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05/04/2012 | FRANCE | N°11NC01142

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 avril 2012, 11NC01142


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2011, présentée pour M. David A, demeurant ...), par Me Baumont ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001010 du 12 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à annuler la décision en date du 25 mai 2010 par laquelle l'inspection du travail de Montbéliard a autorisé son licenciement pour motif économique ;

2°) d'annuler la décision de l'inspection du travail de Montbéliard en date du 25 mai 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2

000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice...

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2011, présentée pour M. David A, demeurant ...), par Me Baumont ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001010 du 12 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à annuler la décision en date du 25 mai 2010 par laquelle l'inspection du travail de Montbéliard a autorisé son licenciement pour motif économique ;

2°) d'annuler la décision de l'inspection du travail de Montbéliard en date du 25 mai 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision litigieuse aurait dû préciser le motif d'empêchement de l'inspecteur du travail justifiant l'intérim ; il n'est pas démontré que le signataire de l'acte litigieux avait compétence pour le signer ;

- l'association IDé appartient à un groupe ;

- seule l'association IDé connaissait des difficultés économiques, à l'exclusion des autres structures du groupe ; la suppression de son poste n'était pas nécessaire ;

- aucune tentative de reclassement au sein de l'"ensemblier" n'a été faite, alors qu'il aurait pu être reclassé dans l'une des structures n'ayant pas de difficultés économiques, dès lors qu'il existait des postes disponibles et qu'il avait les qualifications nécessaires pour occuper lesdits postes ; il n'y a pas eu non plus de reclassement externe ;

- son employeur a décidé de le licencier en 2010, quand il a pris connaissance de sa demande d'organisation élections professionnelles et de sa volonté de se présenter auxdites élections ; l'absence de critères d'ordre des licenciements et l'hostilité du directeur à l'égard de sa demande de tenue d'élections professionnelles attestent du lien entre son licenciement et cette demande ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2011, présenté par l'association IDé, qui conclut au rejet de la requête de M. A ;

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés :

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 77-1288 du 24 novembre 1977 portant organisation des services extérieurs du travail et de l'emploi, aujourd'hui abrogé ;

Vu le décret n° 99-955 du 17 novembre 1999 susvisé relatif à l'organisation des services déconcentrés du ministère chargé du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2012 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public ;

Considérant que M A exerçait les fonctions de directeur adjoint d'un " ensemblier " d'entreprises et d'associations d'insertion en Franche Comté, engagé par l'association IDé, lorsqu'il a sollicité le 16 février 2010 l'organisation d'élections professionnelles, se portant candidat à ces élections sous l'étiquette CFDT ; qu'il bénéficiait dès lors, durant six mois à compter de l'envoi de la lettre recommandée par laquelle le syndicat a présenté sa demande, d'une protection en sa qualité de salarié mandaté par une organisation syndicale ayant sollicité, la première, l'organisation des élections ; que, par jugement en date du 12 mai 2011, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. A tendant à annuler la décision de l'inspection du travail de Montbéliard en date du 25 mai 2010 autorisant son licenciement pour motif économique ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'il y a lieu d'adopter le motif retenu par les premiers juges pour écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse ;

En ce qui concerne l'appartenance de l'association IDé à un groupe :

Considérant que, si l'association IDé appartient à l'" ensemblier " dénommé DéFI, composé de six structures d'insertion (DEFI, INEO, ENVIE-2e, Les jardins d'IDEES, ID2, ENVIé) ayant signé un contrat par lequel elles s'engagent à respecter une charte, il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'il n'y a pas d'unité économique et sociale entre lesdites structures, lesquelles interviennent dans des domaines d'activités différents (services à la personne, bâtiment, culture maraîchère biologique, réparation et revente d'appareil électronique, audit en création d'entreprise, intérim), et, d'autre part, que le lien qui les unit n'a pas la nature d'un lien de groupe au sens de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ; qu'il s'ensuit que l'association IDé ne peut pas être regardée comme appartenant à un groupe, et ce nonobstant la permutabilité relative du personnel entre les six structures en cause et la circonstance que M. A était conduit, en sa qualité de sous directeur adjoint de ces six structures, à intervenir dans la gestion de chacune d'elles ;

En ce qui concerne la réalité des difficultés économiques :

