Vu I°), la requête et le mémoire, enregistrés les 27 avril et 26 octobre 2011 au greffe de la Cour sous le n° 11NC01241, présentés pour M. et Mme Ilker A, domiciliés ..., par Me Thibaut ;
M. et Mme A demandent à la Cour de :
1°) réformer le jugement n° 0703903 du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg n'a que partiellement fait droit à leur demande de condamnation des hôpitaux universitaires de Strasbourg en réparation des préjudices subis à la suite du décès de leur fille Idil ;
2°) déclarer les hôpitaux universitaires de Strasbourg entièrement responsables et de les condamner à leur verser à chacun la somme de 25 000 euros en réparation de leur préjudice moral, à leur filles Selen et Meliha les sommes de 20 000 euros et de 15 000 euros en réparation de leur préjudice moral avec intérêts à compter du 26 novembre 2002 et capitalisation des intérêts, de les condamner à leur verser la somme de 9 359,29 euros en règlement des frais funéraires avec intérêts sur la somme de 4 193,57 euros à compter du 20 octobre 2000 et leur capitalisation successive ainsi que les intérêts légaux sur la somme de 5 165,72 euros à compter du 10 août 2007 avec capitalisation successive ;
3°) condamner les hôpitaux universitaires de Strasbourg aux frais d'expertise ainsi qu'au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
M. et Mme A soutiennent que :
- la responsabilité sans faute des hôpitaux universitaires de Strasbourg est engagée, rien ne permettant d'affirmer que le décès de la jeune Idil serait en lien avec son état initial ;
- la responsabilité pour faute des hôpitaux universitaires de Strasbourg doit être retenue et il revenait au praticien interne d'utiliser une autre technique qu'un prélèvement sanguin par voie veineuse ombilicale et cathéter, laquelle a été la cause du décès ;
- il ne résulte pas de l'instruction que ce praticien, qui n'avait pas reçu du responsable du service l'autorisation de pratiquer le prélèvement sanguin, et en l'absence de consignation des opérations, ait effectué son geste dans le règles de l'art ;
- ils n'ont pas été informés des risques que comportait un prélèvement sanguin par cathéter et il n'a pas été effectué dans une situation d'urgence ;
- les réparations demandées sont justifiées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 21 septembre 2011, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, qui conclut à l'entière responsabilité des hôpitaux universitaires de Strasbourg et à ce qu'ils soient condamnés à lui verser la somme de 15 895,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2011, l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L.371-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu'une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
La caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin s'associe totalement à l'argumentation développée par M. et Mme A ;
Vu, enregistré le 14 novembre 2011, le mémoire présenté pour les hôpitaux universitaires de Strasbourg par Me Le Prado, qui conclut au rejet de la requête et au rejet des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin ;
Les hôpitaux universitaires de Strasbourg soutiennent que :
- la responsabilité sans faute du centre hospitalier au titre d'un aléa thérapeutique ne peut qu'être écartée puisque, selon l'expert, l'arrêt cardiorespiratoire dont été victime la jeune Idil a été favorisé par l'existence de circonstances pathologiques particulières qui ne sont pas sans rapport avec son décès ;
- il ne ressort pas du rapport de l'expert que l'accouchement aurait dû avoir lieu par césarienne ;
- un interne en dernière année de formation a un niveau de compétence suffisant pour la pose d'un cathéter ombilical et il ne résulte pas de l'instruction que son geste n'aurait pas été réalisé selon les règles de l'art ni qu'il soit responsable du décès de la jeune Idil ;
- la circonstance que l'acte aurait été accompli par le praticien responsable du service ne signifie par que le décès aurait pu être évité ;
- l'indemnisation demandée est excessive ;
- la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin ne distingue pas la part de ses frais exclusivement imputable à la prise en charge d'Idil après son arrêt cardiorespiratoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu II°), la requête et le mémoire, enregistrés au greffe de la Cour les 7 septembre et 14 novembre 2011 sous le n° 11NC01512, présentés pour les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG par Me Le Prado ;
Les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703903 en date du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg les a condamnés à réparer les préjudices de M. et Mme A et de leurs filles Méliha et Selen ainsi qu'à indemniser la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin au titre de ses débours ;
2°) de rejeter les demandes de M. et Mme A et de la caisse d'assurance maladie du Bas-Rhin devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que le prélèvement sanguin réalisé par un interne avait fait perdre une chance d'éviter le décès de la jeune Idil puisque c'est, en réalité, l'existence de lésions cérébrales de type ischémique préexistantes qui sont à l'origine de ce décès et non l'acte médical en lui même ;
