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17/01/2013 | FRANCE | N°12NC00613

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 17 janvier 2013, 12NC00613


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 avril 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant chez..., par Me Koehl, avocat ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103303 en date du 27 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 14 mars 2011 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du

14 mars 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de sé...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 avril 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant chez..., par Me Koehl, avocat ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103303 en date du 27 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 14 mars 2011 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 14 mars 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour conformément aux dispositions de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- le Tribunal n'a pas relevé ces moyens ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne des sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2012, présenté par le préfet du Haut-Rhin ;

Il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la décision est suffisamment motivée ;

- il n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour ;

-la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'ont pas été méconnues et il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu, en date du 8 mars 2012, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle admettant Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et désignant Me Koehl pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant que Mme B...soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en omettant de répondre aux moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision et de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ; qu'il ressort cependant du mémoire produit en première instance que ces moyens n'ont pas été invoqués ; que, par suite, les premiers juges n'ont pas entaché le jugement attaqué d'un défaut de réponse à moyens ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Considérant que l'arrêté litigieux portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, comporte les circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation dudit arrêté manque en fait ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d 'origine ;

5. Considérant que le médecin inspecteur de santé publique, dans son avis du 22 février 2011 sur lequel le préfet du Haut-Rhin s'est fondé pour prendre la décision contestée, a estimé que " l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, les soins nécessités par son état de santé doivent, en l'état actuel, être poursuivis pour une durée indéterminée, et l'état de santé de l'intéressée lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine" ; qu'à l'appui de sa demande, Mme B...produit un certificat médical en date du 5 mars 2012, postérieur à la décision litigieuse, établi par un psychiatre, qui se borne à souligner que " l'équilibre psychique de Mlle B...peut être profondément déstabilisé dans le cas d'un éloignement forcé avec sa mère qui réside à Mulhouse, son retour forcé au Maroc seul sans aucun entourage familial peut constituer un réel danger pour sa santé et éventuellement pour sa vie ", ainsi qu'un certificat médical non daté du Dr Derouiche, indiquant sans autres précisions que l'intéressée " est suivie pour une épilepsie pharmaco-résistante associée à des troubles psychiatriques. Son état de santé nécessite un traitement et un suivi médical régulier. Il nécessite également la présence de sa mère à ses côtés " ; que le préfet du Haut-Rhin soutient sans être utilement démenti que l'intéressée ne sera pas seule et isolée en cas de retour au Maroc où résident son frère et sa soeur ; que si l'intéressée produit une attestation du 2 février 2012 du ministère marocain de la santé attestant que les spécialités pharmaceutiques Urbanyl, Haldol, Lepticur et Loxapac ne sont pas commercialisées au Maroc, aucun élément ne permet d'établir que lesdits médicaments sont nécessaires à son traitement ; qu'enfin, si Mme B...produit une attestation en date du 27 février 2012 de la direction régionale du Pôle Grand Casablanca attestant que Mme B...ne bénéficie pas de la couverture médicale de l'assurance maladie obligatoire dès lors qu'elle ne travaille pas, le consulat général de France de Fès au Maroc a indiqué dans un courrier du 21 juillet 2010 que les personnes disposant de faibles ressources ou les indigents sont pris en charge par les hôpitaux publics ; que, par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auraient été méconnues par la décision litigieuse ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que si MmeB..., ressortissante marocaine née en 1979, fait valoir qu'elle vit désormais en France avec sa mère et qu'elle n'a plus de liens avec son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est arrivée en France à l'âge de 25 ans et qu'elle n'est pas dépourvue de toute attache familiale au Maroc où résident toujours son frère et sa soeur, comme il vient d'être dit ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions et de la durée du séjour de Mme B...en France, l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 14 mars 2011 ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, l'intéressée n'entrant pas dans le champ des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Haut-Rhin n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

8. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1103303 en date du 27 septembre 2011 le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 14 mars 2011 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut Rhin.

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12NC00613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00613
Date de la décision : 17/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Famille - Droit au respect de la vie familiale (article 8 de la convention européenne des droits de l'homme) (voir Droits civils et individuels).


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : KOEHL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-01-17;12nc00613 ?
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