Considérant que l'article L. 2411-1 du code du travail dispose que " bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : 1° Délégué syndical ; 2° Délégué du personnel ; 3° Membre élu du comité d'entreprise ; 4° Représentant syndical au comité d'entreprise [...] " ; que l'article L. 2411-2 du même code dispose que " bénéficient également de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, le délégué syndical, le délégué du personnel, le membre du comité d'entreprise [...] " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises " ; qu'en vertu de ces dispositions combinées, les salariés légalement investis d'un mandat de délégué du personnel ou de membre du comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;

Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, l'association IDé ne peut être regardée comme appartenant à un groupe au sens du droit commercial ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'inspecteur du travail aurait commis une erreur de droit en se plaçant au seul niveau de l'association IDé pour apprécier la réalité des difficultés économiques alléguées ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'association IDé a enregistré un déficit comptable de 141 187,60 euros en 2009 ; qu'elle avait également une dette d'environ 180 000 euros avant prestations 2009 à l'égard de l'association DÉFI, membre de l'" ensemblier " ; que l'association IDé avait au demeurant fait l'objet d'une procédure d'alerte du commissaire aux comptes le 19 mars 2010, invitant l'association à prendre des mesures de nature à rétablir son équilibre financier ; que si, compte tenu du caractère transversal des fonctions assumées par l'intéressé, le coût financier de l'emploi de M A était supporté par les différentes structures du groupe, l'association IDé prenait en charge 37 % de ses dépenses de personnel en 2009, soit la plus grosse quote-part des structures de l'" ensemblier " ; que le poste de M. A a été supprimé ; que, par suite, la réalité des difficultés économiques alléguées par l'employeur et confirmées par l'inspecteur du travail du Doubs est établie ;

En ce qui concerne les efforts de reclassement :

Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, l'association IDé ne peut être regardée comme appartenant à un groupe au sens du droit commercial ; qu'il s'ensuit qu'elle n'était pas tenue d'étudier les possibilités de reclassement de M. A au sein des autres structures de l'" ensemblier " ; que le requérant ne saurait dès lors utilement soutenir qu'aucune tentative de reclassement au sein de l'" ensemblier " n'a été faite, notamment sur le poste de conseiller en insertion professionnelle créé le 1er mars 2010 au sein de la structure ENVIE Franche-Comté ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de l'enquête administrative, qu'un poste, fut-il de catégorie inférieur à celui qu'il occupait, ait été susceptible d'être proposé à M A au sein de l'association IDé ; que l'association IDé a en revanche accompli, sans succès, des diligences afin d'obtenir le reclassement externe de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen de M. A, tiré de l'insuffisance des efforts de reclassement, doit être écarté ;

En ce qui concerne le lien avec la demande d'organisation d'élections professionnelles et l'intention de M. A de se présenter auxdites élections :

Considérant, d'une part, que M. A a sollicité l'organisation d'élections professionnelles, au nom de la CFDT, par courrier en date du 16 février 2010 ; que sa protection en qualité de salarié protégé n'a ainsi commencé à jouer qu'à compter de cette date, l'intéressé n'étant jusque là titulaire d'aucun mandat de représentant du personnel ;

Considérant, d'autre part, que M. A soutient que son employeur lui a témoigné de l'animosité et a présenté la demande d'autorisation de le licencier le 2 avril 2010, après avoir pris connaissance de sa demande d'organisation élections professionnelles et de sa volonté de se présenter auxdites élections ; que, toutefois, s'il produit des pièces démontrant qu'il lui était demandé de rendre des comptes sur ses activités, ces demandes ne sont pas de nature à établir l'existence d'une pression en lien avec un mandat qu'il ne détenait au demeurant pas encore ; que les brimades alléguées ne sont pas établies par la production de mails émanant de ses collègues ; qu'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de se prononcer sur l'ordre des licenciements applicables dans l'entreprise ; que la circonstance qu'il ait été décidé en l'espèce de supprimer deux postes, dont un poste de direction, dans une structure comportant moins d'une vingtaine de permanents, sans que les critères d'ordre de licenciement n'apparaissent, n'est pas de nature à établir la discrimination alléguée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen de M. A tiré du lien entre la demande d'autorisation de licenciement et sa demande d'organisation d'élections professionnelles doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. David A, à l'association IDé et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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11NC01142


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01142
Date de la décision : 05/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : BAUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-04-05;11nc01142 ?
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