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13/11/2014 | FRANCE | N°13NC02196

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2014, 13NC02196


Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2013, complété par un mémoire enregistré le 2 octobre 2014, présentés pour M. C...F...et Mme A...F..., demeurant..., par MeB... ;

M. et Mme F...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100506 du 28 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à la condamnation du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ou de l'Etat à leur verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis par leur propriété en raison d'affaisseme

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Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2013, complété par un mémoire enregistré le 2 octobre 2014, présentés pour M. C...F...et Mme A...F..., demeurant..., par MeB... ;

M. et Mme F...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100506 du 28 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à la condamnation du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ou de l'Etat à leur verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis par leur propriété en raison d'affaissements miniers et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise à l'effet de déterminer l'étendue des dommages ;

2°) à titre principal, de condamner le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ou, à défaut, l'Etat à leur verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices résultant de ce sinistre minier, ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts à compter du 24 avril 2001 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer et de chiffrer l'étendue des dommages matériels directs et substantiels subis par leur propriété à la suite des affaissements miniers et de condamner le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ou, à défaut, l'Etat, à leur verser la somme de 21 661 euros à titre de provision, ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts à compter du 24 avril 2001 ;

4°) de mettre les dépens à la charge du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ou, à défaut, de l'Etat ;

5°) de mettre à la charge du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ou, à défaut, de l'Etat, la somme de 1 500 euros par application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. et Mme F...soutiennent que :

- l'arrêté du 1er juin 2007 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a reconnu l'état de sinistre minier de leur habitation est une décision individuelle créatrice de droits devenue aujourd'hui définitive ;

- le préfet de Meurthe-et-Moselle ayant définitivement admis que les conditions du II de l'article 75-2 du code minier alors applicables étaient réunies, la seule discussion portée devant le tribunal administratif était celle du montant de l'indemnisation ;

- les rapports d'expertise en date des 24 avril 2001 et 16 septembre 2002, et le compte-rendu de visite établi par M. E...le 22 avril 2009, expert désigné par ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Briey le 8 avril 2008, ne pouvaient être utilement pris en compte par le tribunal administratif ;

- le rapport du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages en date du 24 avril 2007, seul rapport d'expertise en lien avec l'objet du litige, présente de nombreuses insuffisances dans l'évaluation du montant des dommages subis ;

- si le II de l'article 75-2 du code minier prévoit l'indemnisation des seuls dommages matériels directs et substantiels, l'article L. 421-17 du code des assurances dispose que l'indemnisation doit assurer la réparation intégrale de ces dommages ;

- il doit être tenu compte des réparations qu'ils ont déjà effectuées ;

- ils sont fondés à solliciter la somme de 100 000 euros en réparation des dommages subis ;

- le chiffrage proposé par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages est une estimation plancher, une provision de 21 661 euros devant leur être accordée si une expertise judiciaire était ordonnée ;

- les intérêts et la capitalisation des intérêts demandés devront courir à compter du 24 avril 2001, date du premier rapport de la direction régionale de l'environnement prouvant l'existence d'une demande d'indemnisation antérieure ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2014, présenté pour le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, représenté par son directeur général, par la SELAFA Cabinet Cassel, qui conclut au rejet de la requête ;

Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages fait valoir que :

- les demandes, en tant qu'elles sont dirigées contre le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- il résulte des quatre expertises contradictoires déjà réalisées, qui ne révèlent aucune évolution notable des préjudices sur une durée de dix années, que les dommages affectant la propriété des époux sont minimes et ne menacent pas la solidité de l'immeuble ;

- l'indemnisation proposée était juste et équitable ;

- la nouvelle demande d'expertise est frustratoire ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 août 2014, présenté pour le ministre chargé de l'économie et de l'industrie, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre chargé de l'économie et de l'industrie fait valoir que :

- seuls les dommages substantiels peuvent faire l'objet d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale en cas de sinistre minier ;

- il résulte de l'ensemble des expertises que les dommages matériels directs et substantiels, qui ont pour cause un sinistre minier, se chiffrent en l'espèce à 21 661 euros, les travaux de peinture, d'arrachage et de pose de papier peint, de réfection d'allées, d'une plate-forme wagon et d'une fumière, ainsi que le ravalement de façades n'étant pas susceptibles d'entrer dans l'assiette d'une indemnisation accordée au titre des dispositions du code minier ;

