La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2012 | FRANCE | N°11NC01951

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2012, 11NC01951


Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2011, complétée par un mémoire enregistré le 1er août 2012 et un mémoire enregistré le 10 octobre 2012, présentée pour Mme Agnès , demeurant ..., par Me Martin, avocat ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100373 en date du 20 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 19 janvier 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Malpas a procédé à l'attribution de terrains communaux à des fins d'exploitati

on agricole ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et d'annul...

Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2011, complétée par un mémoire enregistré le 1er août 2012 et un mémoire enregistré le 10 octobre 2012, présentée pour Mme Agnès , demeurant ..., par Me Martin, avocat ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100373 en date du 20 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 19 janvier 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Malpas a procédé à l'attribution de terrains communaux à des fins d'exploitation agricole ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et d'annuler la délibération en date du 19 janvier 2011 ;

3°) de juger que la commune sera tenue de passer un bail rural à son bénéfice ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Malpas le paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme soutient que :

- le jugement du Tribunal écarte à tort le moyen tiré de la participation de conseillers municipaux intéressés alors que la mention des présents et des votants laisse entendre que MM. Viennet et Paris ont bien participé au vote ;

- M. Paris était membre du comité technique de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), qui a défini pour la commune de Malpas les modalités d'attribution des terres ;

- elle devait bénéficier d'une priorité en application de l'article L. 411-15 du code rural combiné avec l'article L. 331-2 et suivants du même code ;

- la délibération est illégale en raison de l'illégalité de la résiliation de la convention liant la commune au syndicat pastoral ; la délibération avalise des modalités d'engagement locatifs qui sont irréguliers à un double titre eu égard, d'une part, au règlement du syndicat pastoral qui demeure applicable au regard de l'illégalité de la résiliation de la convention le liant à la commune, et d'autre part, au schéma directeur départemental des structures agricoles et des priorités principales et secondaires qu'il édicte ;

- elle a été victime d'un traitement discriminatoire, ce dont atteste également la circonstance qu'elle n'a jamais été membre du syndicat pastoral ; la SAFER n'est pas intervenue conformément à ses missions légales et réglementaires, ce qui l'a désavantagée dès lors qu'elle souhaitait bénéficier du statut du fermage et non d'une convention d'occupation précaire ; la SAFER a adopté un comportement discriminatoire à son égard ; elle n'exploite aucune parcelle à Malpas, sa candidature pour l'accès aux estives du Jura ayant été repoussée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2012 et complété par mémoires enregistrés le 26 septembre 2012 et le 5 novembre 2012, présenté pour la commune de Malpas, par Me Suissa, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Malpas soutient que la délibération litigieuse n'a pas méconnu le principe de l'interdiction de la participation au vote de conseillers municipaux intéressés en ce qui concerne MM. Viennet et Paris ; la circonstance que M. Paris soit membre du conseil d'administration de la SAFER n'a eu aucune incidence sur la procédure et la délibération litigieuses ; l'avis du directeur des territoires est sans influence sur la légalité de la délibération critiquée ; l'audition des pétitionnaires à la location d'un bien communal n'est exigée par aucun texte ; la commune a veillé à l'application d'un traitement non discriminatoire préalable à l'attribution de ses terres agricoles, notamment par l'intermédiation de la SAFER, le caractère discriminatoire n'étant pas démontré en tout état de cause par Mme qui ne justifie en outre pas exploiter de terres sur le territoire communal ; les attributions ont été effectuées en tenant compte de la situation différente des postulants ; l'illégalité de la résiliation de la convention liant la commune au syndicat pastoral n'est pas démontrée et s'avère en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la délibération litigieuse ; la commune n'est pas membre du syndicat pastoral ; le contenu du schéma départemental des structures ne s'imposait pas à elle, l'obligation à respecter et relative à l'article L. 411-15 du code rural pour favoriser l'installation de jeunes agriculteurs n'ayant à recevoir aucune application en l'espèce ; Mme ne justifie pas de la priorité dont elle devait bénéficier au regard des situations respectives des exploitants agricoles pétitionnaires ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 12 novembre 2012 à 16 heures ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Martin, avocat de Mme Agnès , ainsi que celles de Me Dravigny, avocat de la commune de Malpas ;

