estimatif, il lui appartient, afin de sauvegarder ses droits à faire évoluer ses prétentions, de le préciser dans son projet de décompte final ; que la circonstance que le groupement ait augmenté devant le tribunal administratif le montant de ses prétentions au-delà de la somme de 6 651 015 euros HT figurant dans le projet de décompte final est en l'espèce sans incidence dès lors que le tribunal ne lui a accordé qu'une somme inférieure à ce montant et n'a donc pas fait droit à une demande irrecevable ;
12. Considérant, en troisième lieu, que le centre hospitalier soutient que le groupement qui n'a pas contesté l'application de pénalités et de retenues dans son mémoire de réclamation ne pouvait plus le faire devant le juge ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le groupement d'entreprises a transmis son mémoire de réclamation le 31 mai 2010 accompagné d'un courrier contestant expressément les pénalités et retenues en indiquant les motifs de cette contestation et le montant dont la restitution était demandée ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les pénalités et retenues n'auraient pas été contestées avant la saisine du juge manque en fait ;
Sur le règlement du marché :
En ce qui concerne les demandes de rémunération supplémentaire présentées par le groupement d'entreprises :
13. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire de ce marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés, présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, et dont la cause est extérieure aux parties, ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique, maître de l'ouvrage ; qu'en revanche, la responsabilité du maître d'ouvrage n'est pas susceptible d'être engagée du seul fait de fautes commises par les autres intervenants ;
14. Considérant que le groupement d'entreprises titulaire des lots 5a et 5b invoque, à l'appui de sa demande indemnitaire, la désorganisation générale du chantier et les erreurs de conception ou des manquements imputables à d'autres entreprises ; qu'il indique que le maître d'ouvrage est responsable de ces manquements dès lors qu'il lui appartenait, en vertu de son pouvoir de direction générale des travaux, de prendre toutes mesures pour y mettre fin ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le centre hospitalier avait conclu un marché de conduite d'opération avec la société Hospiconseil et qu'il avait désigné un pilote, la société GPCI ; que le maître d'oeuvre, unique responsable du contrôle de l'exécution des ouvrages, était chargé, au titre de son contrat, du contrôle général des travaux ; que le pilote était chargé d'harmoniser dans le temps et l'espace les actions des différents intervenants au stade des travaux ; qu'enfin, le conducteur d'opération était chargé du suivi régulier du déroulement de chantier ; que le centre hospitalier a adressé tant au maître d'oeuvre, qu'au titulaire de la mission OPC et au conducteur d'opération de nombreux courriers visant à leur rappeler les termes de leurs missions respectives et les appelant à faire respecter les plannings et la cohérence de l'organisation et du suivi du chantier ; qu'ainsi la faute invoquée par le groupement n'est pas établie ;
15. Considérant que le groupement soutient que le maître d'ouvrage a également commis une faute en procédant à de multiples modifications du programme à une date à laquelle les travaux étaient déjà effectués, notamment en ce qui concerne le désenfumage ; qu'il invoque également la modification du local IRM et le délai mis pour désigner un nouveau titulaire pour le lot " cuisine " ; qu'il ne produit toutefois aucun élément de nature à démontrer que les modifications apportées par le maître d'ouvrage auraient été d'une ampleur telle qu'elles auraient désorganisé le chantier et présenteraient par conséquent un caractère fautif alors qu'il résulte de l'instruction que certaines de ces modifications ont été rendues nécessaires par des manquements de divers intervenants sur le chantier ; que, par ailleurs, en ce qui concerne le remplacement du titulaire défaillant du lot " cuisines ", les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies ne produisent aucun élément de nature à établir que la durée pour trouver un remplaçant aurait été anormalement longue ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le groupement n'établit pas l'existence d'une faute imputable au maître d'ouvrage de nature à lui ouvrir droit à indemnisation ; que, par suite, d'une part, le centre hospitalier est fondé à soutenir que c'est à tort que, le tribunal administratif a accordé au groupement la somme de 100 000 euros au titre des incidences financières résultant des prolongations des délais ; que, d'autre part, le groupement d'entreprises n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de faire droit à ses demandes de rémunération supplémentaire ;
En ce qui concerne les pénalités et retenues appliquées par le centre hospitalier :
