La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2015 | FRANCE | N°14NC00331

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 25 juin 2015, 14NC00331


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC des Rocs a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 23 juin 2011 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a appliqué un taux de réduction de 20% sur le montant total des aides communautaires qu'il a perçues au titre de la campagne de 2009.

Par un jugement n°1101742 du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du préfet de la Haute-Marne du 23 juin 2011.

Procédure devant la cour :

Par

une requête et un mémoire, enregistrés le 21 février 2014 et le 26 septembre 2014, le ministre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC des Rocs a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 23 juin 2011 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a appliqué un taux de réduction de 20% sur le montant total des aides communautaires qu'il a perçues au titre de la campagne de 2009.

Par un jugement n°1101742 du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du préfet de la Haute-Marne du 23 juin 2011.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 février 2014 et le 26 septembre 2014, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 décembre 2013.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- les premiers juges ont méconnu l'étendue de leur office en considérant que le litige dont ils étaient saisis relevait du contentieux de l'excès de pouvoir ;

- la décision du 23 juin 2011 est suffisamment motivée ;

- le décret n°2009-499 relatif à la mise en oeuvre de la conditionnalité, qui n'est pas visé dans la décision du 23 juin 2011, est bien applicable aux éleveurs de bovins mais n'a pas modifié les règles relatives à la sanction contestée ;

- l'administration a fait une juste application de la réglementation européenne et n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant que le GAEC des Rocs avait commis une faute intentionnelle en attribuant le même numéro d'identification sur quatre boucles de deux bovins différents ;

- il ne peut être reproché au préfet de la Haute-Marne de n'avoir pas tenu compte du courrier du GAEC des Rocs dès lors que celui-ci n'a été reçu au sein de ses services qu'après expiration du délai imparti au GAEC pour présenter ses observations dans le cadre de la procédure contradictoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2014, le GAEC des Rocs, représenté par la SCP Badré Hyonne Sens-Salis Denis Roger, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- l'administration ne justifie pas avoir pris en compte son courrier d'observations adressé le 10 juin 2011 ;

- le décret n°2009-499 susvisé, visé à tort dans la décision contestée, ne concerne pas les élevages bovins ;

- la décision du 23 juin 2011 est dépourvue de base légale et est entachée d'une erreur d'appréciation.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'application immédiate de la loi répressive nouvelle plus douce.

Un mémoire, enregistré le 17 avril 2015, a été présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en réponse au moyen soulevé d'office par la cour.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 73-2009 du conseil du 19 janvier 2009 ;

- le règlement 1760/2000 du Parlement et du Conseil du 17 juillet 2000 ;

- Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- l'arrêté du 30 avril 2009 relatif à la mise en oeuvre de la conditionnalité au titre de l'année 2009 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public.

