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29/01/2015 | FRANCE | N°14NC00481

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2015, 14NC00481


Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2014, complétée par un mémoire enregistré le

28 octobre 2014, présentés pour M. D...G..., demeurant..., M. C...E..., demeurant ... et Mme F...B..., demeurant..., par Me A...;

Les requérants demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101419 du 28 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la dégradation de leurs propriétés en raison des travaux effectués sur le site de

la faculté des sciences de l'université de Nancy au cours de l'année 1968 ;

2°) à ti...

Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2014, complétée par un mémoire enregistré le

28 octobre 2014, présentés pour M. D...G..., demeurant..., M. C...E..., demeurant ... et Mme F...B..., demeurant..., par Me A...;

Les requérants demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101419 du 28 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la dégradation de leurs propriétés en raison des travaux effectués sur le site de la faculté des sciences de l'université de Nancy au cours de l'année 1968 ;

2°) à titre principal, de condamner l'Etat à leur verser, à chacun, la somme de

150 000 euros en réparation de ces préjudices ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise et de surseoir à statuer sur leur requête dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à chacun des requérants ;

Ils soutiennent que :

- le rapport de l'expert commis par le tribunal administratif de Nancy présente de nombreuses insuffisances, tant au regard de la méthode employée que de la qualité des données récoltées ;

- l'expert n'a pas répondu à la mission qui lui avait été confiée par ordonnance du tribunal administratif de Nancy ;

- les résultats de ses investigations n'ont pas été soumis par l'expert aux parties, les privant d'éléments de discussion essentiels ;

- les désordres constatés sont consécutifs aux travaux réalisés en 1968 lors desquels les sols ont été retournés et les argiles ont été charriés et mis à l'air, ces circonstances conduisant à accentuer, du fait d'un phénomène de fluage, les phénomènes de retrait-gonflement des argiles et à modifier en profondeur le profil du terrain ;

- les premiers juges ne pouvaient écarter les résultats des sondages effectués par la société Fondasol au motif qu'ils concernent une zone située à l'opposé de celle en cause ;

- le rapport de la société Saretec du 28 février 2005 tempère fortement les conclusions du rapport de l'expert mandaté par le tribunal administratif de Nancy et remet en cause la méthode utilisée par cet expert ;

- l'étude du centre d'études techniques de l'équipement de l'Est réalisée en août 2013 confirme la présence de mouvements de terrains qu'il impute à plusieurs paramètres et ne permet pas d'exclure que la formation de pentes sur marnes ait pu être générée par les travaux d'excavation effectués en 1968 ;

- en classant la zone en risque d'aléas forts, les services de l'Etat ont eux-mêmes, bien que tardivement, tiré la conséquence sur un plan urbanistique de la situation dénoncée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 août 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'expert s'est conformé à la mission qui lui avait été assignée ;

- il était libre choisir les moyens techniques qui lui semblaient les plus adaptés pour répondre à la demande du juge des référés ;

- les requérants n'établissent pas que les désordres seraient dus aux travaux réalisés en 1968 ;

- le rapport de la société Saretec en date du 28 février 2005 confirme les conclusions de l'expert sur l'absence de lien entre les travaux effectués et les préjudices subis par les requérants, sans qu' ait d'incidence sur cette conclusion la mention selon laquelle certaines investigations auraient pu être approfondies ;

- le rapport du centre d'études techniques de l'équipement de l'Est d'août 2013 ne permet pas d'établir que les désordres auraient leur origine dans les travaux effectués en 1968 ;

- il renvoie, pour le reste, à ses écritures de première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 décembre 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des propriétés des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 :

- le rapport de M. Fuchs, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour les requérants ;

1. Considérant que les requérants relèvent appel du jugement du 28 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à ce que l'Etat les indemnise des préjudices subis en raison des dégradations de leurs propriétés qu'ils imputent aux travaux effectués sur le site de la faculté des sciences de l'université de Nancy au cours de l'année 1968 ;

Sur la régularité de l'expertise :

