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22/03/2012 | FRANCE | N°11NC01619

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 22 mars 2012, 11NC01619


Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2011, présentée par le PREFET DU BAS-RHIN ; le PREFET DU BAS-RHIN demande à la Cour d'annuler le jugement n°1104389 en date du 5 septembre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 2 septembre 2011 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ainsi que le placement de M. A dans un local non pénite

ntiaire durant un délai de cinq jours ;

Le PREFET DU BAS-RHIN sou...

Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2011, présentée par le PREFET DU BAS-RHIN ; le PREFET DU BAS-RHIN demande à la Cour d'annuler le jugement n°1104389 en date du 5 septembre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 2 septembre 2011 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ainsi que le placement de M. A dans un local non pénitentiaire durant un délai de cinq jours ;

Le PREFET DU BAS-RHIN soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été signée par une autorité ayant régulièrement reçu délégation de signature ;

- elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. A s'est abstenu de toutes démarches pour régulariser sa situation, que sa relation avec sa compagne est récente et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ;

- elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales étant donné que M. A ne produisait aucun élément démontrant la réalité de son projet de mariage qu'il ne pourrait pas se marier dans son pays d'origine ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle a été signée par une autorité ayant régulièrement reçu délégation de signature ;

- il n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de la situation de M. A dès lors qu'il est entré irrégulièrement en France, ne s'est pas conformé à un arrêté de reconduite à la frontière notifié en 2007, ne détient aucun document de voyage ou d'identité et ne démontre pas avoir un lieu de résidence effectif permanent ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même régulière ;

- M. A ne démontre pas le caractère réel et personnel des menaces encourues en cas de retour dans son pays d'origine ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est suffisamment motivée ;

- elle se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire régulière ;

- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. A se maintient de manière irrégulière sur le territoire français depuis 2003, qu'il n'a jamais déposé de demande de titre de séjour et qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement ;

En ce qui concerne la décision portant placement en rétention :

- elle est suffisamment motivée ;

- elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire elle-même régulière ;

- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. A présente un risque de fuite ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2011, présenté pour M. A par Me Airoldi Martin ; M. A demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la préfecture du Bas-Rhin ;

2°) de confirmer le jugement rendu par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg le 5 septembre 2011 ;

3°) d'annuler les décisions en date du 2 septembre 2011 par lesquelles le PREFET DU BAS-RHIN l'a obligé à quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit, a assorti l'obligation de quitter le territoire d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et l'a placé en rétention dans un local non pénitentiaire durant un délai de cinq jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

M. A soutient que :

- En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à l'ancienneté et à l'intensité de ses relations avec sa soeur, ses neveux et nièce et son épouse ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est signée par une autorité incompétente ;

- le PREFET a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle dès lors qu'il vit en France depuis 8 ans, justifie d'une résidence stable, d'un travail et d'une vie commune avec sa compagne, et qu'il a sollicité sa régularisation auprès du ministère de l'Intérieur par l'intermédiaire d'un religieux copte ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle ne se fonde pas sur une décision portant obligation de quitter le territoire régulière ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où la situation de la minorité copte en Egypte est préoccupante en cette période de révolution ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle n'est pas fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire régulière ;

- elle est insuffisamment motivée dès lors que le PREFET n'a pas pris en considération tous les éléments de faits caractérisant sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la durée et des liens qu'il a tissés en France et de ce que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

En ce qui concerne la décision de placement en rétention administrative :

- elle est insuffisamment motivée dès lors que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- elle est fondée sur des décisions portant obligation de quitter le territoire, refus de délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi irrégulières ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le PREFET n'a pas justifié la nécessité de la rétention administrative, le risque de fuite n'étant pas établi et son comportement n'ayant pas empêché ou retardé une procédure d'éloignement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 février 2012 :

- le rapport de Mme Piérart, Président de la Cour,

- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;

Considérant que si le PREFET DU BAS-RHIN fait valoir que M. A, ressortissant égyptien entré irrégulièrement en France en août 2003, n'a déposé aucune demande de titre de séjour depuis cette date auprès de l'administration et a fait l'objet en 2007 d'une mesure de reconduite à la frontière à laquelle il n'a pas déféré, il ressort toutefois des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M. A est entré en France afin de prêter assistance à sa soeur, de nationalité française, devenue veuve le 13 août 2003 et qui a monté à Paris un commerce dans la restauration, en s'occupant de ses trois enfants alors qu'ils étaient âgés de 5, 7 et 9 ans ; qu'une attestation de ces derniers témoigne de leur attachement pour leur oncle qui a joué à leur égard le rôle d'un père ; qu'il s'est marié religieusement avec une compatriote, Mlle Zaki, titulaire d'un titre de séjour étudiant, dont la demande d'inscription à l'Institut catholique de Paris a été acceptée ; que le couple réside chez la soeur de M. A depuis le mois de juillet 2011 et leur mariage civil était prévu le 1er octobre 2011 ; qu'au vu de ces éléments, l'ancienneté et l'intensité des relations de l'intéressé avec sa soeur, ses neveux et nièce et son épouse doivent être regardées comme établies ; qu'ainsi, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce et nonobstant la présence en Egypte des parents, de deux soeurs et d'un frère de M. A, la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU BAS-RHIN n'est pas fondé à soutenir, que c'est à tort, que par le jugement en date du 5 septembre 2011, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté pris à l'encontre de M. A et portant obligation de quitter le territoire français;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. A, de la somme de 1 500 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par le PREFET DU BAS-RHIN est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 € (mille cinq cent euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 11NC01619


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01619
Date de la décision : 22/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PIERART
Rapporteur ?: Mme Odile PIERART
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-03-22;11nc01619 ?
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