Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2004 au greffe de la Cour, et le mémoire complémentaire, enregistré le 26 décembre 2005, présentés pour la SOCIETE 6'TEM, dont le siège social est sis ..., par Me Y... ;
La SOCIETE 6'TEM demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement n° 0002414 du 6 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à faire procéder aux travaux de réparation des désordres affectant les trois postes de refoulement qu'elle a fournis à la commune de Dieuze et à verser à ladite commune une somme de 16 764,36 €, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2000, au titre des travaux conservatoires effectués par celle-ci ;
2°) - de rejeter la demande de la commune de Dieuze devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) - de mettre à la charge de la commune de Dieuze la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que son appel est recevable ;
- qu'elle n'a pas la qualité de constructeur au sens des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil, dès lors que sa prestation, consistant dans la fourniture et la pose de postes préfabriqués, ne peut être considérée comme un ouvrage au sens dudit article ;
- que les désordres, ou tout au moins leur cause, étaient apparents lors de la réception ;
- que c'est ainsi à tort que les premiers juges ont cru devoir engager sa responsabilité sur le fondement de la garantie décennale ;
- que, subsidiairement, elle est fondée à invoquer la négligence du maître d'oeuvre, de nature à l'exonérer de sa responsabilité vis-à-vis de la commune, ou du moins à l'atténuer de manière significative ;
- que le fait que la loi du 12 juillet 1985 prohibe le cumul des fonctions de maîtrise d'oeuvre et de conduite d'opération n'est pas de nature à exclure la responsabilité de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt agissant en qualité de maître d'oeuvre ;
- que la commune ne saurait utilement soutenir qu'elle se serait engagée contractuellement envers elle aux obligations découlant des articles 1 792 et 2 270 du code civil, dès lors que la responsabilité consacrée par ces articles est une garantie légale et non contractuelle ;
- que la direction départementale de l'agriculture et de la forêt s'est comportée en l'espèce comme un véritable conducteur d'opérations, dont la faute est opposable au maître de l'ouvrage ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 février 2005, présenté pour la commune de Dieuze, par Me X... ;
La commune de Dieuze conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la SOCIETE 6'TEM au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la requête de la SOCIETE 6'TEM est irrecevable faute de moyen d'appel et, subsidiairement, infondée ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 28 avril 2006, présenté pour la SOCIETE 6'TEM, qui conclut en outre à ce que la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de la Moselle soit condamnée à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre et à ce que soit ordonnée une expertise complémentaire ;
Elle soutient en outre :
- qu'elle n'était chargée que de la fourniture et non de la pose des postes préfabriqués ;
- que les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents ainsi que d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages n'étant plus soumis à l'obligation d'assurance décennale, ne peuvent être considérés comme des ouvrages au sens des articles 1792 et suivants du code civil ;
- que le rapport d'expertise comporte diverses inexactitudes de fait ;
- que les causes réelles des déformations des cuves étant leur mauvais dimensionnement, et les pressions exercées étant plus importantes que celles mentionnées au cahier des charges, la responsabilité de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt doit être engagée ; qu'il incombait de même à celle-ci d'indiquer la hauteur de la nappe phréatique avant l'ouverture du chantier ;
Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 19 mai 2006, présenté pour la commune de Dieuze, qui conclut en outre au rejet de la demande de complément d'expertise et, au cas où une nouvelle expertise serait ordonnée, à ce qu'il soit enjoint à la société de lui payer la somme de 16 764,36 € assortie des intérêts au taux légal, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
Elle soutient que les nouveaux moyens énoncés par la société requérante ne sont pas fondés et que, dans l'hypothèse où la Cour ferait droit à la demande de complément d'expertise, il y aurait lieu d'assurer l'exécution du jugement attaqué et de condamner la société requérante à lui verser la somme de 16 764,36 € sous astreinte de 500 € par jour de retard ;
Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la Cour, fixant la clôture de l'instruction au 22 mai 2006 à 16 heures ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2006 :
- le rapport de M. Vincent, président,
- les observations de Me Freulet, avocat de la SOCIETE 6'TEM ,
- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, dans le cadre du programme de réhabilitation de son réseau d'assainissement, la commune de Dieuze a confié à la SOCIETE 6'TEM la réalisation de trois postes de refoulement par marché notifié le 5 décembre 1994 ; qu'après que les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 14 septembre 1995, la commune de Dieuze a constaté l'apparition de certains désordres à partir de l'année 1997 et a ainsi recherché la responsabilité de la SOCIETE 6'TEM sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que ladite société relève appel du jugement du 6 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à procéder ou faire procéder aux travaux de réparation des désordres affectant les ouvrages et à verser à la commune de Dieuze la somme de 16 764,36 euros avec intérêts au taux légal au titre des travaux conservatoires effectués par celle-ci ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Dieuze :
Sur la responsabilité de la SOCIETE 6'TEM :
Considérant, en premier lieu, que, par le marché susrappelé, intitulé « marché public de travaux », la commune de Dieuze a confié à la SOCIETE 6'TEM la fourniture et, contrairement à ce que soutient ladite société dans le dernier état de ses écritures, la mise en place de trois postes préfabriqués de refoulement des eaux usées, composés de cuves en fibre de verre reposant sur un radier de béton et munies de pompes de relevage, ainsi que d'une armoire de commande de cet ensemble ; que la prestation de ladite société excédant ainsi la seule fourniture d'éléments d'équipements pour inclure leur mise en place, celle-ci n'est pas fondée à faire valoir qu'elle n'aurait pas la qualité de constructeur de l'ouvrage, qui est par ailleurs au nombre de ceux susceptibles de donner lieu à responsabilité décennale des constructeurs ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis par le juge de la mise en état dans le cadre du litige opposant la société requérante au fournisseur des équipements dont s'agit, que les désordres dont ils sont affectés consistent, pour le poste n° 1, en des fissurations de la cuve et un délitement de la résine en surface, entraînant un défaut d'étanchéité des parois et, pour les postes n° 2 et 3, en une déformation des cuves à l'origine d'un dysfonctionnement des pompes de relevage ; qu'il résulte du constat non utilement contesté opéré par l'expert que ces désordres rendent les ouvrages impropres à leur destination ; que la SOCIETE 6'TEM, à laquelle il appartient d'apporter tous éléments propres à faire ressortir le caractère apparent des désordres lors de la réception, ne saurait se borner à faire valoir à cet égard que « rien ne permet d'affirmer que les désordres étaient cachés au moment de la réception », alors par ailleurs qu'il ne résulte d'aucune des pièces versées au dossier et notamment du rapport d'expertise sus-rappelé, que les malfaçons constatées auraient été apparentes lors de la réception ou, à supposer même qu'elles l'aient été, s'agissant de l'«ovalisation» de la cuve n° 2, que leurs conséquences pouvaient alors être connues dans toute leur étendue ; qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les désordres ont pour origine un défaut de fabrication de la cuve s'agissant du poste n° 1, ainsi que l'insuffisance de renfort du fond de cuve soumis à la poussée d'Archimède due à la présence de la nappe phréatique, s'agissant des postes n° 2 et n° 3 ; que ces désordres sont imputables à la , SOCIETE 6'TEM chargée de la réalisation des postes de refoulement ; que, par suite, ladite société, seule mise en cause par la commune de Dieuze et qui n'a pas présenté, en première instance, de conclusions récursoires dirigées contre la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, maître d'oeuvre, n'est pas fondée à se prévaloir vis-à-vis de la commune de Dieuze de l'imputabilité des désordres au maître d'oeuvre, à supposer même que celle-ci soit établie ; que la SOCIETE 6'TEM n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel à être garantie par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt ; que si la société requérante fait toutefois également valoir que celle-ci aurait agi en qualité de conducteur d'opération et qu'il s'ensuivrait que les manquements dont elle aurait fait preuve seraient opposables à la commune de Dieuze, les seules missions d'agrément des matériaux, d'essais et vérifications, de visa du plan d'exécution des travaux et d'assistance à la réception citées par la société requérante et confiées à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt relèvent du rôle du maître d'oeuvre ; qu'il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que celle-ci aurait en fait également assumé le rôle de conducteur d'opération ; qu'ainsi, le moyen doit en tout état de cause être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une nouvelle expertise, que la requête de la SOCIETE 6'TEM ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Dieuze, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société 6'TEM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE 6'TEM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Dieuze et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SOCIETE 6'TEM est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE 6'TEM versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à la commune de Dieuze au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE 6'TEM et à la commune de Dieuze.
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N° 04NC00868