- le prélèvement sanguin relève de la catégorie des actes de soins courants et reste hors du champ d'application de l'obligation d'information ;
- ce prélèvement a été réalisé dans un contexte d'urgence, il n'y avait aucune alternative moins risquée et on ne voit, en tout état de cause, pas comment les parents d'Idil auraient pu refuser qu'il soit pratiqué ;
- aucune perte de chance ne peut être réparée ;
- les indemnisations accordées aux soeurs de la victime sont exagérées ;
- la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin ne distingue pas la part de ses frais exclusivement imputable à la prise en charge d'Idil après son arrêt cardiorespiratoire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 27 octobre 2011, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG et à ce qu'ils soient condamnés à lui verser la somme de 15 895,10 euros aux titre de ses débours, avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2011 ainsi que les sommes de 980 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale et de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
La caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin s'associe totalement à l'argumentation développée par M. et Mme A ;
Vu, enregistré le 13 décembre 2011, le mémoire présenté pour M. et Mme A par Me Thibaut, qui concluent au rejet de la requête des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG et, par la voie de conclusions d'appel incident, à la réformation du jugement attaqué et à ce que ces derniers soient, pour faute, déclarés entièrement responsables du décès de la petite Idil, à titre subsidiaire en soient déclarés responsable sans faute ; à ce qu'ils soient condamnés à leur verser à chacun la somme de 25 000 euros en réparation de leur préjudice moral, à leurs filles Selen et Meliha les sommes de 20 000 euros et de 15 000 euros en réparation de leur préjudice moral, le tout assorti des intérêts à compter du 26 novembre 2002, à ce que les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG soient condamnés à leur verser la somme de 9 359,29 euros en règlement des frais funéraires avec intérêts légaux sur la somme de
4 193,57 euros, à compter du 20 octobre 2000, et leurs capitalisations successives, et intérêts légaux sur la somme de 5 135,72 euros, à compter du 10 août 2007, avec capitalisation successive, enfin, à ce que les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG soient condamnés à leur verser la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
M. et Mme A soutiennent que :
- les premiers juges, en l'absence d'information sur les conditions techniques dans lesquelles a eu lieu le prélèvement sanguin par cathéter veineux, ne pouvaient retenir que l'arrêt cardiorespiratoire présenté par Idil présentait les caractéristiques d'un aléa thérapeutique ;
- il n'y a pas eu vérification radiologique de la position du cathéter et il y a eu faute médicale à l'avoir utilisé pour procéder au prélèvement sanguin ;
- l'obligation d'information s'imposait dès lors que l'on ne se trouvait pas en situation d'urgence et qu'il existait une alternative par prélèvement sur une veine périphérique ;
Vu, enregistré le 5 juin 2012, le nouveau mémoire présenté pour les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, qui concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens,
Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2012 :
- le rapport de M. Collier, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public,
- et les observations de Me (Avocat) ou la SCP (Nom), avocat du REQUERANT (ou du Défendeur) ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG soutiennent que le jugement serait insuffisamment motivé, ce moyen, qui n'est au demeurant pas assorti de précisions susceptibles de permettre d'en apprécier le bien-fondé, manque en fait ;
Sur la responsabilité :
Considérant que Mme A a accouché par voie naturelle de deux jumelles à 34 semaines d'aménorrhée, le 29 septembre 2000, après rupture prématurée des membranes, aux HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG; qu'en raison du risque potentiel d'infection néonatale, le centre hospitalier a décidé de rechercher, par prélèvement sanguin, si un traitement antibiotique était justifié ; que pour l'une d'entre elles, la jeune Idil, le prélèvement sanguin réalisé à l'aide d'un cathéter dans la veine ombilicale a entraîné un arrêt cardio-respiratoire prolongé qui, malgré la mise en oeuvre d'une réanimation, devait conduire à son décès en raison de lésions cérébrales irréversibles ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a retenu que la responsabilité des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG était engagée pour faute dans l'organisation du service et pour manquement à son obligation d'information sur les risques de décès et d'invalidité que pouvait présenter ce prélèvement sanguin ;
