Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2003 complétée par un mémoire enregistré le 27 décembre 2004, présentée pour M. Jacques X, élisant domicile ..., par la SELARL Dominique Dutter, inscrite au barreau de Bourg-en-Bresse, puis par Me Chiron, avocat associé de la société LCB inscrite au barreau de Dijon ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-196 en date du 24 avril 2003, par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1995 et 1996, et des suppléments de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale mis à sa charge au titre de l'année 1996 ;
2°) de lui accorder la décharge de ces impositions ;
3°) de lui accorder une somme de 2 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. X soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a admis que le crédit du compte d'exploitant dans l'entreprise SCPM, au 31 décembre 1995, à hauteur de 1 575 387 francs, avait induit une augmentation d'actif net, par application de l'article 38-2 du code général des impôts, alors que la somme en cause correspond à des créances de tiers, prises en charge par l'exploitant à titre privé, et exactement compensées par un apport de la créance de ce dernier ;
- la preuve par un acte enregistré concerne les transferts de dettes et non de créances, et elle s'avère impossible en l'espèce ; cette preuve résulte en réalité des écritures comptables, valant acte de gestion de l'exploitant ;
- l'instruction 4 A 211 du 1er septembre 1993 confirme l'analyse ci-dessus ;
- c'est également à tort que le tribunal administratif a admis la taxation dans ses revenus de capitaux mobiliers en tant qu'avance, sur le fondement de l'article 111 a du code général des impôts, du solde débiteur de 310 694 francs constaté au 31 décembre 1996 dans la SARL « CRC » ; l'analyse des écritures comptables de SCPM et de la société CRC établit leur concordance, sauf pour une divergence de 24 000 francs, explicable par des impayés de loyers ; de plus, l'administration n'apporte pas la preuve d'un désinvestissement de la somme en litige, qui aurait été mise à la disposition de l'associé ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistrés au greffe le 19 novembre 2003 et le 1er mars 2005, les mémoires en défense présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que :
- c'est par une exacte application de l'article 38-2 du code général des impôts, que la dette de 1 575 387 francs de l'entreprise SCPM disparue au cours de l'exercice, et créditée au 31 décembre 1995 au compte de l'exploitant a été regardée comme entraînant à due concurrence un accroissement d'actif net, dès lors que l'intéressé n'établit pas avoir effectué un apport de sa créance à l'entreprise ;
- c'est également à bon droit, par application de l'article 111 a du code général des impôts, que le solde débiteur du compte fournisseur « SCPM », à hauteur de 310 694 francs, au 31 décembre 1996, de la société « CRC », a été qualifié d'avance à son associé, imposable pour ce dernier dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2006 :
- le rapport de M. Bathie, premier conseiller
- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X exploitait, à titre individuel, depuis 1989, l'entreprise « SCPM » assurant des prestations de service dans le secteur des plastiques et du caoutchouc ; qu'à compter du 1er juillet 1994, M. X a donné son fonds de commerce en location gérance à la SARL « FCPM » ; que ce fonds de commerce avait notamment pour client la SARL « CRC » ; que M. X et ses deux enfants détenaient, de façon directe ou indirecte, la majorité des parts dans les deux sociétés précitées ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité concernant les trois entreprises sus-mentionnées, l'administration a rehaussé les bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. X, d'une part dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 1995, d'autre part dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 1996 ; que le contribuable fait régulièrement appel du jugement du 24 avril 2003, par lequel le Tribunal administratif de Besançon a refusé de lui accorder la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de ces deux années, ainsi que des rappels de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale au titre de l'année 1996, consécutifs à ces redressements ;
Sur le supplément d'impôt de l'année 1995 :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises … 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de bases à l'impôt, diminuée des suppléments d'apports et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés » ;
