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25/10/2012 | FRANCE | N°11NC01629

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 25 octobre 2012, 11NC01629


Vu le recours, enregistré le 16 juin 2009 sous le n° 09NC00905, complété par mémoire enregistré le 4 mai 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601935 du 12 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre de l'année 2000 en conséquence de l'exclusion du bénéfice des dispositions de l'article 151 octies du code

général des impôts ;

2°) de rétablir l'imposition en litige ;

Il soutien...

Vu le recours, enregistré le 16 juin 2009 sous le n° 09NC00905, complété par mémoire enregistré le 4 mai 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601935 du 12 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre de l'année 2000 en conséquence de l'exclusion du bénéfice des dispositions de l'article 151 octies du code général des impôts ;

2°) de rétablir l'imposition en litige ;

Il soutient que :

- la prise en compte d'un passif relatif à l'actif circulant qui n'a pas été apporté en totalité lors de la transformation sous forme de société de l'activité agricole exercée à titre individuel par M. et Mme A ne permet pas l'application du régime de faveur défini à l'article 151 octies du code général des impôts, dont le bénéfice est exclu lorsque l'exploitant cède des éléments de l'actif circulant tout en apportant à la société le passif correspondant ;

- selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le régime de faveur institué par les dispositions du I bis de l'article 809 du code général des impôts, qui renvoie à celles du II de l'article 151 octies du même code, ne peut bénéficier à une société prenant en charge les dettes se rapportant au stock qu'elle a acheté ;

- en l'espèce, la majeure partie de l'actif circulant de l'entreprise individuelle n'a pas été apportée alors que des prêts à court et moyen terme non affectés directement aux immobilisations apportées ont été déduits de la valeur des apports pour la constitution du capital social et l'attribution des parts ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés le 9 octobre 2009 et le 3 mai 2010, présentés pour M. et Mme A, par Me Charbeaux ; M. et Mme A concluent au rejet du recours du ministre ;

Ils soutiennent que :

- le défaut de motivation de la notification de redressements du 22 décembre 2003 entache d'irrégularité la seconde notification de redressements en date du 19 juillet 2005, adressée après l'expiration du délai de reprise de l'administration ;

- les dispositions de l'article 151 octies du code général des impôts autorisent l'apport des éléments de passif de l'exploitation sans qu'il y ait lieu à distinction entre le passif affecté aux immobilisations et celui affecté au passif circulant ;

- le passif objet du litige constituait un passif professionnel et non personnel ;

- les réponses ministérielles faites à M. Fosset le 23 février 1995 et M. Borloo le 20 février 1995, opposables à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, autorisent la prise en charge du passif si les éléments de ce passif sont directement rattachables à l'entreprise apportée ;

Vu la décision n° 341864 du 8 juillet 2011 par laquelle le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt n° 09NC00905 du 3 juin 2010 par lequel la Cour a statué sur le recours susvisé du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et, d'autre part, renvoyé le jugement de l'affaire à la Cour ;

Vu les mémoires complémentaires, enregistrés les 19 avril et 26 juillet 2012, présentés pour M. et Mme A, par la SCP Potier de la Varde-Buk Lament, avocat aux conseils, qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent en outre que les prêts de trésorerie litigieux entrent dans les prévisions de la réponse ministérielle du 20 février 1995 et qu'ils apportent la preuve de leur caractère non personnel dès lors que les capitaux propres sont positifs et qu'ainsi toutes les dettes figurant au passif du bilan finançaient exclusivement des dépenses professionnelles ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 3 mai 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures et soutient en outre que M. et Mme A, auxquels incombe la charge de la preuve, n'établissent pas que les emprunts litigieux aient eu une affectation autre que personnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 septembre 2012 :

- le rapport de M. Richard, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public ;

Sur l'application de la loi fiscale :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 151 octies du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle ou de l'apport d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : a. l'imposition des plus-values afférentes aux immobilisations non amortissables fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession à titre onéreux ou du rachat des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport de l'entreprise ou jusqu'à la cession de ces immobilisations par la société si elle est antérieure... b. l'imposition des plus-values afférentes aux autres immobilisations est effectuée au nom de la société bénéficiaire de l'apport selon les modalités prévues au d du 3 de l'article 210 A pour les fusions de sociétés... " ;

2. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, "l'apport... de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle" peut comprendre des éléments du passif de l'exploitation à l'exclusion des dettes personnelles de l'apporteur sans lien avec l'exploitation ; que le bénéfice du report d'imposition prévu à cet article est soumis à la condition que l'actif immobilisé net des éléments de passif éventuellement compris dans l'apport et directement attachés à ces immobilisations ait été rémunéré exclusivement sous forme d'actions ou de parts sociales de la société bénéficiaire de l'apport ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme Jean Louis A et M. Jean Philippe A ont notamment apporté à la société civile d'exploitation agricole constituée entre eux, outre deux prêts à moyen terme de 297 195 francs et 91 080 francs se rapportant aux éléments d'actif immobilisé apportés par M. et Mme A, deux autres prêts de trésorerie à moyen et court terme s'élevant à 97 142 francs et 400 000 francs, dont il n'est pas soutenu qu'ils correspondaient à un passif propre à l'actif immobilisé apporté, et dont le montant est venu en déduction de la valeur des apports pour la détermination du capital social et l'attribution des parts sociales ; que, par suite, et dès lors que des éléments de passif autres que ceux dont étaient grevés les éléments d'actif apportés par M. et Mme A ont été pris en charge par la société civile d'exploitation agricole, l'administration était en droit de refuser aux intéressés le bénéfice des dispositions précitées de l'article 151 octies du code général des impôts ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le motif tenant à ce que les apports pouvaient inclure des éléments de passif ne se rapportant pas directement au immobilisations apportées, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge de l'imposition litigieuse ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande ;

Sur la régularité de la procédure :

5.Considérant qu'aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun " ; qu'il résulte de ces dispositions que la notification d'une proposition de redressement a pour effet, sous réserve de sa régularité, d' ouvrir à l'administration fiscale un nouveau délai, égal au délai de prescription du droit de reprise dont elle dispose, pour procéder à des redressements ou des reprises ;

6. Considérant que la notification adressée le 22 décembre 2003 à M et Mme A énonce de manière précise les considérations de droit et de fait pour lesquelles l'apport fait à la société civile d'exploitation agricole ne peut bénéficier des dispositions de l'article 151 octies du code général des impôts en permettant ainsi à ses destinataires de présenter leurs observations de manière utile ; que la circonstance que l'administration a ultérieurement modifié le motif du redressement par une notification du 19 juillet 2005 n'a pu effacer l'effet interruptif attaché à la première notification qui était suffisamment motivée, ainsi qu'il vient d'être dit ; que, par suite, M et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que l'imposition litigieuse aurait été établie selon une procédure irrégulière ;

Sur le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration:

7. Considérant que les contribuables se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des réponses ministérielles des 20 et 23 février 1995 aux questions posées respectivement par MM. Borloo et Fosset, aux termes desquelles, pour l'application de l'article 151 octies du code général des impôts : " l'apport peut s'accompagner de la prise en charge des éléments de passif qui sont directement attachés à l'entreprise " ; que cette doctrine administrative constitue une interprétation formelle de la loi fiscale qui est opposable à l'administration en ce qu'elle admet que les titres reçus en contrepartie de l'apport peuvent rémunérer la valeur des immobilisations apportées nette de tous éléments de passif directement attachés à l'entreprise individuelle de l'apporteur, et non seulement des éléments de passif directement attachés aux immobilisations de cette entreprise ; qu'au regard de ces dispositions, les emprunts précités, qui figurent au nombre des éléments de passif pris en charge par la société bénéficiaire de l'apport et dont le montant a, comme il vient d'être dit, été déduit de la valeur des apports, sont susceptibles d'être pris en considération comme directement rattachés à l'entreprise individuelle dans toute la mesure où ils ont été affectés à des dépenses professionnelles des exploitants et non à des dépenses personnelles ; que, toutefois, il est constant que les intéressés n'ont pas apporté à la société constituée entre eux l'actif circulant de leur exploitation et notamment la trésorerie ou tout autre poste d'actif circulant auquel le produit des emprunts aurait pu être affecté ; que si cette seule circonstance ne saurait faire regarder les deux dettes litigieuses comme des dettes personnelles sans lien avec l'exploitation, les intéressés n'apportent aucun élément tendant à faire apparaître le caractère professionnel des dettes en cause, qui ne saurait résulter du seul fait que les capitaux propres de l'exploitation seraient positifs au bilan arrêté la veille de l'apport ; qu'ainsi, le moyen doit être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a accordé à M. et Mme A la décharge de l'imposition litigieuse ; qu'ainsi ledit jugement doit être annulé ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 mars 2009 est annulé.

Article 2 : Le complément d'impôt sur le revenu auquel M et Mme A ont été assujettis au titre de l'année 2000 est remis intégralement à leur charge.

Article3 : Les conclusions de M. et Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur et à M. et Mme Jean-Louis A.

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