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07/02/2013 | FRANCE | N°12NC01244

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 février 2013, 12NC01244


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 17 juillet 2012, présentée pour la Caisse d'allocations familiales (CAF) du Territoire de Belfort, représentée par son représentant légal, élisant domicile 12 rue Strolz à Belfort (90000), par Me Saïah, avocat ;

La CAF du Territoire de Belfort demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100191 en date du 21 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Chèvremont à lui verser la somme de 30 339,60 euros assortie des intérêts au

taux légal à compter du 20 octobre 2010 et des intérêts capitalisés ;

2°) de co...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 17 juillet 2012, présentée pour la Caisse d'allocations familiales (CAF) du Territoire de Belfort, représentée par son représentant légal, élisant domicile 12 rue Strolz à Belfort (90000), par Me Saïah, avocat ;

La CAF du Territoire de Belfort demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100191 en date du 21 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Chèvremont à lui verser la somme de 30 339,60 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2010 et des intérêts capitalisés ;

2°) de condamner la commune de Chèvremont à lui verser la somme de 30 339,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2010 et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chèvremont la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le fondement juridique de sa demande devant le Tribunal administratif repose sur l'utilisation non conforme aux conventions des fonds et financements qu'elle a versés à la commune ; sa requête est fondée sur la répétition de l'indu contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal administratif qui s'est placé sur le terrain de la faute ; l'action de la CAF contre la commune est recevable dès lors que M. Dintzer est insolvable, que la commune pourra se retourner contre lui, dès lors qu'elle dispose d'une action récursoire contre son agent ;

- son action n'est pas prescrite ;

- les fonds en litige ont été perçus par la commune ;

- il appartient à la commune de rapporter la preuve de l'utilisation des prestations attribuées au titre des différentes conventions qui ont lié la commune et la CAF entre 2002 et 2004 ;

- elle justifie du montant des sommes à restituer ;

- elle n'a commis aucune faute dans la gestion des dossiers ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2012, présenté pour la commune de Chèvremont, représentée par son maire, élisant domicile à l'hôtel de ville 2 rue de l'Eglise à Chèvremont, par Me Guichard, avocat ;

Elle conclut au rejet de la requête et à mettre à la charge de la caisse d'allocations familiales la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande de la caisse d'allocations familiales est irrecevable dès lors qu'elle ne fonde son action que sur l'insolvabilité actuelle de M. Dintzer, et qu'elle ne justifie pas de l'évolution de sa créance ;

- l'action en répétition de l'indu se prescrit par cinq ans, et à la date à laquelle l'action a été engagée, la prescription est acquise dès lors qu'elle n'a pas été partie à la procédure pénale ;

- l'action de la CAF est mal fondée dès lors qu'elle ne rapporte la preuve ni que les fonds ont été versés sur les comptes de la commune, ni que les conventions ont été inexécutées par la commune ;

- la CAF a commis des fautes dans la gestion des dossiers dès lors qu'elle n'a jamais utilisé ses pouvoirs de contrôle tels que prévus par les conventions signées ;

Vu le mémoire en date du 14 janvier 2013, présenté par la Caisse d'allocations familiale du Territoire de Belfort, parvenu après clôture ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2013 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Saïah, avocat de la Caisse d'allocations familiales du Territoire de Belfort ;

1. Considérant que, par un jugement du 26 février 2010, devenu définitif, le Tribunal de grande instance de Belfort, statuant sur l'action civile présentée par la Caisse d'allocations familiales du Territoire de Belfort à l'encontre de M. Dintzer, secrétaire général de la commune de Chèvremont, a condamné ce dernier à payer à ladite caisse d'allocations familiales une somme de 30 339,60 euros au titre de dommages et intérêts et représentant le préjudice résultant de faux états déclaratifs de la fréquentation de l'activité informatique pour les années 2002 à 2004, de l'accueil d'enfants de l'année 2002 et de l'activité périscolaire de 2004 pendant les vacances d'été, sur le fondement desquels elle avait versé des prestations au profit de la commune de Chèvremont ; que la Caisse d'allocations familiales a demandé au Tribunal administratif de condamner la commune de Chèvremont à lui rembourser la somme de 30 339,60 euros correspondant à des fonds versés par elle à titre de subventions en vertu de huit conventions conclues entre 2002 et 2010 ; que par le jugement litigieux, le Tribunal administratif a rejeté sa demande ; que la Caisse d'allocation familiales du Territoire de Belfort fait appel ;

2. Considérant que la seule circonstance qu'une victime obtienne une condamnation d'une personne devant le juge judiciaire ne fait pas obstacle à ce qu'elle recherche la responsabilité d'une autre personne devant la juridiction administrative pour obtenir la réparation du même préjudice ; qu'il appartient seulement au juge administratif, lorsqu'il détermine le montant des indemnités allouées par lui, de prendre, au besoin d'office, les mesures nécessaires pour que sa décision n'ait pas pour effet de procurer à la victime d'un dommage, par les indemnités qu'elle a pu obtenir à raison des mêmes faits, une réparation supérieure au préjudice subi ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la demande de la Caisse d'allocations familiales du Territoire de Belfort n'était pas recevable dès lors que par jugement du tribunal correctionnel, le secrétaire général de la commune avait été condamné à verser à la caisse d'allocations familiales la somme de 30 339,60 euros ; que, par suite, la Caisse d'allocations familiales du Territoire de Belfort est fondée à soutenir que le jugement qu'elle critique doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée devant le Tribunal administratif de Besançon par la Caisse d'allocations familiales du Territoire de Belfort ;