1. Considérant que, par une décision du 23 juin 2011, le préfet de la Haute Marne, à raison des anomalies constatées lors d'un contrôle sur place par les services de la direction départementale des territoires de la Haute-Marne, a signifié au GAEC des Rocs qu'un taux de réduction de 20 % serait appliqué à l'ensemble des aides agricoles européennes perçues par ce dernier au titre de la politique agricole commune pour la campagne 2009 ; que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt interjette appel du jugement du 17 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le GAEC des Rocs :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le ministre de l'agriculture a reçu notification du jugement attaqué le 20 décembre 2013 ; que sa requête a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 21 février 2014, soit dans le délai imparti par les dispositions précitées ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par le GAEC des Rocs doit être rejetée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article de l'article 23 du règlement (CE) 73/2009 du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs : " 1. Lorsque (...) les bonnes conditions agricoles et environnementales ne sont pas respectées à tout moment au cours d'une année civile donnée, ci-après dénommée "année civile concernée" et que la situation de non-respect en question est due à un acte ou à une omission directement imputable à l'agriculteur qui a présenté la demande d'aide durant l'année civile concernée, l'agriculteur concerné se voit appliquer une réduction du montant total des paiements directs octroyés ou à octroyer (...) " ; qu'au nombre des bonnes conditions agricoles et environnementales, l'annexe II au même règlement renvoie à l'article 4 du règlement 1760/2000 du Parlement et du Conseil du 17 juillet 2000 selon lequel tous les animaux d'une exploitation doivent être identifiés par une marque auriculaire, apposée sur chaque oreille et comportant un numéro unique ; qu'aux termes de l'article D. 341-10 du code rural et de la pêche maritime : " A compter de la date limite de dépôt de la demande et pendant toute la durée de son engagement, le bénéficiaire est tenu de respecter: (...) 2° Les exigences en matière de conditionnalité définies à la section 4 du chapitre V du titre Ier du livre VI du code rural, sur l'ensemble de son exploitation (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 341-14-1 du même code : " I.- Lorsque le bénéficiaire ne respecte pas, sur l'ensemble de son exploitation, les obligations définies au 2° de l'article D. 341-10, le préfet applique des réductions au montant total des paiements annuels mentionnés à l'article D. 341-21, selon les modalités définies aux articles D. 615-57 à D. 615-61. / (...) III.- Lorsque, dans le cadre du contrôle du respect des obligations mentionnées aux I et II, des cas de non-conformité sont constatés, le taux de réduction applicable est déterminé selon les modalités suivantes : / 1° Si, pour un sous-ensemble donné, plusieurs cas de non-conformité sont constatés, le pourcentage de réduction applicable correspond à celui des pourcentages affectés à ces cas dont la valeur est la plus élevée. (...) / Le préfet applique le taux de réduction au montant des paiements annuels mentionnés à l'article D. 341-21, selon les modalités définies au deuxième et au troisième alinéa de l'article D. 615-59 et à l'article D. 615-61 " ;

5. Considérant que pour contester la régularité du jugement attaqué, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt soutient que la décision attaquée revêt le caractère d'une sanction que l'administration inflige à un administré et qu'il appartenait en conséquence au tribunal, compte tenu des pouvoirs dont il disposait pour contrôler une sanction de cette nature, de se prononcer sur la contestation dont il était saisi comme juge de plein contentieux, et, en se plaçant à la date de son jugement, de prendre une décision se substituant à celle de l'administration ; qu'eu égard à sa nature, la décision portant réduction du montant total des paiements directs octroyés ou à octroyer, laquelle est prise à l'issue du contrôle administratif prévu par les dispositions précitées pour s'assurer que le bénéficiaire des aides agricoles au titre de la politique agricole commune respecte les règles de conditionnalité fixées par le droit de l'Union européenne et qui est ainsi accessoire au régime de subventions prévu en faveur des agriculteurs, n'est toutefois pas au nombre des sanctions que l'administration inflige à un administré dont la contestation relève du juge de plein contentieux ; que, dès lors, en se bornant à annuler la décision infligeant une telle sanction sans lui substituer une autre sanction prévue par les textes applicables, le tribunal administratif, qui était saisi d'un recours pour excès de pouvoir, n'a pas méconnu la mission juridictionnelle qui était la sienne ; que, par suite, le ministre chargé de l'agriculture n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité pour ce motif ;

Sur la légalité de la décision du 23 juin 2011 :

6. Considérant qu'aux termes de l'article D. 615-57 du code rural et de la pêche maritime : " I.-Pour l'application de l'article 23 du règlement du 19 janvier 2009 et des chapitres II et III du titre IV du règlement du 21 avril 2004 susmentionnés, un arrêté du ministre chargé de l'agriculture classe par domaines et sous-domaines subdivisés, le cas échéant, en points de contrôle l'ensemble des cas de non-conformité relatifs au respect des exigences réglementaires en matière de gestion mentionnées à l'article D. 615-45 ou des bonnes conditions agricoles et environnementales mentionnées à la sous-section 2. (...) V. L'arrêté mentionné au I affecte aux cas de non-conformité une valeur en pourcentage qui prend en compte leur gravité, leur étendue et leur persistance. (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 615-59 dudit code : " (...) Lorsqu'un cas de non-conformité intentionnelle est constaté, le taux de réduction est fixé à 20 %. Par décision motivée, pour des raisons justifiées au vu des résultats des contrôles et de la situation particulière de l'exploitant, ce taux peut être ramené à 15 % ou porté jusqu'à 100 %. Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture précise les cas dans lesquels une non-conformité est présumée intentionnelle (...) " ; qu'enfin, l'article 3 de l'arrêté susvisé du 30 avril 2009, pris pour l'application du troisième alinéa de l'article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime, mentionne, au nombre des cas de non-conformité présumés intentionnels au titre du domaine de contrôle " santé-productions animales ", et du sous-domaine " identification et enregistrement des bovins ", celui tiré de ce que le même numéro d'identification figure sur les quatre boucles de deux bovins ;

