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05/07/2012 | FRANCE | N°11NC01346

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2012, 11NC01346


Vu la requête, enregistrée le 19 août 2011 sous le n° 11NC01346, présentée pour Melle Céline A, demeurant ..., par Me Debruyne ;

Melle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001190 du 12 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône à lui verser la somme globale de 267 900 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de sa prise en charge le 21 octobre 2003 par cet établissement hospitalier ;

2°) de c

ondamner le Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône à lui verser cette indemn...

Vu la requête, enregistrée le 19 août 2011 sous le n° 11NC01346, présentée pour Melle Céline A, demeurant ..., par Me Debruyne ;

Melle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001190 du 12 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône à lui verser la somme globale de 267 900 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de sa prise en charge le 21 octobre 2003 par cet établissement hospitalier ;

2°) de condamner le Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône à lui verser cette indemnité, majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2010 ;

3°) de mettre à la charge du Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône des dépens et de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- il ressort des éléments du dossier que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, elle a contracté une infection nosocomiale lors de sa prise en charge le 21 octobre 2003 par le Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône ;

- en tout état de cause, il s'agirait d'un aléa thérapeutique ;

- son préjudice patrimonial temporaire, constitué d'une perte de gain professionnel du 21 janvier au 31 août 2004, sera indemnisé à hauteur de 6 300 euros ;

- son préjudice patrimonial permanent, constitué d'une perte de gain professionnel futur et d'un préjudice scolaire et de formation, sera indemnisé à hauteur de 243 600 euros ;

- son déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé à hauteur de 1 000 euros ;

- les souffrances qu'elle a endurées seront indemnisées à hauteur de 2 000 euros ;

- ses préjudices extrapatrimoniaux permanents, composés de préjudices d'agrément, moral et de troubles dans ses conditions d'existence, seront indemnisés à hauteur de 15 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2012, présenté pour le Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône par Me Le Prado, qui conclut à la jonction avec l'instance 11NC01598 et au rejet des requêtes présentés par Melle A et par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ;

Il soutient que :

- Melle A n'a pas justifié avoir été victime d'une infection nosocomiale ;

- les conclusions indemnitaires ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur montant ;

- les préjudices subis par Mlle A sont essentiellement dus à l'accident et non aux complications opératoires ;

- en l'absence d'activité professionnelle rémunérée, l'intéressée ne peut être indemnisée au titre de l'incapacité temporaire totale ;

- en l'absence de responsabilité de l'établissement hospitalier, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ne peut prétendre au remboursement des sommes exposées ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 janvier 2012, présenté pour Melle A, tendant aux mêmes fins que sa requête et à ce que l'indemnisation sollicitée soit portée à la somme globale de 320 644 euros, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que :

- son préjudice patrimonial permanent, constitué d'une perte de gains professionnels futurs et d'un préjudice scolaire et de formation, sera indemnisé à hauteur de 290 144 euros ;

- son déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé à hauteur de 4 200 euros ;

- les souffrances qu'elle a endurées seront indemnisées à hauteur de 3 000 euros ;

- ses préjudices extrapatrimoniaux permanents, composés de préjudices d'agrément, moral et de troubles dans ses conditions d'existence, seront indemnisés à hauteur de 17 000 euros ;

Vu les mémoires, enregistrés les 16 mars et 8 juin 2012, présentés pour le Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône, tendant aux mêmes fins que son mémoire en défense, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- les prétentions nouvelles excédant le montant total de l'indemnité sollicitée en première instance ne sont pas recevables ;

- la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ne justifie pas que les frais dont elle demande le remboursement soient en lien avec la complication ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 22 novembre 2011, admettant Melle A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

II) Vu la requête, enregistrée le 29 septembre 2011 sous le n° 11NC01598, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAONE par Me Debruyne ;

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001190 du 12 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône à lui rembourser la somme de 11 900,41 euros correspondant aux indemnités journalières, aux frais d'hospitalisation et aux frais médicaux et pharmaceutiques qu'elle a exposés pour le compte de Mlle B ainsi que la somme de 980 euros en vertu des dispositions du neuvième alinéa de l 'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) de condamner le Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône à lui verser la somme de 11 900,41 euros ainsi que la somme de 980 euros en vertu des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Elle soutient que :

- en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, elle est fondée à demander le remboursement des dépenses exposées pour le compte de son assurée ;

- elle a ainsi versé des indemnités journalières au titre de la période du 21 janvier au 19 avril 2004 pour un montant de 2 470,50 euros ;

- que les frais médicaux et de pharmacie s'élèvent à la somme de 2 067,30 euros ;

