La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2012 | FRANCE | N°11NC01349

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2012, 11NC01349


Vu la requête, enregistrée le 19 août 2011, présentée pour la SCI Turbie, dont le siège social est 23, rue des calvaires Trois maisons à Phalsbourg (57370), par Me Zillig, avocat ; La SCI Turbie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704030 en date du 21 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de M et Mme A, annulé l'arrêté en date du 25 juin 2007 par lequel le maire de Hultehouse lui a délivré un permis de construire ;

2° de rejeter la demande de M et Mme A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3

°) de mettre à la charge de M. et Mme A le paiement d'une somme de 3 000 euros en ...

Vu la requête, enregistrée le 19 août 2011, présentée pour la SCI Turbie, dont le siège social est 23, rue des calvaires Trois maisons à Phalsbourg (57370), par Me Zillig, avocat ; La SCI Turbie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704030 en date du 21 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de M et Mme A, annulé l'arrêté en date du 25 juin 2007 par lequel le maire de Hultehouse lui a délivré un permis de construire ;

2° de rejeter la demande de M et Mme A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A le paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SCI TURBIE soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg a jugé que les informations contenues dans le dossier de demande de permis de construire étaient insuffisantes au regard de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme et que le maire n'avait pu statuer en toute connaissance de cause ; que le tribunal indique à tort que les lacunes du dossier n'ont pas mis le maire à même d'apprécier la conformité du projet à la réglementation en vigueur, ladite réglementation n'étant au demeurant aucunement précisée dans le jugement critiqué ; qu'il n'y a eu aucune ambiguïté sur la destination des constructions, ni avant, ni après la délivrance du permis de construire ; qu'en tout état de cause, la société ne réalise aucune fabrication de menuiseries et ne procède à aucun stockage d'éléments de menuiserie, les portes ou fenêtres étant réalisées par des sociétés spécialisées et le personnel de la société utilisatrice des locaux récupérant ces éléments pour les livrer aux clients, en dehors des locaux objet du permis de construire ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2011, présenté pour M. et Mme A, par Me Froment-Meurice, avocat, qui concluent au rejet de la requête et, en outre, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI Turbie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme A soutiennent que le Tribunal administratif de Strasbourg a jugé à raison que le dossier de permis de construire ne permettait pas au maire de statuer en toute connaissance de cause, notamment sur la destination des constructions, quelle qu'ait été l'utilisation réelle des constructions ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 novembre 2011, présenté pour la SCI Turbie et tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en observations enregistré le 22 décembre 2011 présenté pour la commune de Hultehouse, par la SCP Schirer, Schwab, Maricle, qui conclut à l'annulation du jugement attaqué et, en outre, à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Hultehouse soutient que le maire a statué en toute connaissance de cause sur un dossier de demande de permis de construire parfaitement clair et compréhensible ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 mai 2012, présenté pour M. et Mme A et tendant aux mêmes fins que leur précédent mémoire par les mêmes moyens ;

M. et Mme A soutiennent en outre que le permis de construire a été annulé sans que la destination de l'ouvrage soit parfaitement identifiable et que les allégations de la SCI Turbie sur l'utilisation actuelle du bâtiment ne peuvent valider le permis de construire a posteriori ; qu'il n'a jamais été soutenu que des règles d'urbanisme spécifiques auraient été méconnues ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2012 :

- le rapport de M. Richard, rapporteur,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Aubrège, avocat de la SCI Turbie ;

Sur la légalité de l'arrêté du 25 juin 2007 portant délivrance d'un permis de construire à la SCI Turbie :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " La demande précise l'identité du demandeur, l'identité et la qualité de l'auteur du projet, la situation et la superficie du terrain, l'identité de son propriétaire au cas où celui-ci n'est pas l'auteur de la demande, la nature des travaux et la destination des constructions et la densité de construction " ;

2. Considérant qu'un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire ; que la circonstance que ces plans pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés et affectés à un usage non conforme au plan d'occupation des sols, n'est pas par elle-même, sauf le cas de fraude, de nature à affecter la légalité du permis ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du formulaire de demande de permis de construire sous les numéros 331, 332, 34, 344 ou encore 37, que ladite demande comporte des éléments précis et dépourvus de toute ambiguïté quant à la nature des travaux ou la destination des constructions envisagés par la SCI Turbie, à savoir des locaux à usage de bureaux et des surfaces de stationnement qui leur sont assorties ; que ces éléments sont en outre complétés et corroborés par l'ensemble des autres documents contenus dans le dossier de demande de permis de construire qui ont mis le maire de la commune de Hultehouse à même de statuer en parfaite connaissance de cause sur l'autorisation de construire qui lui était demandée ; qu'ainsi, en l'absence de toute fraude établie ou même alléguée par M. et Mme A, et alors même que les emplacements de stationnement représentent 70% de la surface du projet de construction pris dans son ensemble, ou que des informations postérieures à la délivrance du permis de construire et portées à la connaissance de M. et Mme A ont pu jeter un doute sur les conditions d'utilisation et la destination de la construction autorisée, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme pour annuler l'arrêté en date du 25 juin 2007 portant délivrance du permis de construire litigieux ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A tant devant le Tribunal administratif de Strasbourg que devant la Cour ;

