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05/04/2012 | FRANCE | N°11NC01161

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 avril 2012, 11NC01161


Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2011, présentée pour Mme Colette A, demeurant ... par Me Grimbert ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901527 du 26 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision en date du 30 juillet 2009 par laquelle l'inspection du travail du Doubs a refusé d'autoriser la société Kerdaino à la licencier ;

2°) de mettre à la charge de la société Kerdaino la somme de 2392 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;>
Elle soutient que :

- la réalité du motif économique du licenciement n'est pas établ...

Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2011, présentée pour Mme Colette A, demeurant ... par Me Grimbert ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901527 du 26 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision en date du 30 juillet 2009 par laquelle l'inspection du travail du Doubs a refusé d'autoriser la société Kerdaino à la licencier ;

2°) de mettre à la charge de la société Kerdaino la somme de 2392 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la réalité du motif économique du licenciement n'est pas établie ;

- la société Kerdaino n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ;

- il y a un lien entre le mandat syndical qu'elle détient et la procédure de licenciement, comme en attestent les discriminations dont elle a fait l'objet, notamment en ce qui concerne ses horaires fluctuants et fantaisistes de travail, par rapport à ses collègues M. B et Mme C ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2011, présenté pour la société Kerdaino par Me Baufle, qui conclut au rejet de la requête de Mme A et à ce que soit mise à la charge de Mme A une somme de 2 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés :

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été notifiée au ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2012 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public ;

Considérant que la société Kerdaino, holding du groupe comprenant les sociétés Altec Automotive et Altec Industries, ainsi que la société Imprim'graph, a demandé à l'inspection du travail du Doubs, le 24 juin 2009, l'autorisation de procéder au licenciement de Mme KRUCIEN, déléguée du personnel titulaire depuis le 22 mars 2007 et chef du service dessins et photos de la société, pour motif économique ; que par décision en date du 30 juillet 2009, l'inspection du travail du Doubs a refusé d'autoriser ledit licenciement, en raison de l'absence de difficultés économiques sérieuses et du lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat détenu par l'intéressée ; que par jugement en date du 26 mai 2011, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision de l'inspection du travail du Doubs en date du 30 juillet 2009 ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : " bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : 1° Délégué syndical ; 2° Délégué du personnel ; 3° Membre élu du comité d'entreprise ; 4° Représentant syndical au comité d'entreprise... " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-2 du même code : " bénéficient également de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, le délégué syndical, le délégué du personnel, le membre du comité d'entreprise... " ; qu'en vertu de ces dispositions combinées, les salariés légalement investis d'un mandat de délégué du personnel ou de membre du comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ; que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative doit prendre en considération non seulement la situation de la société demanderesse mais également celle de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause, que lesdites sociétés soient établies en France ou à l'étranger ; qu'enfin, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, et notamment des éléments chiffrés produits par la société Kerdaïno, que celle-ci a enregistré une baisse sensible de ses commandes entre 2007 et 2009 ; qu'à la fin de l'exercice 2008, cette baisse a été de 56 % pour la société Altec Automotive, de 20 % pour la société Altec industries, et de 60 % pour la société Imprim'graph ; que cette baisse des commandes s'est amplifiée en 2009, les résultats comptables des sociétés du groupe au titre de l'exercice 2009 confirmant ces difficultés économiques ; que, toutefois, il n'est pas contesté qu'à compter du mois d'août 2008, la société Kerdaino a eu recours à un salarié interimaire, M B, dont le poste a été transformé en contrat à durée indéterminée en janvier 2009 ; qu'il n'est pas davantage contesté que ce salarié faisait fonction, comme Mme Krucien, d'infographiste ; que la société ne conteste pas non plus avoir embauché autre salariée, Mme C, à compter du mois de février 2009, pour exercer également des fonctions d'infographistes, initialement, les vendredis, puis avec des horaires plus conséquents ; qu'il est également constant qu'il a été proposé à Mme KRUCIENA de rester dans l'entreprise, en qualité d'infographe, et non plus de responsable ; qu'il ressort par ailleurs des dires en défense de l'administration en première instance, comme de la décision attaquée, qui ne sont pas contestés sur ce point par la société intimée, que l'enquête administrative a établi que depuis le 19 juin 2009, la principale tâche de responsabilité de l'atelier dessin, consistant à assister tous les lundis aux réunions de responsables de service de Kerdaino pour faire le point de la situation des différents services, est accomplie par M B ; qu'il est ainsi établi par les pièces du dossier que le poste de Mme KRUCIENA n'a pas été supprimé, et ce nonobstant la circonstance que M Gaiffe et Mme C ont été engagés pour pallier les absences fréquentes de Mme KRUCIENA; que, par suite, Mme A est fondée à soutenir que la réalité du motif économique du licenciement n'est pas établie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Besançon a estimé que la réalité du motif économique du licenciement était établie ; que l'absence de difficulté économique sérieuse était à elle seule de nature à justifier le refus d'autorisation opposé par l'inspecteur du travail du Doubs ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision en date du 30 juillet 2009 par laquelle l'inspection du travail du Doubs a refusé d'autoriser la société Kerdaino à la licencier ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Kerdaino demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Kerdaino une somme de 1 500 euros à verser à Mme A au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0901527 du 26 mai 2011 du Tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de la société Kerdaino est rejetée.

Article 3 : La société Kerdaino versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Kerdaino tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Colette A, à la société Kerdaino et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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11NC01161


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01161
Date de la décision : 05/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : GRIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-04-05;11nc01161 ?
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