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24/09/2015 | FRANCE | N°14NC02330

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 septembre 2015, 14NC02330


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...et Mme B...C..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés en date du 16 juin 2014 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer une carte de séjour temporaire, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés.

Par un jugement n° 1403928-1403931 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demand

es.

Procédure devant la cour :

I. Sous le n° 14NC02329, par une requête enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...et Mme B...C..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés en date du 16 juin 2014 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer une carte de séjour temporaire, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés.

Par un jugement n° 1403928-1403931 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Sous le n° 14NC02329, par une requête enregistrée le 30 décembre 2014, M. A...C..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 décembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 16 juin 2014 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 régit intégralement sa situation et les stipulations de l'article 9 de ce même accord n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; il n'exerce pas un emploi de boucher traditionnel, mais a été recruté par son employeur pour ses compétences spécifiques en matière de boucherie halal ; la décision attaquée, fondée sur un avis défavorable de la DIRECCTE qui ne tient cependant pas compte de la situation de l'emploi dans le secteur particulier de la boucherie halal, est irrégulière ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation de sa situation puisqu'il est indiqué dans la décision attaquée que son permis de résident en Espagne expire en 2014 et non en 2019 ;

- en vertu des dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile, il aurait pu bénéficier d'un titre de séjour de plein droit s'il avait présenté sa demande dans les trois mois de son entrée en France, ce qu'il n'a pas fait en raison de sa méconnaissance des dispositions applicables ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2015, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le requérant n'apporte aucun élément nouveau et invite la Cour à adopter les motifs retenus par les premiers juges ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

II. Sous le n° 14NC02330, par une requête enregistrée le 30 décembre 2014, Mme B...C..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 décembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 16 juin 2014 la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet a omis d'examiner sa situation au regard des dispositions de l'article L. 311-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne pouvait pas relever qu'elle ne disposait pas d'un permis de résident longue durée CE, alors qu'une telle condition n'est pas de celles posées par ce même article ;

- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2015, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requérante n'apporte aucun élément nouveau et invite la Cour à adopter les motifs retenus par les premiers juges ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Fuchs a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. et Mme A...et ZahraC..., ressortissants marocains nés respectivement le 3 mars 1988 et le 26 juin 1987, sont entrés en France en février 2012, selon leurs déclarations, M. C...étant alors titulaire d'un permis de séjour " résident de longue durée CE " et son épouse d'une carte de séjour temporaire ne comportant pas cette mention, les deux titres de séjour ayant été délivrés par les autorités espagnoles ; que le 9 avril 2014, le requérant a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié et son épouse un titre de séjour en qualité de conjointe d'une personne titulaire d'une carte de résident longue durée CE ; que, par deux arrêtés du 16 juin 2014, le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés ; que les requérants relèvent appel du jugement du 4 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

2. Considérant que les requêtes présentées par M. et Mme C...concernent la situation d'époux au regard de leur droit au séjour et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les décisions de refus de séjour :

En ce qui concerne le refus de séjour opposé à M.C... :

3. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et les autoriser à travailler en France comme les conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappellent respectivement leurs articles L. 111-2 et L. 5221-1, sous réserve des conventions internationales ; qu'en ce qui concerne les ressortissants marocains, l'article 3 de l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour en continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans (...) " ; que l'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'accord franco-marocain renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre ; qu'il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 cité ci-dessus délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités selon lesquelles et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " ; que l'article L. 5221-20 du même code dispose que : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ( ...) " ;

6. Considérant que si M. C...soutient disposer de compétences spécifiques dans le domaine de la boucherie halal, il ne l'établit pas ; que son contrat de travail ne fait au demeurant pas mention de cette spécificité ; qu'ainsi, il n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin ne pouvait lui opposer la situation de l'emploi dans le secteur de la boucherie traditionnelle en Alsace ; qu'ainsi, la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions et les stipulations précitées ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que le précédent titre du requérant, délivré par les autorités espagnoles et portant la mention " longue durée CE " avait expiré le 13 mai 2014 ; que s'il indique être en possession d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'en 2019, il n'est pas contesté que le requérant n'avait pas porté à la connaissance du préfet l'existence, à la date de la décision attaquée, de ce nouveau titre, lequel est dépourvu de la mention " CE ", privant ainsi le requérant de la possibilité d'invoquer les dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les moyens tirés de cette erreur de fait, qui est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, et de la méconnaissance de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent ainsi être écartés ;

En ce qui concerne le refus de séjour opposé à MmeC... :

8. Considérant d'une part, que Mme C...reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le tribunal administratif de Strasbourg ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

10. Considérant que Mme C...et son époux étaient présents sur le territoire depuis moins de trois ans à la date des arrêtés en litige ; qu'ils ne justifient pas de leurs attaches familiales ou de leur vie privée en France, ni de l'impossibilité d'établir la cellule familiale dans leur pays d'origine ou en Espagne, pays dans lequel ils sont légalement admissibles, où ils ont vécu de nombreuses années et où réside une partie de leur famille ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressée, le préfet, en adoptant la décision en litige, n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles cette décision a été prise ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;

Sur les obligations de quitter le territoire français :

11. Considérant que les requérants reprennent en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de l'exception d'illégalité des refus de titre de séjour à l'encontre des obligations de quitter le territoire français ainsi que de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces mesures d'éloignement sur leur situation personnelle ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le tribunal administratif de Strasbourg ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 14NC02329 - 14NC02330


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC02330
Date de la décision : 24/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : STOSKOPF

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-09-24;14nc02330 ?
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