1. Considérant que, par une délibération du 19 janvier 2011, le conseil municipal de Malpas a décidé de répartir les terrains communaux laissés vacants à partir du 31 décembre 2010 suite à la cessation par M. Laresche de son activité d'exploitant agricole ; qu'en vertu de cette délibération, M. Viennet s'est vu attribuer plusieurs parcelles d'une surface totale de 1 ha 96 a 30 ca ; que M. Paris s'est également vu allouer plusieurs parcelles d'une surface totale de 16 ha 91 a 18 ca à la condition toutefois qu'il renonce à son droit de bail sur une parcelle communale B 686 de 6 ha 33 a 81 ca et que la commune consente une convention de mise à disposition à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) afin que celle-ci établisse un bail précaire avec Mme et M. David, pour la moitié de la parcelle B 686 libérée par M. Paris ; que, par la présente requête, Mme relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 19 janvier 2011;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressé à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataire " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations produites par les conseillers municipaux qui ont pris part au vote de la délibération en date du 19 janvier 2011, ainsi que des termes mêmes de cette délibération, que les deux conseillers municipaux, MM. Viennet et Paris, qui se sont vu attribuer, à cette occasion, la location de terres communales, n'ont pas participé à l'adoption de la délibération nonobstant la mention erronée relative au nombre de votants figurant dans l'entête de l'extrait du registre des délibérations ; qu'ainsi, Mme , qui se borne à soutenir dans ses dernières écritures qu'un doute subsiste à cet égard, n'est pas fondée à soutenir que la délibération en date du 19 janvier 2011 a été adoptée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Paris n'a pas participé à l'élaboration de la proposition du comité technique de la SAFER de Franche-Comté ayant statué dans le cadre du mandat d'intermédiation locative de la commune de Malpas ; qu'ainsi et alors, au demeurant, que le conseil municipal s'est prononcé sur la base d'une proposition émise par la SAFER sans s'estimer lié par celle-ci, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la circonstance que M. Paris soit membre du conseil d'administration de la SAFER de Franche-Comté serait de nature à vicier la procédure et à entacher d'illégalité la délibération critiquée ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque le bailleur est une personne morale de droit public, le bail peut être conclu soit à l'amiable, soit par voie d'adjudication. / (...) Quel que soit le mode de conclusion du bail, une priorité est réservée aux exploitants qui réalisent une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ou, à défaut, aux exploitants de la commune répondant aux conditions de capacité professionnelle et de superficie visées à l'article L. 331-2 du présent code, ainsi qu'à leurs groupements (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque le propriétaire de terres agricoles destinées à être données à bail est une personne morale de droit public, l'organe délibérant, en présence de plusieurs demandes concurrentes d'attribution du bail, doit procéder à un choix en respectant les procédures et l'ordre de priorité qu'elles prévoient ; que lorsqu'aucune demande n'émane d'un jeune agriculteur qui réalise une installation, la priorité doit être réservée aux exploitants de la commune où se situent les terres à louer et répondant à des conditions de capacité professionnelle et de superficie ; que si les candidats à l'attribution de terres agricoles communales se retrouvent dans des conditions identiques au regard des priorités dégagées par l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime dès lors, notamment, qu'ils ne sont pas des exploitants réalisant une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs, mais qu'en revanche, ils sont tous exploitants de la commune répondant aux conditions de capacité professionnelle et de superficie visées à l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, ainsi qu'à leurs groupements, il appartient alors à la commune de procéder librement et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à la répartition de ses terres agricoles à louer au regard de l'intérêt communal sans que les priorités figurant dans les orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles prévu à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime et à l'aune desquelles se prononce l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation d'exploiter, ne s'imposent à elle ;