2. Considérant, en premier lieu, que si les requérants soutiennent que l'expert n'a pas communiqué aux parties certains résultats des mesures qu'il avait effectuées, aucune pièce au dossier ne permet de l'établir ; qu'au demeurant, ces résultats étaient joints au rapport d'expertise qui a pu être débattu après son dépôt au greffe du tribunal et avant que les premiers juges ne se prononcent sur le fond de l'affaire ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de caractère contradictoire de l'expertise ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, qu'il ressort du contenu même du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nancy que celui-ci s'est conformé à la mission qui lui avait été confiée par l'ordonnance du 21 juillet 2003 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les méthodes employées pour mener à bien cette mission auraient été inadéquates, en particulier en ce qui concerne la durée des mesures réalisées et l'absence de pose d'un troisième inclinomètre sur le terrain ;

4. Considérant qu'il suit de là que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité à raison des opérations d'expertise ;

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Considérant que les travaux entrepris par les personnes publiques peuvent, même en l'absence de faute, engager leur responsabilité lorsque la victime, tiers par rapport aux travaux, démontre qu'il existe un lien de causalité entre la réalisation des travaux publics et le dommage anormal et spécial qu'elle a subi ;

6. Considérant que les travaux de terrassement entrepris par l'Etat, au mois de novembre 1968, sur le campus universitaire des Aiguillettes à Vandoeuvre-lès-Nancy, ont provoqué un glissement de terrain qui a endommagé les clôtures et jardins des propriétés riveraines ; qu'un mur de soutènement a été édifié, permettant de mettre un terme aux désordres alors observés ; que de nouvelles dégradations étant apparues dans les propriétés des requérants à partir de 1998, qu'ils imputent aux travaux réalisés en 1968, les intéressés en demandent réparation ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport, déposé le 27 janvier 2005, de l'expert missionné par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nancy, que les désordres constatés dans les propriétés des requérants ne trouvent pas leur origine dans la déformation du terrain sur lequel se sont déroulés les travaux litigieux, qui est stable depuis l'édification, en 1968, d'un mur de soutènement, mais que ces dégradations résultent de mouvements de terrain consécutifs à une variation de la teneur en eau des argiles présents dans les couches géologiques supérieures, selon un phénomène dit de " retrait-gonflement " ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ni le rapport du 28 février 2005 de la société Saretec, mandatée par l'assureur de M.E..., ni le rapport établi en août 2013 par le centre d'études techniques de l'équipement de l'Est, ni la qualification postérieure du terrain en zone d'aléas forts ne contredisent les conclusions exprimées par l'expert désigné par le tribunal administratif et ne permettent de regarder les désordres constatés comme étant en lien avec les travaux réalisés en 1968 ; qu'en particulier, si le rapport du centre d'études techniques de l'équipement de l'Est fait ressortir que l'existence d'un glissement de terrain sur la partie supérieure du sol sur lequel se situent les propriétés des requérants est imputable à la déclivité du terrain, à la formation de pentes sur marnes et à la présence de nombreuses sources dans le sol, il n'en résulte nullement que la formation de pentes sur marnes pourrait être elle-même imputable aux travaux réalisés en 1968 ; que les éléments versés au dossier ne permettent pas non plus de valider l'hypothèse des requérants selon laquelle les désordres résulteraient de ces travaux ou auraient été aggravés par ceux-ci, à la fois en raison d'une mise en contact direct des sols avec l'eau de pluie, du fait des excavations alors réalisées, et d'un assèchement plus rapide des terres en période de faible pluviométrie, consécutive aux modifications du profil du terrain et des sols ; qu'enfin, aucun élément ne permet de mettre en lien le début de glissement de terrain, détecté en 2008, qui s'est produit dans une partie du talus sur lequel se sont déroulés les travaux, avec les désordres constatés dans la propriété des intéressés ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée en l'absence de lien de causalité entre les travaux réalisés en 1968 et les préjudices dont se prévalent les requérants ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. G...et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. G...et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...G..., à M. C...E..., à Mme F...B...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée pour information au recteur de l'académie de Nancy-Metz et au président de l'université de Lorraine.

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N° 14NC00481


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00481
Date de la décision : 29/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité - Qualité de tiers.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Lien de causalité - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP SCHAF-CODOGNET VERRA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-01-29;14nc00481 ?
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