Considérant toutefois que M. et Mme A persistent à soutenir que les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ont commis une faute de nature à engager la responsabilité totale du service public hospitalier, le choix de procéder à une prise de sang par voie d'un cathéter ombilical comportant des risques de décès alors que l'interne opérateur, compte tenu des circonstances pathologiques particulières présentées par Idil, issue d'une grossesse gémellaire, née prématurée, ne s'est pas entouré des précautions nécessaires pour les éviter ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que si aucun compte-rendu de l'acte opératoire n'a été établi, le décès d'Idil peut être expliqué par un désamorçage de la pompe cardiaque consécutif à la vitesse du prélèvement sanguin, la position du cathéter ombilical, qui ne devait pas se trouver en position intracardiaque, ayant, selon l'expert, probablement favorisé une baisse du volume de sang en circulation et un arrêt du coeur chez une enfant qui devait faire l'objet d'une attention particulière ; que cette analyse de l'expert, qui n'est pas contredite par le rapport établi par le chef du service de pédiatrie du centre hospitalier, révèle une faute médicale de nature à engager la responsabilité totale des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ; que M. et Mme A sont dès lors fondés à soutenir qu'en raison de cette faute, ils ont droit à réparation entière des préjudices subis par eux-mêmes et les soeurs de la jeune Idil ;
Sur les réparations :
Considérant, en premier lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin produit un justificatif nominatif des frais qu'elle a engagés pour la jeune Idil, de la date de sa naissance le 29 septembre 2000 à la date de son décès le 19 octobre 2000, pour une somme de 15 895,10 euros ; que, contrairement à ce que soutiennent les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, elle justifie, par ce document, de ses frais afférents à la seule prise en charge des soins donnés à la jeune Idil ; que, compte-tenu de ce qui a été dit précédemment, elle a droit à son entier remboursement ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin est, par ailleurs, recevable à demander pour la première fois en appel les paiements des intérêts légaux sur cette somme de 15 895,10 euros ; que ces intérêts doivent être accordés à compter du 21 septembre 2011, date de sa demande devant la présente Cour ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'évaluant à la somme de 20 000 euros pour les parents et à 5 000 euros pour les soeurs mineures, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de leurs préjudices moraux respectifs ; que les appelants ont droit à réparation pour la totalité de ces sommes ;
Considérant, en troisième lieu, que les premiers juges ont retenu que M. et Mme A justifiaient, par les pièces produites, avoir exposé la somme de 787,51 euros au titre des frais d'obsèques de la jeune Idil et la somme de 4 193,57 euros au titre des frais funéraires, frais non contestés dans leur quantum par HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, qu'ils n'avaient toutefois droit aux intérêts sur ces sommes qu'à compter de la date d'enregistrement de leur requête au greffe du tribunal administratif et à la capitalisation des intérêts de retard qu'à la date de leur demande le 25 août 2008 ; que M. et Mme A se bornent à reprendre intégralement leur conclusions devant le tribunal administratif sans apporter d'éléments nouveaux de nature à modifier son jugement sur l'évaluation de ces chefs de préjudice ; qu'il ne peuvent, dès lors, prétendre qu'au remboursement de la somme totale de 4 981,10 euros assortie des intérêts légaux ;
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin a droit au versement de la somme de 990 euros demandée en première instance sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de condamner les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, partie perdante dans la présente instance, à verser à M. et Mme A la somme de 1 500 euros et à la caisse primaire d'assurance du Bas-Rhin la somme de 1 000 euros sur leur fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les sommes de 10 000 euros et de 2 500 euros que les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ont été condamnés à verser à M. et Mme A à chacun en leur nom propre et, en leur qualité de représentants légaux, à chacune de leurs filles Meliha et Selen sont portées respectivement à 20 000 euros et 5 000 euros.
Article 2 : La somme de 2 490,54 euros que les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ont été condamnés à verser à M. et Mme A est portée à la somme de 4 981,08 euros.
Article 3 : La somme de 7 947,55 euros que les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ont été condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin est portée à 15 895,10 euros, laquelle somme portera intérêts légaux à compter du 21 septembre 2011
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 8 juillet 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG verseront au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à M. et Mme A, la somme de 1 500 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin la somme de 1 000 euros, et à cette caisse une somme de 980 euros en application des dispositions de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 6 : Le surplus des conclusions de M. et Mme A est rejeté.
Article 7: Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Ilker A, aux HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG et à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.
''
''
''
''
2
N° 11NC01241 ...