La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/10/2012 | FRANCE | N°11NC01340

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 25 octobre 2012, 11NC01340


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 17 août 2011, complétée par un mémoire en date du 25 septembre 2012, présentée pour l'association Crapahut Club 4x4 Comtois, représentée par son président, dont le siège est sis 3 rue Beauregard à Besançon (25 000), par Me Letertre, avocat;

L'association Crapahut Club 4x4 Comtois demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000443 en date du 16 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 janvier 2010 par lequel le préfe

t du Doubs a déclaré d'utilité publique la dérivation des eaux souterraines, l'ins...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 17 août 2011, complétée par un mémoire en date du 25 septembre 2012, présentée pour l'association Crapahut Club 4x4 Comtois, représentée par son président, dont le siège est sis 3 rue Beauregard à Besançon (25 000), par Me Letertre, avocat;

L'association Crapahut Club 4x4 Comtois demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000443 en date du 16 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 janvier 2010 par lequel le préfet du Doubs a déclaré d'utilité publique la dérivation des eaux souterraines, l'instauration des périmètres de protection, a autorisé l'utilisation de l'eau prélevée dans le milieu naturel en vue de la consommation humaine, et valant récépissé de déclaration au titre du code de l'environnement en tant qu'il a interdit les sports mécaniques et le stationnement des véhicules dans le périmètre de protection rapprochée ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 20 janvier 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en ne prenant pas en compte la nécessaire adaptation aux situations individuelles affectées par l'arrêté ;

- le préfet a commis en érigeant une interdiction globale, une mesure de contrainte manifestement excessive par rapport au but recherché et à l'intérêt général à préserver ;

- l'interdiction, même occasionnelle, d'exercer des sports mécaniques ou de prévoir le stationnement de véhicules sur le périmètre de protection rapprochée, se heurte à la réalité de l'état actuel de la zone géographique considérée ;

- les mesures préventives et correctives proposées par ses soins sont suffisantes ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2012, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

Il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'association ne démontre pas l'existence d'une atteinte à des situations particulières qui serait excessive au regard de l'intérêt présenté par l'opération déclarée d'utilité publique ;

- les prescriptions posées par l'arrêté ne sont pas excessives par rapport au but recherché de sécurisation de l'alimentation en eau de la commune, et de santé publique ;

- les mesures de prévention et de sécurisation proposées par la requérante contre les déversements de produits polluants ne sont pas convaincantes ;

- la circonstance que le périmètre de protection des captages soit traversé par la route départementale n° 133 n'est pas de nature à le priver d'utilité publique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations , travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés [...] " ; qu'aux termes de l'article R. 1321-13 du même code : " Les périmètres de protection mentionnés à l'article L. 1321-2 pour les prélèvements d'eau destinés à l'alimentation des collectivités humaines peuvent porter sur des terrains disjoints. A l'intérieur du périmètre de protection immédiate, dont les limites sont établies afin d'interdire toute introduction directe de substances polluantes dans l'eau prélevée et d'empêcher la dégradation des ouvrages, les terrains sont clôturés, sauf dérogation prévue dans l'acte déclaratif d'utilité publique, et sont régulièrement entretenus. Tous les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols y sont interdits, en dehors de ceux qui sont explicitement autorisés dans l'acte déclaratif d'utilité publique. A l'intérieur du périmètre de protection rapprochée, sont interdits les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols susceptibles d'entraîner une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine. Les autres travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols peuvent faire l'objet de prescriptions, et sont soumis à une surveillance particulière, prévues dans l'acte déclaratif d'utilité publique. Chaque fois qu'il est nécessaire, le même acte précise que les limites du périmètre de protection rapprochée seront matérialisées et signalées. A l'intérieur du périmètre de protection éloignée, peuvent être réglementés les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols qui, compte tenu de la nature des terrains, présentent un danger de pollution pour les eaux prélevées ou transportées, du fait de la nature et de la quantité de produits polluants liés à ces travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols ou de l'étendue des surfaces que ceux-ci occupent " ;

2. Considérant que, par arrêté en date du 20 janvier 2010, le préfet du Doubs a déclaré d'utilité publique " les travaux de dérivation des eaux destinées à la consommation humaine à partir des sources de " Chaulard " situées sur la commune de Montgesoye, la mise en place des périmètres de protection immédiate et rapprochée autour des captages, les canalisations d'adduction d'eau, les ouvrages de traitement et de distribution de l'eau " ; que ledit arrêté a défini en son article 4-1 un périmètre de protection immédiate constitué par une partie de la parcelle n° 5 au lieu dit " sous le Belvédère " sur la commune de Montgesoye, parcelle sur laquelle toutes les activités sont interdites sauf celles liées à l'exploitation des captages et à l'entretien mécanique du terrain, et, en son article 4-2, un périmètre de protection rapprochée qui s'étend en totalité sur la commune de Montgesoye et au sein duquel sont interdites les activités de sports mécaniques et le stationnement de véhicules ;