- une nouvelle expertise n'est pas utile ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 octobre 2013, admettant M. et Mme F... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code minier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 :

- le rapport de M. Fuchs, premier conseiller,

- les conclusions de Robert Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me D...pour le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ;

1. Considérant que M. et Mme F...ont, par acte signé le 9 janvier 1981, acquis une maison d'habitation sise 1 bis, rue Jules Ferry à Joudreville, de la société des mines de fer du Nord-Est ; que des dégradations, que les intéressés imputent à un effondrement minier, ont été constatées sur cet immeuble à partir de la fin des années 1990 ; que le préfet de Meurthe-et-Moselle ayant, par arrêté du 1er juin 2007, constaté l'état de sinistre minier affectant l'habitation des requérants, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages leur a proposé une indemnité de 21 661 euros, que ceux-ci ont refusée ; qu'ils relèvent appel du jugement du 28 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de cet effondrement minier et sollicitent la condamnation du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ou de l'Etat à leur verser la somme de 100 000 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si les requérants soutiennent que le tribunal administratif de Nancy ne pouvait se fonder sur les conclusions des rapports d'expertise remis les 24 avril 2001 et 16 septembre 2002, ils n'invoquent aucun moyen de nature à remettre en cause la régularité de ces expertises ; que, par ailleurs, si le compte-rendu de visite établi par l'expert désigné par le tribunal de grande instance, saisi en référé le 22 avril 2009, qui contient des constatations de fait dont l'exactitude n'est pas contestée et qui a été versé au débat contradictoire, ne constitue pas un rapport d'expertise, ni un pré-rapport, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce qu'il puisse être valablement pris en compte à titre d'élément d'information ; que, dès lors, les premiers juges n'ont commis aucune irrégularité en fondant leur décision sur ces différents documents ;

3. Considérant que le juge administratif n'est compétent pour connaître des litiges relatifs aux dommages causés par une personne morale de droit privé que si ces dommages se rattachent à l'exercice par cette personne de prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle a été investie ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-2 du code des assurances : " Le fonds de garantie est une personne morale de droit privé. Il groupe toutes les entreprises d'assurance agréées en France et soumises au contrôle de l'Etat en vertu de l'article L. 310-1 qui couvrent les risques faisant l'objet d'une obligation d'assurance en vertu d'une disposition législative ou réglementaire. Il groupe également l'ensemble des entreprises qui offrent des garanties en matière d'assurance automobile et de chasse " ; que si le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages est investi d'une mission de service public lorsqu'il met en oeuvre les dispositions de l'article L. 421-17 du code des assurances, en vertu desquelles il participe à l'indemnisation des dommages résultant d'une activité minière, il ne dispose toutefois d'aucune prérogative de puissance publique ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a omis de statuer sur la compétence de la juridiction administrative en ce qui concerne les conclusions indemnitaires dirigées contre le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et, statuant par voie d'évocation, de rejeter ces conclusions comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

5. Considérant qu'il y a lieu de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. et Mme F...devant le tribunal administratif de Nancy ;

Sur les conclusions indemnitaires dirigées contre l'Etat :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 155-3 du code minier : " L'explorateur ou l'exploitant ou, à défaut, le titulaire du titre minier est responsable des dommages causés par son activité (...) " ; que selon l'article L. 155-4 du même code : " Dans un contrat de mutation immobilière conclu, après le 17 juillet 1994, avec une collectivité territoriale ou avec une personne physique non professionnelle, toute clause exonérant l'exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité minière est frappée de nullité d'ordre public " ; qu'en vertu de l'article L. 155-5 du même code : " Lorsqu'une clause exonérant l'exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité minière a été valablement insérée dans un contrat de mutation immobilière conclu avec une collectivité territoriale ou une personne physique non professionnelle, l'Etat assure dans les meilleurs délais l'indemnisation des dommages matériels directs et substantiels qui n'auraient pas été couverts par une autre contribution et qui ont pour cause déterminante un sinistre minier. Il est subrogé dans les droits des victimes nés de ce sinistre à concurrence des sommes qu'il serait amené à verser en application du présent alinéa. / Un sinistre minier se définit, au sens du présent article, comme un affaissement ou un accident miniers soudains ne trouvant pas leur origine dans des causes naturelles et provoquant la ruine d'un ou de plusieurs immeubles bâtis ou y occasionnant des dommages dont la réparation équivaut à une reconstruction totale ou partielle. Cet affaissement ou cet accident est constaté par le représentant de l'Etat qui prononce à cet effet l'état de sinistre minier " ; que l'article L. 421-17 du code des assurances, qui confie au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la mission d'indemniser " toute personne propriétaire d'un immeuble ayant subi des dommages, survenus à compter du 1er septembre 1998, résultant d'une activité minière présente ou passée alors qu'il était occupé à titre d'habitation principale ", dispose en outre que : " Toutefois, lorsque l'immeuble a été acquis par mutation et qu'une clause exonérant l'exploitant minier de sa responsabilité a été valablement insérée dans le contrat de mutation, seuls les dommages visés à l'article L. 155-5 du code minier subis du fait d'un sinistre minier au sens dudit article, constaté par le représentant de l'Etat, sont indemnisés par le fonds " ;

