Vu la requête, enregistrée le 9 novembre 2011, présentée pour M. Abuzar A, demeurant chez Mme C au ..., par Me Levi-Cyferman ; M. A demande à la Cour :
1°) d'infirmer le jugement n°1102251 en date du 13 mai 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 31 mars 2011 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros qui seront recouvrés par Me Levi-Cyferman en application du droit d'option selon l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
M. A soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte une motivation insuffisante tant en droit qu'en fait et s'abstient de toute analyse personnalisée et circonstanciée de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis plusieurs années et qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française ;
- la décision fixant le pays de renvoi comporte une motivation insuffisante tant en droit qu'en fait sans tenir compte de sa situation particulière ;
- elle méconnaît l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il a subi des menaces dans son pays d'origine en raison de son engagement politique ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu, en date du 29 septembre 2011, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire du préfet de Meurthe-et-Moselle, enregistré le 16 février 2012, qui conclut au rejet de la requête ; le préfet de Meurthe-et-Moselle soutient que :
- l'arrêté contesté, qui vise les dispositions applicables, mentionne tous les éléments propres à la situation de M. A, est suffisamment motivé ;
- le requérant ne démontre pas que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- M. A n'établit pas qu'il encourt des risques personnels pour sa vie ou son intégrité physique en cas de retour en Turquie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2012 le rapport de Mme Piérart, président de la Cour ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...) " ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle faisant obligation à M. A de quitter le territoire français doit être écarté comme inopérant ;
Considérant, en second lieu, que M. A, ressortissant turc, est entré irrégulièrement en France en 2009 selon ses dires ; que si le requérant fait valoir qu'il vit en concubinage depuis un an avec Mme C, il a indiqué lors de son procès-verbal d'audition du 10 mai 2011 ne pas avoir de relation amoureuse avec elle et ne pas vivre avec elle ; que les attestations de son entourage, postérieures à la décision attaquée, ne permettent pas de démontrer l'existence de la communauté de vie ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que M. A n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie où résident son ex-épouse et leurs trois enfants, sa mère et ses sept frères et soeurs et où il a demeuré lui-même depuis sa naissance jusqu'à l'âge de 44 ans ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision obligeant M. A à quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse comporte dans ses visas et ses motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. A au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables, notamment au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des citoyens ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
Considérant que si M. A soutient sans autre précision qu'il est menacé dans son pays d'origine en raison de son engagement politique, il n'établit pas le bien-fondé de telles allégations en se bornant à produire trois attestations non datées, rédigées en des termes vagues et généraux et attribuées à sa mère, son frère et un ami en Turquie ; que par ailleurs, ni l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ni la Cour nationale du droit d'asile n'ont retenu que M. A se trouverait personnellement exposé à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté ; qu'en outre, la décision fixant le pays de renvoi prévoit le retour du requérant à destination soit de la Turquie, soit de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 31 mars 2011 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de M. A tendant à ce que la Cour ordonne au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail ne peuvent ainsi qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abuzar A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N°11NC01757