3. Considérant, en premier lieu, que si l'association Crapahut Club 4x4 Comtois soutient que le préfet n'a pas pris en compte la nécessaire adaptation à apporter aux situations individuelles affectées par l'arrêté, il ressort des pièces du dossier que, lors de l'enquête publique, a été évoquée la question du Trial 4x4, manifestation qu'elle organise annuellement depuis plus de 20 ans sans incident et qui constitue la principale animation du village ; que si le commissaire enquêteur a émis le 1er avril 2009 un avis favorable au projet sous réserve de n'interdire que la pratique des sports mécaniques non encadrés dans le périmètre de protection rapprochée des sources de Chaulard et de permettre le déroulement du trial annuel 4x4 dont les risques vis-à-vis de l'environnement peuvent être maîtrisés, et en recommandant à la municipalité de passer une convention avec les organisateurs pour la mise en place de personnels et de matériels aptes à faire face dans les plus brefs délais à un début de pollution et éventuellement d'envisager l'arrêt des captages de Chaulard pendant le déroulement des épreuves mécaniques du trial 4x4, le service CODERST de la DDASS du Doubs a souligné le 17 décembre 2009, lors de l'examen du dossier, que la commune de Montgesoye est alimentée par un mélange de deux sources " Vaux " et " Chaulard " dans une proportion de 60 % pour " Vaux " et de 40 % pour " Chaulard ", toutes deux situées sur le territoire communal, que les deux captages sont des sources karstiques par nature vulnérables du fait de la faible filtration naturelle de l'eau, et que les enjeux de la mise en place des périmètres de protection sont pour la source de Vaux de figer en l'état l'environnement favorable existant, et pour la source Chaulard de limiter les risques de pollution liés aux pratiques agricoles et aux activités de sport mécanique, ces dernières ayant été jugées incompatibles avec la protection du captage ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si l'association soutient que le préfet a commis, en érigeant une interdiction globale, une mesure de contrainte manifestement excessive par rapport au but recherché et à l'intérêt général à préserver, il ressort des résultats des études de traçages des eaux souterraines, que le tracé du circuit trial se situe pour sa plus large part à l'intérieur du bassin d'alimentation des sources de Chaulard, qui correspond à la zone en surface de laquelle l'eau qui s'infiltre ou ruisselle alimente le captage ; que, par suite, la mise en place d'un périmètre de protection rapprochée n'est pas excessive au regard de l'intérêt général à préserver ;

5. Considérant, en troisième lieu, que si l'association soutient qu'elle prévoit des mesures de prévention et de correction contre les déversements de produits polluants, à savoir mettre dans chaque zone concernée un seau contenant de l'absorbant (EPERLE), une mini pelle afin d'effectuer une excavation en cas de pollution, une bâche pour stocker la terre polluée, un flacon de neutralisant et, après la manifestation, le traitement par une société spécialisée du contenu pollué, il ressort des pièces du dossier que l'organisation d'une course automobile, impliquant la présence d'une aire de stationnement sur le terrain naturel, l'installation de sanitaires non raccordés à un réseau collectif, l'installation d'un camping temporaire et la transformation du terrain en bosses et ornières accentuant la mobilité du sol susceptible d'entraîner de la turbidité dans l'eau, est en contradiction avec l'esprit même des périmètres rapprochés visant à protéger les captages de toute pollution accidentelle, alors même que cette manifestation n'aurait entraîné jusqu'ici aucune pollution ; que la circonstance que le périmètre de protection des captages soit traversé par la route départementale n° 133 n'est pas de nature à le priver d'utilité publique, le risque engendré par cette infrastructure routière étant maîtrisé par des dispositions permanentes consistant à instaurer un schéma d'alerte entre les services de la gendarmerie et de secours, le gestionnaire de la voirie et la collectivité afin de prendre les mesures d'urgence nécessaires au niveau du captage dès la connaissance d'un accident ; qu'enfin, à supposer même, ce qui n'est d'ailleurs pas établi par les pièces du dossier, que l'utilisation de la source aurait été depuis lors interdite à la consommation humaine, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse, qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de l'impératif de santé publique, les interdictions figurant à l'arrêté litigieux ne sont pas disproportionnées au regard de l'utilité publique du projet ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'association Crapahut Club 4x4 Comtois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 16 juin 2011, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 janvier 2010 par lequel le préfet du Doubs a déclaré d'utilité publique la dérivation des eaux souterraines, l'instauration des périmètres de protection, a autorisé l'utilisation de l'eau prélevée dans le milieu naturel en vue de la consommation humaine, et valant récépissé de déclaration au titre du code de l'environnement en tant qu'il a interdit les sports mécaniques et le stationnement des véhicules dans le périmètre de protection rapprochée ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Crapahut Club 4x4 Comtois est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Crapahut Club 4x4 Comtois et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Copie en sera adressée à la commune de Montgesoye.

''

''

''

''

2

11NC01340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01340
Date de la décision : 25/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01-01-02-02 Expropriation pour cause d'utilité publique. Notions générales. Notion d'utilité publique. Existence. Eaux.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : LETERTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-10-25;11nc01340 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award