6. Considérant que si Mme soutient qu'elle est inscrite au répertoire national des entreprises comme exploitante agricole, qu'elle dispose de diplômes, qu'elle aurait pu bénéficier de la dotation jeune agriculteur et qu'elle a besoin de bénéficier de terrains communaux pour conforter son exploitation, il ressort toutefois des pièces du dossier et des précisions données par Mme qu'à la différence des deux autres attributaires principaux des terres données à bail, l'intéressée n'exploite aucune terre sur le territoire de la commune de Malpas ; que la requérante ne justifie donc pas de la priorité dont elle se prévaut au regard des dispositions de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime sans qu'elle puisse utilement invoquer, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la méconnaissance des priorités issues du schéma départemental des structures agricoles qui s'appliquent à la délivrance des autorisations d'exploiter ;

7. Considérant qu'en se bornant à soutenir qu'elle n'a finalement reçu qu'une convention d'occupation précaire portant sur une superficie d'un peu plus de 3 hectares alors qu'elle souhaitait bénéficier d'un bail lui permettant d'atteindre la surface minimale d'installation des exploitants agricoles dans le département du Doubs, la requérante n'établit pas non plus que la commune de Malpas ou même la SAFER, à qui la commune avait confié un mandat d'intermédiation afin d'émettre un avis sur le meilleur compromis possible pour louer ses terres entre les différents candidats, aient adopté à son encontre un comportement discriminatoire, la commune n'ayant fait que mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 411-15 précité et tenir compte de la différence de situation des candidats, tant au regard de leur situation géographique, de la nature et des conditions de leurs exploitations respectives que des projets communaux susceptibles d'engendrer un changement de destination des terrains, en particulier pour celui finalement octroyé à Mme sous la forme d'une convention d'occupation précaire prévue au 3° de l'article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime ;

8. Considérant que si Mme fait valoir qu'elle aurait dû se voir attribuer prioritairement en location les terres communales litigieuses au regard des orientations du règlement intérieur du syndicat pastoral de Vaux et Chantegrue-Malpas, qui en avait la gestion, il est constant que le bail à ferme portant sur ces terres, conclu entre la commune de Malpas et ledit syndicat, était résilié à la date de la délibération litigieuse ; qu'ainsi, et alors que la requérante ne peut utilement exciper de l'illégalité de cette résiliation à l'encontre de la délibération en date du 19 janvier 2011, le moyen tiré de la méconnaissance des termes de ce règlement intérieur du syndicat pastoral de Vaux et Chantegrue-Malpas à l'encontre de la délibération en date du 19 janvier 2011 par laquelle le conseil municipal de Malpas a procédé à la répartition des terres communales anciennement louées audit syndicat pastoral en application des dispositions de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime, ne peut qu'être écarté comme inopérant ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 20 octobre 2011, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 19 janvier 2011 par laquelle le conseil municipal de Malpas a procédé à l'attribution de la plupart de ses terres agricoles sous forme de baux à deux autres candidats et ne lui a permis de bénéficier que d'une convention d'occupation précaire consentie par l'intermédiaire de la SAFER ; que, par suite, les conclusions susvisées ainsi que, par voie de conséquence, ses autres conclusions relatives à ce qu'il soit enjoint à la commune de lui réattribuer les terres en cause, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Malpas, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de Mme , le paiement de la somme de 1 500 euros à la commune de Malpas au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme est rejetée.

Article 2 : Mme versera à la commune de Malpas une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Agnès , à la commune de Malpas et à MM. Julien Viennet, Damien Paris et Patrick David.

''

''

''

''

2

11NC01951


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01951
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture - chasse et pêche - Exploitations agricoles - Statut du fermage et du métayage - Baux ruraux.

Collectivités territoriales - Commune - Biens de la commune.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-12-13;11nc01951 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award