17. Considérant, en premier lieu, que l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) prévoit diverses pénalités et retenues et définit, pour chacune, un mode de calcul ; qu'en se bornant à affirmer que " les faits justifiant l'application des pénalités et retenues ont été constatés à de nombreuses reprises ", sans même produire un récapitulatif de ces pénalités et retenues, le centre hospitalier ne justifie ni leur application, ni leur montant ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'elles devraient être maintenues au débit de l'entreprise, dans le décompte du marché ;
18. Considérant, en second lieu, d'une part, que le centre hospitalier a fait figurer dans le décompte les pénalités toutes taxes comprises, pour un montant total de 227 618,28 euros ; que les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies sont donc fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a réintégré dans le décompte qu'un montant de 224 917,26 euros au titre de ces pénalités ; que, d'autre part, le montant des retenues appliquées par le centre hospitalier inscrit dans le décompte est de 508 702,59 hors taxe ; que les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies sont donc fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a réintégré ce montant dans le décompte toutes taxes comprises ;
19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de réintégrer au crédit du groupement dans le décompte les sommes de 227 618,26 euros TTC, correspondant au montant des pénalités et de 508 702, 59 HT, soit 608 408,30 euros TTC correspondant au montant des retenues ;
Sur les appels en garantie :
20. Considérant, en premier lieu, que le centre hospitalier de Saint-Dizier demande la condamnation des sociétés Barbosa Vivier, SNC-Lavalin, Artelia Bâtiment et Industrie et Crédit Agricole immobilier entreprise à le relever et à le garantir des condamnations mises à sa charge ; qu'en se bornant à citer les contrats conclus avec ces diverses entreprises et à rappeler le contenu de leur mission en indiquant que la désorganisation du chantier suffit à établir que ces entreprises ont commis des manquements à leurs obligations, le centre hospitalier, qui, en tant que maître d'ouvrage, dispose nécessairement des éléments de nature à étayer ces allégations, n'apporte aucune précision quant aux fautes contractuelles qu'il impute à ces entreprises ; que, dans ces conditions, et alors qu'en outre aucun lien n'est fait entre les fautes supposées et les condamnations mises à la charge du centre hospitalier, les appels en garantie qu'il forme à l'encontre du maître d'oeuvre, du titulaire de la mission ordonnancement - pilotage - coordination et de l'assistant à maîtrise d'ouvrage doivent être rejetés ;
21. Considérant, en second lieu, qu'aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de ces sociétés, les appels en garantie formés par la société Barbosa Vivier, par la société SNC-Lavalin et par la société Crédit Agricole immobilier entreprise doivent être rejetés ;
Sur les demandes de condamnation présentées par le centre hospitalier et dirigées contre le groupement d'entreprises :
22. Considérant qu'il appartient à un maître d'ouvrage qui entend obtenir la condamnation d'un de ses cocontractants à l'indemniser des conséquences des manquements à ses obligations contractuelles, d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence de tels manquements et la réalité du préjudice subi ;
23. Considérant que si le centre hospitalier demande la condamnation des sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies à l'indemniser des préjudices qu'il a subis en demandant qu'une expertise soit ordonnée, il ne produit aucun élément permettant d'établir l'existence de fautes de nature à engager la responsabilité de ces sociétés, ni même l'existence d'un préjudice ; que, dans ces conditions, ces conclusions indemnitaires doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée ;
24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a mis à sa charge la somme de 100 000 euros au titre de l'incidence de l'allongement des délais et que les sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energies sont seulement fondées à demander que les sommes 227 618,26 euros TTC, correspondant au montant des pénalités et de 608 408,30 euros TTC correspondant au montant des retenues soient réintégrées à leur crédit dans le décompte ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que présentent les parties et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le solde du décompte général du marché portant sur la réalisation du lot n° 5 " plomberie, sanitaires, chauffage, ventilation " de l'opération de construction du nouveau centre hospitalier de Saint-Dizier est rectifié en portant la somme de 836 026,56 euros toutes taxes comprises au crédit des sociétés Eiffage Energie Thermie Grand Est, Conraux et Idex Energie, à compléter, le cas échéant, à l'issue des opérations d'expertise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 décembre 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Energie Thermie Grand Est, à la société Conraux, à la société Idex Energies, au centre hospitalier Geneviève de Gaulle-Anthonioz, à la société Barbosa Vivier, à la société Artelia Bâtiment et Industrie, à la société Crédit Agricole immobilier entreprise et à la société SNC-Lavalin.
''
''
''
''
3
N° 14NC00340