Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2011, présentée pour M. Jean-Louis Philippe A, demeurant ..., par Me Provenzano ; M. A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1005667 en date du 6 décembre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 1er décembre 2010 ordonnant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1000 euros à son conseil, Me Provenzano, au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
M. A soutient que :
- dès lors qu'il a été placé en rétention au centre de Metz-Queuleu, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'était pas compétent pour prendre l'arrêté attaqué ;
- l'arrêté comporte une motivation insuffisante tant en droit qu'en fait dès lors que le préfet utilise une rédaction stéréotypée dépourvue de toute analyse circonstanciée de sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis 2006, qu'il est bien intégré et qu'il entretient depuis 3 mois une relation avec une ressortissante français avec laquelle il envisage de conclure un pacte de solidarité civile ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il souffre de tuberculose, qu'il est en phase de cicatrisation et qu'il doit bénéficier d'un traitement adapté et régulier afin de se prémunir de manière irrémédiable contre cette maladie ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il est exposé à un risque réel, direct et sérieux de traitements inhumains en cas de retour au Cameroun, étant originaire d'une région limitrophe avec le Nigéria où se produit des affrontements constants ;
- dès lors que Mlle Bigonville ne dispose d'aucun droit à le rejoindre au Cameroun et que sa vie y sera en danger si elle décidait malgré tout de le rejoindre, cette mesure porte une atteinte grave et disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ;
Vu le jugement et l'arrêté et attaqués ;
Vu, en date du 8 avril 2011, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire en défense, en date du 23 juin 2011, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2011 :
- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,
- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :
Considérant qu'aux termes de l'article R.551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Les étrangers retenus, en application du présent titre, dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire sont placés,(...), dans des établissements dénommés 'centres de rétention administrative'(...). ; qu'aux termes de l'article R.551-2 du même code : (...) les centres de rétention administrative, qui ont une vocation nationale, reçoivent, dans la limite de leur capacité d'accueil et sans considération de la compétence géographique du préfet ayant pris l'arrêté de placement en rétention, les étrangers mentionnés à l'alinéa précédent quelque soit le lieu de résidence ou de leur interpellation. Le préfet ayant procédé au placement en rétention de l'étranger exerce les compétences relatives à la mesure d'éloignement qu'il met à exécution jusqu'au terme de la procédure engagée quel que soit le lieu où l'étranger en cause est maintenu en rétention. ;
Considérant que M. A a fait l'objet d'un placement en rétention administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire suite à l'arrêté de reconduite à la frontière et à la décision fixant le pays de renvoi pris par le préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 1er décembre 2010 ; qu'ainsi il a pu légalement prononcer ladite décision de placement en rétention ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
Sur le moyen tiré du défaut de motivation :
Considérant que l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A comporte une motivation suffisante tant en droit qu'en fait, dont il résulte notamment que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation de l'intéressé ; que, par suite, le moyen tiré de sa motivation insuffisante doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant que si M.A, ressortissant camerounais, âgé de 50 ans à la date de la mesure contestée, fait valoir qu'il réside en France depuis 2006, qu'il justifie d'une très bonne intégration en France, que son état de santé le rend éligible à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, et qu'il projetait de conclure avec sa concubine de nationalité française un pacte civil de solidarité, qu'au total il a en France le centre de ses intérêts privés et familiaux ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, il était célibataire et vivait depuis seulement trois mois avec sa compagne ; qu'en outre, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Cameroun où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident ses deux enfants ainsi que quatre de ses frères et soeurs ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du caractère récent de la vie commune et des conditions de séjour en France de M. HONG HYO, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté pris à son encontre n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article L.511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
Considérant que si M. A fait valoir qu'il souffre d'une tuberculose, que les certificats médicaux établissent qu'il se trouve en phase de cicatrisation et que cette phase pourra arriver à son terme si il continue de bénéficier d'un traitement régulier et adapté ; qu'en outre l'état du système de santé ainsi que le coût des soins au Cameroun ne lui garantissent pas de pouvoir bénéficier de cette prise en charge dans son pays d'origine ; que, par ailleurs, il a fait deux rechutes lorsqu'il se trouvait au Cameroun ; que, toutefois, les pièces versées au dossier par M. A ne permettent pas de remettre en cause le bien fondé de la décision du préfet prise au vu de l'avis du médecin inspecteur de santé publique, selon laquelle l 'état de santé du requérant ne nécessite pas une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle a méconnu les dispositions susvisées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, d'écarter les moyens tirés de la violation des articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales articulés par M. A, qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 1er décembre 2010 ordonnant sa reconduite à la frontière et désignant le pays de destination ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi relative à l'aide juridique ; que la présente décision n'appelle aucune mesure d 'exécution ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N°11NC00698