Vu la requête, enregistrée le 5 mai 2011, présentée pour M. Fouzi A, élisant domicile chez son conseil, Me Dollé, 10 rue Fabert à Metz (57000) ; M. A demande à la Cour ;
1°) d'annuler le jugement n° 1100495 en date du 4 février 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 2 février 2011 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant l'Algérie comme pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 2 février 2011 du préfet de la Moselle décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 à verser à son conseil, Me Dollé, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
M. A soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé dans la mesure où le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- ledit arrêté a été pris en violation des dispositions de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier en tant qu'il ne prévoit pas un délai de départ volontaire ;
- la décision de reconduite à la frontière méconnaît les dispositions des articles 6-5 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et libertés fondamentales, dès lors qu'il est arrivé en France en 1981 à l'âge de cinq ans où il a vécu jusqu'en 1996, qu'il y réside à nouveau depuis 2008 et que l'ensemble de sa famille réside en France ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu, en date du 7 avril 2011, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu, enregistré le 9 novembre 2011, le mémoire en défense présenté par le préfet de la Moselle qui conclut au non-lieu à statuer sur la requête en ce que requérant est reparti volontairement en Algérie et au rejet de la demande présentée par M. A sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables aux Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2011:
- le rapport de Mme Piérart, président de la Cour,
- et les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :
Considérant que le préfet la Moselle n'a pas abrogé l'arrêté attaqué et que le retour volontaire de M. A en Algérie est sans incidence sur l'objet du litige ; qu'il y a dès lors lieu de statuer sur la requête de M. A;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) ;
Considérant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles n'imposent pas qu'une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d'un délai approprié pour le départ volontaire d'un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8 ; que les dispositions de la directive ne font toutefois pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1, dès lors que cette mesure est assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ;
Considérant que les articles 7 et 8 de la directive, qui n'a pas été transposée par la France dans le délai imparti, expiré le 24 décembre 2010, énoncent des obligations inconditionnelles et suffisamment précises pouvant être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif non réglementaire ;
Considérant que l'arrêté en date du 2 février 2011 par lequel le préfet de la Moselle a ordonné la reconduite à la frontière de M. A sur le fondement du 2° du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui accorde aucun délai de départ volontaire ; que cette décision méconnaît les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 février 2011 par lequel le préfet de la Moselle a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. et qu'aux termes de l'article L 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ;
Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article L 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A a droit à une autorisation provisoire de séjour à compter de la date du présent arrêt qui annule l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 2 février 2011 ordonnant sa reconduite à la frontière ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Moselle de notifier, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision, à M. A, qui est reparti volontairement en Algérie le 9 avril 2011, une autorisation provisoire de séjour, puis de réexaminer, au retour de l'intéressé, sa situation au regard de son droit à un titre de séjour au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;
Considérant qu'il appartient en outre au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de prendre les mesures nécessaires pour que M. A rentre en France dans les meilleurs délais, si il le désire, muni de la seule autorisation provisoire de séjour qui lui suffit pour rentrer sur le territoire français, sans que soit exigé de lui quelque visa ou autorisation que ce soit ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 75-I et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que la présente décision admet M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocate, Me Dollé, peut se prévaloir des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce , et sous réserve que Me Dollé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1000 euros à Me Dollé au titre des frais non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 4 février 2011, ensemble l'arrêté du préfet de la Moselle du 2 février 2011 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et fixant le pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de notifier à M. A l'autorisation provisoire de séjour à laquelle il a droit en raison de l'annulation par le présent arrêt de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision et de réexaminer sa situation au regard de son droit au titre de séjour au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de ce réexamen.
Article 3 : Le présent arrêt comporte pour le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration les obligations énoncées dans les motifs du présent arrêt, en ce qui concerne le retour en France de M. A.
Article 4 : L'Etat versera à Me Dollé la somme de 1 000 (mille euros) en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Dollé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. Fouzi A, au préfet de la Moselle et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriale et de l'immigration.
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N°11NC00734