7. Considérant que les dispositions précitées du code minier ont pour objet, lorsque, comme en l'espèce, une clause exonérant l'exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité minière a été valablement insérée dans un contrat de mutation immobilière conclu, notamment, avec une personne physique non professionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la réparation des dommages matériels direct et substantiels causés par un sinistre minier, dont l'existence est constatée par le représentant de l'Etat ;

8. Considérant qu'il ressort de l'article L. 155-5 du code minier qu'un sinistre minier est défini comme " un affaissement ou un accident minier soudains, ne trouvant pas son origine dans des causes naturelles et provoquant la ruine d'un ou de plusieurs immeubles bâtis ou y occasionnant des dommages dont la réparation équivaut à une reconstruction totale ou partielle " ; que le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 1er juin 2007, constaté l'état de sinistre minier affectant l'habitation de M. et MmeF... ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise en date des 24 avril 2001, 16 septembre 2002 et 24 avril 2007, ainsi que du chiffrage réalisé par un maître d'oeuvre en bâtiment à la demande des requérants, le 20 juin 2003, que les désordres constatés ne portent pas atteinte à la solidité du bâti, ne nécessitent pas de reconstruction totale ou partielle et ne rendent pas les locaux impropres à leur destination ; que si l'expertise du 24 avril 2001, comme le chiffrage réalisé le 20 juin 2003, soulignent que les désordres constatés portent néanmoins atteinte à la solidité du double garage situé côté jardin, l'expertise ordonnée par le Fonds de garantie des assurances obligatoires des dommages en 2007 fait état, pour ce bâtiment, d'un traitement des fissures, consistant notamment en une ouverture et un rebouchage de celles-ci, qui ne peut être regardé comme équivalent à une reconstruction totale ou partielle de celui-ci ; qu'en outre, les requérants n'établissent pas que ce bâtiment serait depuis lors tombé en ruine ou qu'il nécessiterait une telle reconstruction ; qu'enfin, si les requérants soutiennent que les désordres se sont aggravés, il n'apportent pas d'éléments précis et circonstanciés au soutien de ces allégations, qui ne ressortent pas non plus du compte-rendu de visite établi le 22 avril 2009 par l'expert désigné par le tribunal de grande instance saisi en référé ; qu'ainsi, les désordres allégués, qui n'ont pas causé la ruine de l'habitation des requérants ou occasionné des dommages dont la réparation nécessiterait une reconstruction totale ou partielle, ne constituent pas un sinistre minier au sens des dispositions précitées de l'article L. 155-5 du code minier ; que si M. et Mme F... font valoir que le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 1er juin 2007, constaté l'état de sinistre minier au profit de leur habitation, cet acte a un caractère recognitif et n'a donc pu créer de droits dont ils pourraient utilement se prévaloir ; qu'en conséquence, les requérants ne sont pas fondés à demander, sur le fondement du régime applicable aux sinistres miniers, l'indemnisation de leurs dommages par l'Etat ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la compétence de la juridiction administrative en ce qui concerne les conclusions indemnitaires de M. et Mme F...dirigées contre le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.

Article 2 : Les conclusions de M. et Mme F...dirigées contre le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme F... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F..., à Mme A...F..., au ministre de l'économie et de l'industrie et au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.

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N° 13NC02196


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC02196
Date de la décision : 13/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs - Actes non créateurs de droits.

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel.

Mines et carrières - Mines.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : L'HOTE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-11-13;13nc02196 ?
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