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22/03/2012 | FRANCE | N°11NC01631

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 22 mars 2012, 11NC01631


Vu la requête, enregistrée le 14 octobre 2011, présentée par le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE ; le PREFET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1104368 en date du 5 septembre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, d'une part, ses décisions du 30 août 2011 obligeant M. Ahmed A à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et l'interdisant de retour sur le territoire français pendant un an et, d'autre part, sa décision du 31

août 2011 plaçant M. A en rétention dans un local non pénitentiaire pen...

Vu la requête, enregistrée le 14 octobre 2011, présentée par le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE ; le PREFET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1104368 en date du 5 septembre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, d'une part, ses décisions du 30 août 2011 obligeant M. Ahmed A à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et l'interdisant de retour sur le territoire français pendant un an et, d'autre part, sa décision du 31 août 2011 plaçant M. A en rétention dans un local non pénitentiaire pendant un délai de cinq jours ;

2°) de rejeter la requête formée par M. A devant le Tribunal administratif ;

Le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale en l'absence de communauté de vie avérée entre l'intéressé et Mlle Castiglione dont la grossesse ne semble pas résulter d'un projet commun ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est signée par l'autorité compétente ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire est correctement motivée en droit et en fait et démontre qu'il a été procédé à l'examen particulier de la situation de M. A ;

- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation du risque de fuite dans la mesure où M. A a enfreint la loi française en se faisant délivrer indûment une carte d'identité française et en ne révélant sa véritable identité qu'au moment de rédiger une reconnaissance de paternité ;

- la décision d'interdiction de retour contient les considérations de droit et de fait qui la fondent de sorte qu'elle est suffisamment motivée ;

- la situation de M. A, qui a menti sur son identité et sa nationalité à Mlle Castiglione et a fabriqué et utilisé de faux documents pour obtenir frauduleusement une carte nationale d'identité française, relevait bien du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi ne méconnaît pas l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les allégations de M. A ne sont étayées par aucun commencement de preuve ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, présenté le 24 janvier 2012 par Me Richard pour M. A ; M. A demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg du 5 septembre 2011 ;

2°) d'enjoindre au PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de lui délivrer, sur le fondement de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur son cas, sous astreinte de 100 euros par jour de retard courant à compter du trentième jour suivant le prononcé de l'arrêt à intervenir ;

3°) de condamner le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que :

- l'arrêté préfectoral a été pris par une autorité incompétente à défaut de délégation de signature ;

- aucune mesure de reconduite à la frontière ne pouvait être prise à son encontre dès lors qu'il remplissait la condition posée au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir remettre un titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle dès lors qu'il ne dispose d'aucune attache familiale en Algérie alors qu'il a vécu durant des années auprès de sa famille en France ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas pris soin de procéder à l'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle dès lors qu'il ne présentait aucun risque de fuite eu égard à la possession d'une carte d'identité algérienne et d'un domicile à Nancy ;

- la décision de placement en rétention n'est pas motivée ;

- elle n'est pas justifiée par sa situation dès lors qu'il est présent depuis des années sur le territoire français où il justifie d'une adresse précise et fixe et où se trouve sa famille ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est disproportionnée par rapport aux faits qui la fondent ;

Vu, en date du 22 novembre 2011, la décision du bureau d'aide juridictionnelle accordant à M. A une aide juridictionnelle partielle à hauteur de 85 % ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 dite " retour " relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu la convention franco-algérienne du 27 décembre 1968 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 février 2012 :

