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19/03/2012 | FRANCE | N°11NC01078

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 19 mars 2012, 11NC01078


Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2011, présentée pour M. El Houcine A demeurant chez B, ..., par Me Ouriri ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 110991 en date du 31 mai 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aube du 24 mai 2011 décidant sa reconduite à la frontière ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

I

l soutient que :

- la décision de reconduite à la frontière est insuffisamment motivé...

Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2011, présentée pour M. El Houcine A demeurant chez B, ..., par Me Ouriri ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 110991 en date du 31 mai 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aube du 24 mai 2011 décidant sa reconduite à la frontière ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision de reconduite à la frontière est insuffisamment motivée et méconnaît les articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

- il ne pouvait faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé sur sa demande de régularisation ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit maritalement depuis 2005 avec une ressortissante française et qu'il assume le rôle de père de substitution pour les enfants de celle-ci ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 dans la mesure où le délai de sept jours accordé pour son départ volontaire n'est pas approprié à sa situation personnelle ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 9 août 2011, présenté par le préfet de l'Aube qui conclut au rejet de la requête ; le préfet de l'Aube soutient que :

- l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ;

- le dépôt de documents à la préfecture le 24 mai 2011 ne saurait constituer à lui seul une nouvelle demande de titre de séjour ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. A ne démontre pas qu'il s'occupe des enfants de sa compagne, que la conclusion du pacte civil de solidarité est postérieure à la mesure attaquée et qu'il a usé d'un faux titre de séjour pour travailler ;

- le délai de départ volontaire de 7 jours est suffisant et ne méconnaît pas l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 dans la mesure où M. A dispose d'un passeport en cours de validité ;

Vu, en date du 29 septembre 2011, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables aux Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2012 :

- le rapport de Mme Piérart, Président de la Cour,

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué en date du 24 mai 2011 du préfet de l'Aube ordonnant la reconduite à la frontière de M. A vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le 3° du II de l'article L. 511-1 qui fonde la mesure de reconduite ; qu'il précise que M. A a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 22 avril 2008, qu'il a sollicité la régularisation de sa situation administrative sans jamais se présenter à la préfecture, qu'il se maintient en situation irrégulière sur le territoire, qu'il n'est pas dans l'un des cas dans lesquels un étranger ne peut faire l'objet d'une reconduite à la frontière et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de l'Aube n'était pas tenu de préciser en quoi le délai de sept jours fixé pour son départ volontaire était approprié à sa situation ; que par suite, et alors même qu'il n'est pas fait explicitement mention de certains éléments de fait caractérisant la vie privée et familiale de l'intéressé, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'aile : " II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) "

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a fait l'objet le 22 avril 2008 d'une obligation de quitter le territoire français, notifiée le 25 avril 2008 ; qu'il se trouvait à la date de la décision attaquée dans la situation prévue par le 3° de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la circonstance qu'il a sollicité le 18 août 2010, puis le 24 mai 2011, la régularisation de sa situation administrative ne faisait pas obstacle à ce que le préfet décide sa reconduite à la frontière sur le fondement des dispositions précitées ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A, ressortissant marocain entré en France en août 2002 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités allemandes, fait valoir qu'il vit en concubinage depuis au moins le mois de décembre 2005 avec Mme Beauvallet, ressortissante française rencontrée en 2003, qu'il s'occupe des enfants de cette dernière, issus d'une précédente union, et que des membres de sa famille résident en France ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A a sollicité son admission au séjour le 17 décembre 2007 ; que celle-ci lui a été refusée par arrêté du 22 avril 2008 assorti d'une obligation de quitter le territoire ; qu'il a présenté une requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 avril 2008 qui a été rejetée par le Tribunal administratif de Rouen le 31 juillet 2008, rejet confirmé par la Cour administrative d'appel de Douai le 22 septembre 2009 ; que l'intéressé a travaillé dans le secteur du bâtiment en faisant usage d'un faux titre de séjour ; que le pacte civil de solidarité, enregistré au greffe du Tribunal d'instance de Troyes le 24 juin 2011, a été conclu avec Mme Beauvallet postérieurement à l'intervention de l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux ; qu'en outre, il n'établit pas, par les pièces produites, contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation des enfants de sa compagne ; qu'aucune circonstance ne fait obstacle à ce que M. A constitue une vie familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans et où il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de M. A, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, la décision prise à son encontre n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, que si M. A soutient que le délai de sept jours fixé par la décision attaquée pour son départ volontaire du territoire français ne lui permet pas, eu égard à l'ancienneté de sa présence en France, d'organiser son départ dans des conditions optimales, il n'apporte toutefois aucun élément circonstancié à l'appui de ses allégations ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2011 par lequel le préfet de l'Aube a décidé sa reconduite à la frontière ; que, par voie de conséquence, les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. El Houcine A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 11NC01078


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01078
Date de la décision : 19/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PIERART
Rapporteur ?: Mme Odile PIERART
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : OURIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-03-19;11nc01078 ?
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