Considérant que, lorsqu'une personne physique qui exploite une entreprise industrielle ou commerciale, contracte une dette à l'égard d'un tiers, elle peut décider de regarder l'opération, soit comme étrangère à cette exploitation et ne pas la faire apparaître dans la comptabilité de l'entreprise, soit, au contraire, comme effectuée par celle-ci et retracer dans ses écritures tant l'encaissement de la somme prêtée que le montant de la dette contractée ; que, dans l'un et l'autre cas, l'exploitant prend à ce sujet une décision de gestion qui lui est opposable ; que, dans le premier cas, les événements qui surviennent ultérieurement dans les rapports entre le débiteur et le créancier, tels que le paiement d'intérêts ou l'extinction de la dette par voie de remboursement ou autrement, sont sans influence sur le bénéfice imposable de l'entreprise ; que, dans le second cas, tout événement affectant les droits et obligations de l'entreprise à l'égard du créancier doit être pris en compte et peut influer sur le bénéfice net de l'exercice au cours duquel il est constaté ; qu'en particulier, si une somme correspondant à la créance d'un tiers figure au passif du bilan d'ouverture d'un exercice et n'apparaît plus comme telle au bilan de clôture du même exercice, l'extinction ainsi constatée de la dette de l'entreprise implique, quelle qu'en soit la cause et à moins qu'elle n'ait pour contrepartie une diminution des valeurs d'actif, une augmentation de la valeur de l'actif net entre l'ouverture et la clôture de l'exercice ; qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts, les variations du montant du compte personnel de l'exploitant ne peuvent avoir une influence sur la détermination du bénéfice net imposable de l'entreprise que dans la mesure où elles expriment des suppléments d'apport ou des prélèvements effectués par cet exploitant ; que rien ne s'oppose à ce qu'une créance sur l'entreprise fasse l'objet d'un apport en particulier lorsque, la créance subsistant, l'exploitant entend reprendre et assurer désormais, à titre personnel, les obligations de l'entreprise envers le titulaire de la créance ; que, dans ce dernier cas, il appartient à l'exploitant d'apporter la preuve du maintien de la créance et de ce qu'il s'est substitué au tiers qui en était titulaire, et en a fait apport à l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise « SCPM » de M. X, enregistrait au bilan d'ouverture de l'exercice 1995, un ensemble de dettes envers les fournisseurs ou créanciers divers totalisant 1 575 387 francs ; que ces dettes ne figuraient plus au bilan de clôture du même exercice, lequel faisait cependant apparaître un crédit d'égal montant au compte de l'exploitant ; que le vérificateur a, d'une part, constaté un accroissement de l'actif net de l'entreprise à concurrence de ce montant, d'autre part rehaussé de cette somme les bénéfices industriels et commerciaux de l'exploitant, sur le fondement du 2 de l'article 38 précité ; que si M. X soutient à nouveau en appel, qu'il a assumé la charge de ces dettes, et fait apport de sa créance corrélative envers l'entreprise, à cette dernière, il n'a produit aucun acte de nature à établir ce transfert de dettes, ni au demeurant leur apurement ; que contrairement à ce qu'il allègue devant la Cour, la preuve de cet apport ne peut résulter des seules écritures comptables de l'exercice clos en 1995 ; que la circonstance que le contribuable demeure personnellement débiteur des dettes en cause au terme des opérations comptables sus-évoquées, demeure sans incidence sur le redressement effectué sur ses bénéfices industriels et commerciaux, qui résulte de l'application, au transfert constaté de certaines dettes de l'actif de l'entreprise dans le patrimoine privé de l'exploitant, des dispositions de l'article 38-2 précité ;
Considérant, par ailleurs que l'instruction 4 A 211 du 1er septembre 1993 que le requérant oppose au service, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle analysée ci-dessus ;
Sur les suppléments d'imposition de l'année 1996 :
Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : a - Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances … » ;
Considérant que le vérificateur a constaté à la clôture de l'exercice 1996 de la SARL « CRC », un compte « fournisseur », débiteur en faveur de l'entreprise « SPCM » de M. X à hauteur de 310 694 francs ; que cette somme, requalifiée « d'avance » a été imposée au nom du bénéficiaire, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, par application de l'article 111 a précité ; que le requérant fait valoir que la comptabilité de l'entreprise « SCPM » a enregistré de façon symétrique, au compte « client », les mêmes écritures que celles relevées au compte « fournisseur » de la société « CRC », à l'exception d'une somme de 24 000 francs correspondant à des loyers impayés ; que toutefois les crédits cités du compte « client » se situent entre décembre 1993 et décembre 1994 ; qu'il n'est pas contesté que ce compte « client » était soldé en décembre 1996, alors que le compte « fournisseur » de la société « CRC » faisait ressortir à cette date un débit de 310 694 francs ; que M. X détenant, avec ses enfants, la totalité des parts de la SARL « CRC », devait être regardé, par suite, comme le maître de l'affaire ; que, dans ces conditions, l'administration a pu, à bon droit, qualifier le solde débiteur sus-évoqué d'avance consentie par la SARL « CRC » à son fournisseur et associé, et imposer ce montant, en tant que revenu distribué au nom de ce dernier, sur le fondement du a de l'article 111 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions du requérant tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jacques X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 03NC00711