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29/09/2015 | FRANCE | N°14NC01571

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2015, 14NC01571


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Forclum Alsace Franche Comté, aux droits de laquelle est venue la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Mulhouse à lui verser une somme de 984 161,39 euros, avec intérêts moratoires à compter du 12 mars 2008 et capitalisation des intérêts, correspondant à la somme qu'elle estime lui être encore due au titre de son marché de travaux, après réfaction du décompte général définitif.

Par un jugeme

nt n° 1002262 du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Forclum Alsace Franche Comté, aux droits de laquelle est venue la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Mulhouse à lui verser une somme de 984 161,39 euros, avec intérêts moratoires à compter du 12 mars 2008 et capitalisation des intérêts, correspondant à la somme qu'elle estime lui être encore due au titre de son marché de travaux, après réfaction du décompte général définitif.

Par un jugement n° 1002262 du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Mulhouse à verser à la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté une somme 45 853,97 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 31 mars 2008 et capitalisation des intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 août 2014 et le 28 juillet 2015, la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement tribunal administratif de Strasbourg du 5 juin 2014 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ;

2°) de condamner la commune de Mulhouse à lui verser une somme de 984 161,39 euros au titre de l'exécution du marché, avec intérêts moratoires à compter du 31 mars 2008 et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mulhouse le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les difficultés rencontrées dans l'exécution du marché sont imputables à une faute de la commune de Mulhouse ;

- si aucune faute du maître de l'ouvrage ne devait être retenue, les difficultés rencontrées dans l'exécution du marché ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ;

- s'agissant des travaux supplémentaires demandés par le maître de l'ouvrage, elle a droit au paiement sur la base du devis n° 612004 des points 3, 14, 17, 12, 18, 19 et 24 ;

- s'agissant de la prolongation de l'exécution du contrat, elle est bien fondée à obtenir une indemnisation sur la base de 80 semaines et à être indemnisée des surcoûts résultant de l'encadrement et des réunions de chantier, des frais d'entreprise, de la perte de productivité et des études d'exécution.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2015, la commune de Mulhouse, représentée par la SELARL Soler-Couteaux/Llorens, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler partiellement le jugement ;

3°) de prononcer la décharge des sommes de 2 507,19 euros hors taxe au titre des travaux supplémentaires et de 7 514,53 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ;

4°) de condamner la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté à lui rembourser le trop perçu versé en exécution du jugement de première instance ;

5°) de mettre à la charge de la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant des travaux supplémentaires, elle ne saurait indemniser sur la base du devis n° 612004 la société requérante sur les points 21 et 23 et que les demandes de la société ne sont pas fondées ;

- s'agissant du surcoût que la société aurait subi du fait de la prolongation de l'exécution du contrat, la durée de prolongation est de 50.70 semaines et les demandes de la société ne sont pas fondées ;

- aucun bouleversement de l'économie du contrat ne saurait être retenu ;

- en raison du caractère infondé de l'indemnité réclamée, la société ne peut prétendre à la somme de 161 283,97 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et que, par suite, le jugement accordant la somme de 7 514,53 euros au titre de la TVA appliquée à la somme de 38 339,44 euros hors taxe au titre du règlement des travaux supplémentaires ne pourra qu'être réformée ;

- les intérêts moratoires ne sont pas dus dès lors que le mémoire en réclamation ne les a pas demandés et, à titre subsidiaire, qu'ils courent à compter du 27 avril 2008 dès lors que le point de départ du délai global de paiement de 45 jours est la date de réception du mémoire en réclamation de la société.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la commune de Mulhouse.

1. Considérant que par un acte d'engagement du 13 juillet 2004, la commune de Mulhouse a confié à la société Forclum Alsace Franche Comté, la réalisation du lot n° 23 " électricité - courants faibles " du marché de construction de la faculté des sciences économiques, sociales et juridiques de Mulhouse, bâtiment dit " La Fonderie ", pour un prix global et forfaitaire de 2 485 328,53 euros toutes taxes comprises (TTC) ; que la société d'équipement de la région Mulhousienne, maître d'ouvrage délégué, a adressé le 13 février 2008 à la société Forclum Alsace Franche Comté le décompte général pour un montant de 2 810 402,82 euros ; que la société a contesté ce décompte et transmis, le 12 mars 2008, un mémoire en réclamation d'un montant de 984 161,39 euros relatif à l'indemnisation des travaux supplémentaires et des surcoûts liés à la prolongation du délai d'exécution des travaux ; qu'en l'absence de réponse du maître de l'ouvrage, elle a saisi le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics ; que, par avis du 14 décembre 2009, le comité a estimé que la société pouvait prétendre à la somme de 390 000 euros TTC au titre des conséquences dommageables du retard dans l'exécution du marché et au versement de la somme de 40 856,12 euros hors taxes (HT) au titre des travaux supplémentaires acceptés par le maître de l'ouvrage ; qu'en l'absence de suite donnée à cet avis par la commune de Mulhouse, la société Forclum Alsace Franche Comté a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune à lui verser une somme de 984 161,39 euros, correspondant à la somme qu'elle estime lui être encore due au titre de son marché de travaux, après réfaction du décompte général définitif ; que la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté, venant aux droits de la société Forclum Alsace Franche Comté, relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire ; que la commune de Mulhouse conteste ce même jugement par la voie de l'appel incident ;

Sur le règlement du marché :