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. et Mme A et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Hultehouse :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme alors applicable : " Dans les communes où un plan local d'urbanisme a été approuvé, le permis de construire est délivré par le maire au nom de la commune. Il en est de même dans les communes où une carte communale a été approuvée si le conseil municipal en a décidé ainsi." ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération en date du 24 mars 2006 et en application des dispositions précitées de l'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme, le conseil municipal de la commune de Hultehouse, dotée d'une carte communale approuvée, a décidé d'exercer la compétence en matière d'urbanisme ; que cette délibération confère ainsi au maire compétence pour délivrer les permis de construire au nom de la commune ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du maire pour délivrer le permis de construire à la SCI Turbie par son arrêté en date du 25 juin 2007 ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la demande relative au permis de construire litigieux a été déposée le 20 avril 2011 ; qu'ainsi et nonobstant la circonstance que l'arrêté querellé porte la mention du 23 avril 2011, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'aucune demande de permis de construire n'a été formée préalablement à la délivrance de ce permis de construire ;

8. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme A font valoir, dans leur demande de première instance, que le dossier de demande de permis de construire est incomplet et insuffisant dès lors que le formulaire de demande de permis de construire ne mentionne pas la surface dédiée aux aires de stationnement, que trois emplacements de parking seront utilisés à des fins d'entrepôt ce qui rend la demande de permis de construire insincère, que le représentant légal de la SCI Turbie a omis d'indiquer si la construction projetée est édifiée pour elle-même ou pour autrui, que le plan de situation n'est pas lisible et ne permet pas de localiser le terrain et la construction projetée, que le plan de masse ne permet pas de situer l'insertion de la construction par rapport à la végétation existante en bordure de leur terrain et que la notice paysagère est très succincte ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, nonobstant le caractère succinct de la notice et l'absence de chiffrage de la surface dédiée au stationnement extérieur au sein du formulaire de demande de permis de construire renseigné sous le n°34, qui ne comprend que le nombre d'emplacements, le dossier de demande de permis de construire, lequel comprend l'ensemble des pièces requises à l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, permet d'appréhender tant la nature que la situation exacte du projet litigieux consistant en un bâtiment à usage de bureaux comprenant plusieurs emplacements intérieurs et extérieurs de stationnement, ainsi que la façon dont ce projet s'insère dans son environnement ; que le dossier de permis de construire n'avait pas à représenter l'ensemble de la végétation figurant sur les parcelles voisines ; qu'il n'est en outre pas établi que le maire ait eu connaissance d'une quelconque manoeuvre frauduleuse auquel il lui aurait appartenu de faire obstacle, préalablement à la délivrance du permis, en sollicitant par exemple des compléments d'information sur la demande de permis de construire litigieuse ; que, dans ces conditions , M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que les insuffisances du dossier de demande de permis de construire ont été telles qu'elles ont empêché le maire de se prononcer en connaissance de cause ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur, " Constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété. (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que seules deux parcelles issues de l'unité foncière d'origine en cause, soit les parcelles cadastrées section 3 sous les n° 439/86 et n°439/86, ont été constituées en vue de l'implantation de bâtiments au sens des dispositions de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme précité ; que M. et Mme A ne sont donc pas fondés à soutenir que l'opération querellée constituait un lotissement et que sa création était subordonnée à la délivrance d'une autorisation de lotir préalable ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-19 du code de l'urbanisme : "A moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres " ;

12. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, il ressort des pièces du dossier et notamment du plan de masse que le projet de la SCI est bien destiné à être implanté sur la limite séparative, le bâtiment de la SCI jouxtant la propriété de M. et Mme A ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-19 du code de l'urbanisme ne peut ainsi qu'être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Turbie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 21 juin 2011, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté en date du 25 juin 2007 par lequel le maire de Hultehouse lui a délivré un permis de construire un bâtiment de bureaux assorti de ses emplacements de stationnement ; que ledit jugement doit ainsi être annulé ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Turbie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme A demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de M. et Mme A, le paiement de la somme de 1 500 euros à verser à la SCI Turbie au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions de la commune de Hultehouse, appelée en l'instance par la Cour de céans, mais qui n'a pas la qualité de partie au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent être que rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0704030 du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 21 juin 2011 est annulé.

Article 2 : La demande de M. et Mme A est rejetée ainsi que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. et Mme A verseront à la SCI Turbie une somme de 1 000 € (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Hultehouse présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Turbie, à M. et Mme A et à la commune de Hultehouse.

''

''

''

''

2

11NC01349


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award