- que le coût de l'hospitalisation imputable à la complication s'élève à 7 362,61 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défenses, enregistrés les 20 janvier et 8 juin 2012, présentés pour le Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône par Me Le Prado, qui conclut à la jonction avec l'instance 10NC01598 et au rejet des requêtes présentés par Melle A et par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAONE ;

Il soutient que :

- Melle B n'a pas justifié avoir été victime d'une infection nosocomiale ;

- les conclusions indemnitaires ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur montant ;

- les préjudices subis par Mlle B sont essentiellement dus à l'accident et non aux complications opératoires ;

- en l'absence d'activité professionnelle rémunérée, l'intéressée ne peut être indemnisée au titre de l'incapacité temporaire totale ;

- en l'absence de responsabilité de l'établissement hospitalier, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAONE ne peut prétendre au remboursement des sommes exposées ;

- la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAONE ne justifie pas que les frais dont elle demande le remboursement soient en lien avec la complication ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2012 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public,

- et les observations de Me Demailly pour Me Le Prado, avocat du Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes n° 11NC01346 et n° 11NC01598 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu, par suite, de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. /Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. /II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. /Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret " ; qu'aux termes de l'article L. 1442-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales... " ; qu'enfin, l'article D. 1142-1 du même code dispose que " le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. /Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois. /A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu (...) 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence " ;

Considérant, en premier lieu, que Melle A, victime d'un accident de la circulation le 20 octobre 2003, a été prise en charge par le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône où elle a fait l'objet, le lendemain, d'une intervention chirurgicale afin de traiter par ostéosynthèse une fracture fermée du plateau tibial externe du genou gauche ; qu'à la suite de douleurs persistantes et d'un écoulement séropurulent, sans manifestation pyrétique, elle a été de nouveau hospitalisée le 27 décembre 2003 ; que, le 14 janvier 2004, le matériel d'ostéosynthèse a été retiré dans une clinique privée où il a été mis en évidence un volumineux foyer d'ostéite ; qu'il résulte de l'instruction que, alors qu'il n'avait pas été administré d'antibiothérapie à Melle A avant le 27 décembre 2003, l'analyse bactériologique de l'écoulement purulent constaté sur la plaie deux mois après l'intervention chirurgicale est demeurée stérile et les examens biologiques n'ont pas révélé de trace infectieuse ; que lors de l'ablation du matériel d'ostéosynthèse le 14 janvier 2004 au cours duquel l'ostéite a été dépistée, le nouveau prélèvement s'est révélé également stérile ; qu'en l'absence de tout germe infectieux, les experts désignés successivement tant par le président de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Franche-Comté que par le Tribunal administratif de Besançon n'ont pu affirmer avec certitude l'existence d'une infection nosocomiale ; que si l'expert désigné par le tribunal administratif a néanmoins retenu l'hypothèse d'une infection nosocomiale comme étant la plus probable, il a reconnu que de nombreux éléments allaient dans le sens de l'hypothèse avancée par l'expert désigné par le président de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'un écoulement immuno-allergique, c'est-à-dire d'un rejet du substitut osseux d'origine bovine placé le jour de l'intervention du 21 octobre 2003 ; que, dans ces conditions, il ne peut être présumé que Melle A a été victime lors de l'intervention du 21 octobre 2003 d'une infection nosocomiale ;

Considérant, en second lieu, que, si le rejet de la xénogreffe osseuse peut être regardé comme un accident médical ayant le caractère d'un aléa thérapeutique, les experts ont estimé que l'ostéite du genou gauche n'avait entraîné aucun déficit fonctionnel permanent, ni de troubles particulièrement graves dans les conditions d'existence de la requérante ; que les expert divergent quant à la durée de l'incapacité temporaire de travail et, notamment, à la date de consolidation ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que cette incapacité peut être reconnue en lien avec l'aléa à compter du 26 décembre 2003, date de l'écoulement séropurulent ; que le terme de cette incapacité correspond au 30 juin 2004, date à laquelle l'état de la patiente a été entièrement consolidé ; qu'ainsi, en faisant abstraction de la période d'incapacité liée à la seule fracture et à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse, période qui ne saurait être inférieure à un mois à compter du 26 décembre 2003, l'incapacité temporaire de travail directement lié à l'aléa thérapeutique n'excède pas la durée de six mois prévue à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ; que, dans ces conditions, Melle A ne peut davantage prétendre à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, Melle A et, d'autre part, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAONE ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Centre hospitalier de la Haute-Saône, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de Melle A et de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAONE sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Melle Céline A, à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAONE et au Centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône.

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N° 11NC01346 et 11NC01598


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01346
Date de la décision : 05/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Thierry TROTTIER
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : DEBRUYNE ; DEBRUYNE ; DEBRUYNE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-07-05;11nc01346 ?
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