7. Considérant, d'une part, que pour appliquer un taux de réduction de 20% au montant total des aides directes communautaires versées au GAEC des Rocs au titre de la campagne de 2009, le préfet de la Haute-Marne, dans sa décision du 23 juin 2011, s'est fondé sur l'anomalie constituée par la présence sur deux animaux du même numéro d'identification sur chacune des quatre boucles ; qu'en se bornant à soutenir, sans l'établir, que ses représentants auraient commandé un bouclage l'avant-veille du contrôle, avant même d'en être avertis, puis auraient posé ce bouclage le jour du contrôle sans s'apercevoir que la marque de rebouclage comportait une erreur, le GAEC des Rocs ne peut être regardé comme apportant suffisamment d'éléments de nature à renverser la présomption du caractère intentionnel du manquement relevé ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a retenu le caractère non intentionnel du manquement précité pour prononcer l'annulation de la décision du 23 juin 2011 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a signifié au GAEC des Rocs qu'un taux de réduction de 20 % serait appliqué à l'ensemble des aides agricoles européennes perçues par ce dernier au titre de la politique agricole commune pour la campagne 2009 ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le GAEC des Rocs devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent et notamment celles qui revêtent le caractère d'une sanction ; que la décision du 23 juin 2011 renvoie notamment à la section 4 du chapitre 1er du titre IV du livre VI de la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime, ainsi qu'à l'arrêté susvisé du 30 avril 2009 ; que la décision contestée est ainsi suffisamment motivée en droit au regard des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que le GAEC des Rocs, invité à présenter ses observations sur la décision que le préfet de la Haute-Marne envisageait de prendre, n'a adressé ses observations que par un courrier du 10 juin 2011, parvenu au service le 28 juin 2011, soit postérieurement à la date de la décision attaquée ; que, par suite, le GAEC des Rocs ne peut utilement soutenir que le préfet de la Haute-Marne aurait entaché sa décision d'une erreur de droit en refusant d'examiner ces observations ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'une omission ou une erreur dans les visas d'un acte administratif ne sont pas de nature à en affecter la légalité ; que, dès lors, le GAEC des Rocs ne peut utilement se prévaloir d'une erreur concernant les visas de la décision attaquée, lesquels ne font au demeurant pas référence, contrairement à ce que soutient le GAEC des Rocs, au décret du 30 avril 2009 relatif à la mise en oeuvre de la conditionnalité ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions de l'article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime, combinées aux dispositions susrappelées de l'article 3 de l'arrêté du 30 avril 2009, permettent au préfet d'appliquer un taux de réduction de 20 % lorsqu'un cas de non-conformité intentionnelle est constaté ; que, par suite, le GAEC des Rocs n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait dépourvue de base légale :

13. Considérant, en dernier lieu, qu'outre l'anomalie qualifiée d'intentionnelle constituée par la présence sur deux animaux du même numéro d'identification sur chacune des quatre boucles, le préfet de la Haute-Marne a également relevé l'existence de trois autres anomalies dans la tenue du registre des bovins ou dans la tenue des passeports bovins ; que le GAEC des Rocs, qui se borne à soutenir que le premier manquement n'était pas intentionnel, n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'au vu des résultats des contrôles et de la situation particulière de l'exploitant, le taux de réduction des aides agricoles européennes aurait dû être inférieur à 20 % ; que, par suite, le préfet a pu légalement en l'espèce fixer à 20% le taux de réduction des aides octroyées ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du préfet de la Haute-Marne du 23 juin 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au GAEC des Rocs la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 décembre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le GAEC des Rocs devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du GAEC des Rocs tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, et au GAEC des Rocs.

''

''

''

''

2

N°14NC00331


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00331
Date de la décision : 25/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-06 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS SANIAL DENIS ROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-06-25;14nc00331 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award