Sur l'exception de prescription :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1 de la loi n° 68-1250 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. " ; qu'aux termes de l'article 2 de ladite loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ; Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite loi : "La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement" ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la caisse d'allocations familiales était en mesure de connaître l'origine de son dommage au plus tard le 28 janvier 2008, date à laquelle, dans le cadre de la réquisition judiciaire, elle a pu constater des écarts entre les états déclaratifs sur la base desquels ont été versées les aides et les données effectives trouvées par la gendarmerie à l'occasion de l'enquête pénale ; que la seule circonstance que sa créance soit en lien avec des aides versées entre 2002 et 2004, est sans incidence sur l'appréciation du point de départ de la prescription, dès lors qu'elle n'était pas en mesure, à ces dates, de connaître l'existence de sa créance à l'égard de la commune ; que, par suite le délai de prescription n'a commencé à courir qu'à compter du 1er janvier 2009, et, à la date à laquelle la caisse d'allocation familiale a saisi la commune d'une demande de remboursement, à savoir en octobre 2010, les créances n'étaient pas prescrites ; qu'il ressort de ce qui précède que l'exception de prescription opposée par la commune doit être écartée ;

Sur la responsabilité :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la Caisse d'allocations familiales du Territoire de Belfort a conclu avec la commune de Chèvremont, en 2002, une " convention prestation de service " pour la crèche/halte garderie, un " contrat enfance " pour la période de 2002 à 2005 pour le périscolaire et le centre de loisirs, et un contrat " temps libres " pour l'activité informatique pour la période de 2000 à 2005 ; qu'il ressort des procès verbaux de gendarmerie produits, que si le secrétaire général de la commune a détourné des fonds en raison de données falsifiées s'agissant du taux de fréquentation de la crèche-halte-garderie au titre de l'année 2002, du périscolaire et du centre de loisirs au titre des années 2002, 2003 et 2004, lesdits fonds ont tous transité par le budget de la commune qui a perçu une aide supérieure à celle qu'elle était en droit de bénéficier ; que si la commune soutient que la caisse d'allocations familiales a commis une faute en n'usant pas de ses pouvoirs de contrôle, un tel moyen sera écarté, dès lors qu'il ressort des courriers échangés en 2003 et 2004 entre les parties que ladite caisse s'interrogeait déjà sur le coût élevé des services ; qu'il s'ensuit que la Caisse d'allocations familiales du Territoire de Belfort est fondée à demander la condamnation de la commune de Chèvremont à l'indemniser du préjudice subi du fait du versement de prestations qui n'étaient pas dues ;

Sur l'évaluation du préjudice :

7. Considérant que l'étendue des réparations incombant à une personne publique ne dépend pas de l'évaluation faite par l'autorité judiciaire dans un litige dans lequel cette personne n'était pas partie, mais doit être déterminée par le juge administratif compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes ayant passé un contrat de droit public ; qu'il résulte de l'instruction que les préjudices subis par la caisse peuvent être évalués à 30 339,60 euros, comme l'a d'ailleurs jugé le Tribunal de Grande Instance de Belfort ; que, par suite, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Chèvremont la somme de 30 339,60 euros, sous réserve qu'elle soit subrogée dans les droits détenus par la caisse d'allocations familiales à l'encontre de M. Dintzer ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

8. Considérant que la somme précitée de 30 339,60 euros doit porter intérêt au taux légal à compter du 20 octobre 2010, date à laquelle la commune a réceptionné la demande d'indemnités présentée par la caisse d'allocations familiales ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 8 février 2011 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à la date du 20 octobre 2011, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse d'allocations familiales du Territoire de Belfort est fondée à demander l'annulation du jugement n° 1100191 en date du 21 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Chèvremont à lui verser la somme de 30 339,60 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2010 et des intérêts capitalisés ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Chèvremont le paiement de la somme de 1 500 euros au bénéfice de la Caisse d'allocations familiales du Territoire de Belfort au titre des dispositions précitées ;

12. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Caisse d'allocations familiales du Territoire de Belfort, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Chèvremont au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1100191 du 21 juin 2012 du Tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : La commune de Chèvremont est condamnée à verser à la Caisse d'allocations familiales du Territoire de Belfort la somme de 30 339,60 euros avec intérêt au taux légal à compter du 20 octobre 2010, sous réserve que le paiement en sera subordonné à la subrogation de la commune, à concurrence de cette somme, dans les droits de la Caisse d'allocations familiales à l'encontre de M. Dinzler. Les intérêts échus le 20 octobre 2011 seront capitalisés à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La commune de Chèvremont versera à la Caisse d'allocations familiales du Territoire de Belfort une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Caisse d'allocations familiales du Tterritoire de Belfort et à la commune de Chèvremont.

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