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas justifié que les points n° 3 et n° 14 relatifs à " l'équipement complémentaire des deux locaux rangement amphi 400 places " et n° 17 relatif à la " reprise des indicateurs d'actions R+1 " du devis n° 612004 du 5 septembre 2007 ne soient pas inclus dans le prix global et forfaitaire du marché ; qu'en ce qui concerne les points n° 12 relatif à " l'assistance coordination SSI lors des essais pour le passage de la commission de sécurité " pour la somme de 3 892,12 euros et n° 24 relatif à la " perte de productivité lors des phases essais, préparation inauguration, réarmement des clapets " pour la somme de 4 200 euros, il n'est pas davantage justifié par la société requérante que les prestations ne soient pas incluses dans le forfait, alors que le cahier des clauses techniques particulières du marché prévoit que les essais devront être effectués par l'entrepreneur ; qu'en ce qui concerne le point n° 12 précité du devis relatif à la pose d'un verre de protection sur le panneau didactique prévu au point 5 du cahier des clauses techniques particulières et aux travaux d'adaptation du panneau au support ainsi que le point n° 19 du même devis relatif à " assistance préparation inauguration ", il résulte de l'instruction que la réalité de ces travaux supplémentaires effectués par la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté a été admise par la commune de Mulhouse et que le jugement attaqué a indemnisé la société requérante du montant de ces travaux ;

3. Considérant, en second lieu, que la commune ne justifie pas que les postes n° 21 du même devis relatif à la " reprise de la porte PFA 318 en ISS ensemble asservissement depuis le CMSI " et n° 8 relatif à la " reprise en fonction ISS de la porte PFA 318 R+1 " recouvrent la même prestation ; qu'en ce qui concerne le point n° 23 relatif à " l'alimentation pompe de relevage local poubelles ", si la commune de Mulhouse soutient que cette somme a déjà été réglée dans le cadre de l'avenant n° 1, il n'est toutefois pas justifié que le poste relatif à " l'alimentation électrique complémentaire d'une pompe de relevage " prévu à cet avenant présente le même objet, alors d'ailleurs que son montant diffère ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté et la commune de Mulhouse ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Mulhouse à verser la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté une somme de 45 853,97 euros toutes taxes comprises au titre des travaux supplémentaires ;

En ce qui concerne l'indemnisation des surcoûts générés par la prolongation du délai d'exécution :

5. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique ;

6. Considérant, en premier lieu, que la société requérante se borne à soutenir que la commune de Mulhouse a commis une faute à l'origine de l'allongement de la durée d'exécution des travaux de plus du double de la durée initialement prévue, qui traduit nécessairement une défaillance dans la préparation, l'organisation et le suivi du chantier ; que, par ces simples allégations, la société n'établit pas que les difficultés d'exécution liée à l'allongement de la durée du chantier sont imputables à une faute de la commune de Mulhouse ;

7. Considérant, en second lieu, que la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté soutient que les difficultés d'exécution liées à l'allongement de la durée du marché ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat dès lors que les préjudices qu'elle estime avoir subis de ce fait représentent 700 000 euros, soit 28 % du montant du marché ; que, toutefois, à l'appui de sa demande, la société requérante se borne à invoquer le seul allongement de la durée d'exécution des travaux, sans faire état d'aucun élément de nature à établir que cette difficulté matérielle rencontrée dans l'exécution du marché présente un caractère exceptionnel, imprévisible lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des surcoûts générés par la prolongation du délai d'exécution du marché ;

Sur les intérêts moratoires :

9. Considérant que selon l'article 96 du code des marchés publics, le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder 45 jours et que le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration du délai ; que le point de départ du délai de paiement doit être fixé à la date à laquelle la réclamation que l'entrepreneur a introduite contre le décompte général a été reçue ; qu'il résulte de l'instruction que par réclamation du 12 mars 2008 la société a refusé d'accepter les termes du décompte général et a transmis un mémoire en réclamation à la commune de Mulhouse, réceptionné par cette dernière le 13 mars 2008 ; qu'il s'ensuit que la société a droit au versement des intérêts moratoires sur la base du taux d'intérêt légal en vigueur à la date du 27 avril 2008, date à laquelle les intérêts ont commencé à courir, majoré de deux points ainsi qu'il résulte des stipulations de l'article 3.8 du cahier des clauses administratives particulières du marché ;

Sur les conclusions d'appel incident présentées par la commune de Mulhouse :

10. Considérant, d'une part, que le présent arrêt confirme le jugement attaqué en tant qu'il a prononcé la condamnation de la commune de Mulhouse à verser à la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté une somme de 45 853,97 euros toutes taxes comprises au titre des travaux supplémentaires ; que, d'autre part, le présent arrêt, qui réforme le jugement attaqué en tant qu'il a fixé au 31 mars 2008 la date à laquelle cette somme était assortie des intérêts moratoires, implique par lui-même que la société rembourse à la commune de Mulhouse les sommes que celle-ci aurait versées en exécution de ce jugement ; que, dès lors les conclusions de la commune de Mulhouse tendant à ce que cette société soit condamnée par la cour à lui rembourser le trop perçu versé en exécution du jugement de première instance sont dépourvues d'objet et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Mulhouse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté le versement de la somme que la commune de Mulhouse demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté est rejetée.

Article 2 : Les intérêts moratoires assortissant la somme 45 823,97 euros toutes taxes comprises à laquelle a été condamnée la commune de Mulhouse par le jugement attaqué seront dus à compter du 27 avril 2008.

Article 3 : L'article 1er du jugement du 5 juin 2014 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Mulhouse est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Energie Alsace Franche Comté et à la Commune de Mulhouse.

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N° 14NC01571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01571
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : WALTER-GURY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-09-29;14nc01571 ?
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