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14/06/2012 | FRANCE | N°11NC01353

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 juin 2012, 11NC01353


Vu la requête, enregistrée le 19 août 2011, présentée pour M. Munur A, demeurant ..., par Me Grosset ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100747 du 19 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête tendant, d'une part, à annuler l'arrêté en date du 31 mars 2011 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, d'autre part, à d'enjoindre au préfet de

Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisati...

Vu la requête, enregistrée le 19 août 2011, présentée pour M. Munur A, demeurant ..., par Me Grosset ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100747 du 19 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête tendant, d'une part, à annuler l'arrêté en date du 31 mars 2011 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, d'autre part, à d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral en date du 31 mars 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Grosset en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car il a été rendu en méconnaissance de l'obligation de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ; il ne suffisait pas d'admettre le requérant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- l'article L. 511-1 1° du CESEDA n'est pas compatible avec les articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008, dès lors que le délai prévu par l'article L. 511-1-I est automatique, tandis que le délai prévu par l'article 7 de la directive doit être adapté à la situation et peut faire l'objet d'une prolongation de 30 jours ; le préfet a donc commis une erreur de droit en prononçant la mesure d'éloignement ; le préfet ne saurait se prévaloir de la directive 2008/115/CE, qui n'a pas été transposée en droit interne dans le délai imparti aux Etats membres, pour fixer à trente jours, et non à un mois comme le prévoit l'article L. 511-1-I, le délai d'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'état de santé justifie la prolongation du délai de départ, en application de l'article 5 de la directive ; le préfet s'est cru a tort lié et n'a pas examiné s'il y avait lieu de prolonger le délai d'un mois prévu par l'article L. 511-1-I ;

- la décision de retour n'est pas motivée, en violation de l'article 12 de la directive ;

- le préfet s'est abstenu d'examiner si la décision attaquée méconnaissait l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que la vie du requérant est en danger en cas de retour dans son pays d'origine ; à tout le moins, sa motivation sur ce point est stéréotypée ; le préfet s'est cru à tort lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2011, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête de M. A ;

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant turc entré en France au cours de l'année 2010, démuni du visa requis, demande l'annulation du jugement du 19 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête tendant à annuler l'arrêté en date du 31 mars 2011 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le jugement attaqué a été rendu le 19 juillet 2011 ; que la décision, au demeurant visée par le tribunal administratif de Nancy, par laquelle le président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy accorde à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale est datée du 20 juin 2011 ; que le moyen du requérant tiré de ce que le jugement aurait été rendu en méconnaissance de l'obligation de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle manque donc en fait ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité de nature à entraîner son annulation ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu d'adopter le motif retenu par les premiers juges pour écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions litigieuses ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive susvisée du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive : " 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. 2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse... " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance (...) d'un titre de séjour à un étranger (...) peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. / (...) / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance (...) d'un titre de séjour à un étranger (...) peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. / (...) / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration. (...) " ; qu'il résulte des articles 7 et 8 précités, qui sont d'effet direct, qu'une décision de retour doit indiquer le délai, approprié à chaque situation, dont dispose le ressortissant d'un pays tiers pour quitter volontairement le territoire national, sans que ce délai puisse être inférieur à sept jours, sauf dans les cas prévus au paragraphe 4 du même article, ni être supérieur à trente jours, à moins que des circonstances propres à la situation de l'étranger ne rendent nécessaire une prolongation de ce délai, comme le prévoit le paragraphe 2 du même article ; que les Etats membres doivent prendre toutes les mesures pour mettre à exécution une décision de retour ne comportant, lorsque cela est autorisé, aucun délai ou lorsque le délai laissé au ressortissant de pays tiers est expiré, à moins que l'un des risques mentionnés à l'article 7, paragraphe 4, n'apparaisse au cours de ce délai, auquel cas la décision de retour peut être immédiatement exécutée ; qu'une décision portant obligation de quitter le territoire français constitue une décision de retour au sens de l'article 7 de la directive précitée ; que le délai de transposition de la directive susvisée 2008/115/CE a, en application du paragraphe 1 de son article 20, expiré le 24 décembre 2010, soit antérieurement à la date d'édiction de l'arrêté attaqué ;

Considérant que, si M. A soutient que les dispositions de l'article L. 511-1 1° précité ne sont pas compatibles avec les articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008, ces dispositions ne font pas obstacle, ainsi que l'ont souligné à bon droit les premiers juges, à ce que l'autorité administrative, conformément aux stipulations de la directive, prolonge le cas échéant le délai de départ volontaire d'une durée appropriée afin de tenir compte de la situation particulière de l'étranger en situation irrégulière ; qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas entendu prolonger le délai de départ volontaire laissé à l'intéressé au-delà de trente jours, compte tenu des éléments de son dossier ; que si M. A soutient que son état de santé justifie la prolongation du délai de départ, en application de l'article 5 de la directive, il ne produit aucun élément susceptible de justifier la prolongation dudit délai pour le motif allégué ; que, si le requérant soutient que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne pouvait pas, pour fixer le délai de départ volontaire à trente jours, se prévaloir de la directive susvisée du 16 décembre 2008, non encore transposée dans le droit interne, alors que l'article L. 511-1 du code de justice administrative prévoit un délai d'une durée d'un mois, soit trente-et-un jours, il n'établit pas, faute pour lui de justifier de la date à laquelle cette décision lui a été notifiée, que le préfet aurait réduit son délai de départ d'une journée, observation étant faite qu'un mois peut avoir une durée de trente jours ; que, par suite, les moyens de M. A tirés, d'une part, de l'incompatibilité de l'article L. 511-1 1° avec les articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 et, d'autre part, de l'erreur de droit commise par le préfet de Meurthe-et-Moselle, doivent être écartés ;

Considérant, en troisième lieu, que, si les dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, exonèrent l'administration de motiver une décision portant obligation de quitter le territoire, ces dispositions n'ont pas pour objet de dispenser de toute motivation l'obligation de quitter le territoire français qui, comme toute mesure de police, doit être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, mais seulement d'une motivation spécifique, dans la mesure où la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; qu'en définissant la " décision de retour " comme étant " une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d'un ressortissant d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour ", la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 n'interdit pas de considérer que la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; que, par suite, et alors que la décision portant refus de séjour est régulièrement motivée en droit comme en fait, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté, l'article 7 de ladite directive n'imposant au surplus pas à l'administration de motiver le choix du délai de retour volontaire ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'il ne ressort des pièces du dossier, ni que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas apprécié les risques de traitements inhumains ou dégradants auxquels le requérant aurait pu être soumis dans le pays de renvoi, ni qu'il se serait cru lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile et aurait méconnu les dispositions précitées ; que les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreurs de droit doivent ainsi être écartés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions aux fins d'injonction de M. A ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu 'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Considérant que l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. A une somme en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Munur A et au ministre de l'intérieur.

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11NC01353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01353
Date de la décision : 14/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-06-14;11nc01353 ?
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