- le rapport de Mme Piérart, président de la Cour,

- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité algérienne, est entré en France selon ses dires en 2008 ; qu'il ressort de son procès-verbal d'audition qu'il s'est déclaré célibataire et sans enfant à charge ; que si l'intéressé soutient entretenir depuis juin 2010 une relation avec Mlle Castiglione qui est enceinte de ses oeuvres, il n'établit pas l'existence d'une communauté de vie, laquelle serait en tout état de cause très récente, avec sa concubine ; que la circonstance qu'il aurait effectué en mairie une reconnaissance prénatale de paternité ne suffit pas à caractériser la réalité de la vie familiale ; que les déclarations de Mlle Castiglione, faites postérieurement à l'arrêté attaqué lors de l'audience de première instance, ne permettent pas d'attester la réalité de la vie commune avec M. A alors que Mlle Castiglione, lors de son audition le 17 août 2011 par les services de police, affirmait n'avoir jamais vécu avec M. A ; que ce dernier a déclaré lors de son audition que l'attestation d'hébergement attribuée à Mlle Castiglione était un faux ; qu'en outre, M. A n'établit pas en quoi sa présence aux côtés de Mlle Castiglione, handicapée à 80%, serait indispensable ; que par ailleurs M. A, selon ses propres dires, a vécu sans interruption en Algérie depuis sa naissance jusqu'à l'âge de 20 ans ; qu'ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M. A en France et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur le motif tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler les décisions du 30 août 2011 du PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE obligeant M. A à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et l'interdisant de retour sur le territoire français pendant un an et la décision du 31 août 2011 plaçant M. A en rétention dans un local non pénitentiaire pendant un délai de cinq jours ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg et devant elle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que par arrêté du 22 août 2011, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture au numéro 24 du 24 août 2011, le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE a donné délégation à M. François Malhanche, secrétaire général, à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit ; que, par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité compétente ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A, qui n'a présenté aucune demande de titre de séjour, ne peut utilement soutenir qu'il remplit les conditions posées au 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour qui ferait obstacle à toute mesure d'éloignement prise à son encontre ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. A soutient qu'il est bien inséré en France, pays dont il parle la langue et qu'il dispose d'une promesse d'embauche, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle au regard de l'ensemble des circonstances de son séjour en France et notamment au regard de sa durée limitée et de l'absence d'une communauté de vie avec Mlle Castiglione ;

Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de du II de l'article L. 511-1 du CESEDA : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) " et qu'aux termes de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " 1. Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. " ;

Considérant que la décision en litige, qui vise les dispositions du a), du e) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que la situation de M. A, notamment les conditions de son interpellation liées à l'usurpation d'identité et l'obtention indue de documents d'identité, attestent qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire ; que la décision précise que M. A ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes puisqu'il n'a pas remis de document d'identité en cours de validité ; qu'elle ajoute qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire usage du pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet d'accorder un délai de départ volontaire de trente jours ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée en application des dispositions précitées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de délai de départ volontaire comporte, dans ses visas et ses motifs, tous les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. A ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) " ;

Considérant que si M. A soutient qu'il présente des garanties de représentation suffisantes, la carte d'identité algérienne dont il se prévaut n'est ni produite au dossier ni mentionnée par les services de police dans les procès-verbaux d'audition de l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a dissimulé des éléments de son identité dès lors qu'il s'est fait indûment délivrer une carte nationale d'identité française sous un autre nom, ce qui a donné lieu à une enquête de flagrance pour usurpation d'identité et obtention indue de documents administratifs ; qu'en outre, comme il a été dit précédemment, M. A n'établit pas avoir d'adresse fixe chez Mlle Castiglione ; qu'il entrait donc dans le champ d'application des dispositions susmentionnées du 3° du paragraphe II de l'article L.511-1 précité ; que, par ailleurs, la décision lui refusant un délai de départ volontaire se fonde également sur le motif tiré de son entrée irrégulière en France et de la circonstance qu'il n'a effectué aucune démarche afin de régulariser sa situation administrative sur le territoire français, prévu au a) du 3° du II de l'article L. 511-1 précité, qui n'est pas critiqué par l'intéressé ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE aurait commis une erreur dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A en décidant qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive n°2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; que le 7) de l'article 3 de la même directive définit ce "risque de fuite" comme " le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l' objet de procédures de retour peut prendre la fuite " ; qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 16 juin 2011 : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...)" ; que, contrairement à ce que soutient M. A, les dispositions du 3° du paragraphe II de l'article L. 511-1 précité ne sont pas incompatibles avec celles susmentionnées de la directive n°2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, que la loi du 16 juin 2011 précitée a eu pour objet de transposer ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'inconventionnalité des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que si M. A, qui n'a formé aucune demande d'admission au séjour au titre de l'asile en France, soutient sans autre précision qu'il est menacé par des groupes armés dans son pays d'origine où il encourt des traitements inhumains ou dégradants, il n'établit pas le bien-fondé de telles allégations ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A en décidant qu'il serait éloigné à destination de l'Algérie ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français " ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage d'assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français dans l'un des cas mentionnés au paragraphe III de l'article L.511-1, de motiver sa décision au regard de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ; que la décision litigieuse, qui vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que la situation de M. A, notamment son comportement délinquant sur le territoire national tel que précédemment décrit, justifient l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire d'un an ; que la décision précise que si M. A déclare entretenir depuis plusieurs mois une relation amoureuse avec une ressortissante française qui est enceinte de ses oeuvres, celle-ci a déclaré vouloir entamer des démarches en vue d'obtenir la déchéance de ses droits en matière de paternité et est à l'origine de l'interpellation de M. A ; que la décision attaquée ajoute qu'il n'y a pas lieu, compte tenu du cas d'espèce, de faire usage du pouvoir discrétionnaire du préfet de ne pas assortir l'obligation de quitter le territoire d'une interdiction de retour sur le territoire français ; que, par conséquent, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français comporte, dans ses visas et ses motifs, tous les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. A au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

