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24/05/2012 | FRANCE | N°11NC01255

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 mai 2012, 11NC01255


Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2011, présentée pour M. Shaqir A, demeurant ..., par Me Jung ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101997 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant, d'une part, à annuler l'arrêté en date du 7 mars 2011 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, à enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour,

défaut de réexaminer sa situation et dans cette attente de lui délivrer une autori...

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2011, présentée pour M. Shaqir A, demeurant ..., par Me Jung ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101997 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant, d'une part, à annuler l'arrêté en date du 7 mars 2011 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, à enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 € par jour de retard ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral en date du 7 mars 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 392 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Jung en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : il bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de maçon ; en rejetant sa demande sur le fondement des dispositions précitées, au seul motif que le métier de maçon ne figure pas sur la liste des métiers ouverts sans opposition de l'emploi, le préfet a commis une erreur de droit ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : son épouse réside en France avec leur enfant et a besoin de soins qui ne sont pas disponibles au Kosovo ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination sont insuffisamment motivées ; les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont discriminatoires au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

- l'illégalité du refus de séjour emporte celle de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de renvoi ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'est pas lié sur ce point par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2011, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête de M. A ;

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 29 septembre 2011, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2012 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant kosovar entré irrégulièrement en France le 30 juillet 2009 et dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile par décisions respectivement des 24 novembre 2009 et 19 octobre 2010, a sollicité le 24 janvier 2011 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ; qu'il demande à la Cour d'annuler le jugement du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à annuler l'arrêté en date du 7 mars 2011 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; que lorsqu'un étranger sollicite un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que dans cette dernière hypothèse, et au cas où un demandeur justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, il appartient, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ; qu'enfin l'autorité administrative conserve, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la possibilité de régulariser la situation d'un étranger aux fins d'exercer une activité ne figurant pas sur la liste précédemment mentionnée ; qu'en l'espèce, si M. A se prévaut d'une promesse d'embauche en qualité de maçon, il est constant que ce métier n'est pas au nombre de ceux qui sont caractérisés par des difficultés de recrutement en Alsace et recensés comme tel par la liste annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008 ; qu'il s'ensuit que la demande présentée par l'intéressé ne rentrait pas dans le champ des dispositions précitées ; que le seul fait de disposer d'une promesse d'embauche en qualité de maçon ne constitue pas un motif exceptionnel de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour à titre humanitaire ; qu'en outre, ni les attaches dont le requérant dispose sur le territoire national, ni la durée de son séjour en France ne justifie sa régularisation à titre humanitaire ou exceptionnel sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de la méconnaissance desdites dispositions doit ainsi être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu d'adopter le motif retenu par les premiers juges pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation... " ; que, si les dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, exonèrent l'administration de motiver une décision portant obligation de quitter le territoire, ces dispositions n'ont pas pour objet de dispenser de toute motivation l'obligation de quitter le territoire français qui, comme toute mesure de police, doit être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, mais seulement d'une motivation spécifique, dans la mesure où la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; que M. A ne démontre pas, ainsi que l'ont souligné à juste titre les premiers juges, en quoi l'absence d'obligation de motiver spécifiquement les décisions portant obligation de quitter le territoire français constituerait une discrimination ; qu'à cet égard, il ne peut utilement invoquer, ainsi qu'il l'avait fait devant les premiers juges, les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son protocole n° 12, dès lors que les recours formés contre les décisions de refus de titre de séjour ne sont relatifs ni à des droits et obligations de caractère civil, ni à des accusations en matière pénale ; que le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la délibération n° 2007-370 du 17 décembre 2007 de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, pour faire obstacle à l'application d'une disposition législative ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article L. 511-1 seraient discriminatoires au regard des dispositions de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire, et tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. A, doit être écarté ;

En ce qui concerne la fixation du pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que la décision par laquelle le préfet du Bas-Rhin a fixé le Kosovo comme pays de destination d'une éventuelle reconduite à la frontière de M. A comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, dès lors, régulièrement motivée au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, et tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. A et de la décision portant obligation de quitter le territoire, doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A n'invoque à l'appui de sa requête d'appel dirigée contre la décision fixant le pays de destination, que des moyens déjà présentés devant le tribunal administratif de Strasbourg ; que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges, qui n'ont pas commis d'erreur en estimant que l'intéressé n'apportait pas la preuve, qui lui incombe, d'une part de la méconnaissance des stipulation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part que le préfet du Bas-Rhin se serait estimé lié sur ce point par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions aux fins d'injonction de M. A ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu 'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Considérant que l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. A une somme en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Shaqir A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2012, à laquelle siégeaient :

- M. Laurent, président de chambre,

- M. Trottier, président,

- M. Favret, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2012.

Le rapporteur, Le président,

Signé : J.-M. FAVRET Signé : C. LAURENT

Le greffier,

Signé : J. CHAPOTOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J. CHAPOTOT

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11NC01255


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01255
Date de la décision : 24/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : SCP JUNG-JUNG-JUNG-PALLUCCI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-05-24;11nc01255 ?
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