Considérant, en second lieu, d'une part, que le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE a pu légalement s'appuyer sur les motifs sus-énoncés qui ne sont entachés d'aucune erreur de fait pour prendre la décisions attaquée ; que, d'autre part, alors que M. A, comme il a été précédemment rappelé, est entré en France selon ses dires en 2008, s'est déclaré célibataire et sans enfant et qu'il n'établit pas la réalité d'une communauté de vie avec Mlle Castiglione, le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis en décidant qu'il serait interdit de retour sur le territoire français pendant un an ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement (...) est écrite et motivée. (...) " ;

Considérant que la décision de placement en rétention administrative, qui cite le 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que la décision portant obligation de quitter le territoire français dont fait l'objet M. A ne peut être exécutée avant l'expiration du délai de 48 heures suivant sa notification ; qu'elle mentionne en outre qu'il n'y a pas lieu de faire usage du pouvoir dont dispose le préfet d'assigner M. A à résidence, notamment compte tenu de l'absence de garanties de représentation suffisantes attestée par les conditions de son interpellation en possession d'une carte d'identité française obtenue frauduleusement, de son maintien sur le territoire en situation irrégulière depuis 2008 et de l'absence de démarche en vue de régulariser sa situation administrative ; que, par conséquent, la décision de placement en rétention administrative comporte, dans ses visas et ses motifs, tous les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. A au regard des dispositions précitées ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;

Considérant, comme il a été dit ci-dessus, que M. A ne présente pas de garanties de représentation suffisantes en raison de la possession d'une carte d'identité française obtenue frauduleusement, de son maintien sur le territoire français en situation irrégulière depuis 2008 et de l'absence de démarche en vue de régulariser sa situation administrative ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur dans l'appréciation de sa situation personnelle au regard de l'article L. 561-2 précité doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 16 juin 2011 : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ; / 2° Fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ; / 3° Doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction judiciaire du territoire prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ; / 4° Fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission ou d'une décision d'éloignement exécutoire mentionnée à l'article L. 531-3 du présent code ; / 5° Fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois années auparavant en application de l'article L. 533-1 ; / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / 7° Doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour ; / 8° Ayant fait l'objet d'une décision de placement en rétention au titre des 1° à 7°, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il est l'objet dans un délai de sept jours suivant le terme de son précédent placement en rétention ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire." ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ; qu'aux termes de l'article 8 de la directive européenne 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " 4. Lorsque les États membres utilisent - en dernier ressort - des mesures coercitives pour procéder à l'éloignement d'un ressortissant d'un pays tiers qui s'oppose à son éloignement, ces mesures sont proportionnées et ne comportent pas d'usage de la force allant au-delà du raisonnable. (...) " ; qu'aux termes de l'article 15 de ladite directive : " 1. À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsque: / a) il existe un risque de fuite (...) " et qu'aux termes de l'article 20 de la même directive intitulé " Transposition " : " 1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 24 décembre 2010. (...) " ; que, contrairement à ce que soutient M. A, les dispositions de l'article L. 551-1 ne sont pas incompatibles avec les stipulations des articles 8-4, 15-1 et 20 susmentionnés de la directive n°2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, que la loi du 16 juin 2011 précitée a eu pour objet de transposer ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'inconventionnalité des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, d'une part, les décisions du 30 août 2011 obligeant M. Ahmed A à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et l'interdisant de retour sur le territoire français pendant un an et, d'autre part, la décision du 31 août 2011 plaçant M. A en rétention dans un local non pénitentiaire pendant un délai de cinq jours ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A ne peuvent ainsi qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. A la somme qu'il demande au titre des frais qu'il a exposés en appel et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 5 septembre 2011 est annulé.

Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions reconventionnelles présentées par M. A sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ahmed A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N°11NC01631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01631
Date de la décision : 22/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PIERART
Rapporteur ?: Mme Odile PIERART
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-03-22;11nc01631 ?
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